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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Behaaloteha 5770

Updated: Nov 28, 2018

Le mensonge un nécessité


(video en deux parties)

Premiere partie:

La parasha commence par les versets suivants : « L'Éternel parla à Moïse en ces termes: 2 "Parle à Aaron et dis-lui: Quand tu disposeras les lampes, c'est vis-à-vis de la face du candélabre que les sept lampes doivent projeter la lumière." 3 Ainsi fit Aaron: c'est vis-à-vis de la face du candélabre qu'il en disposa les lampes, comme l'Éternel l'avait ordonné à Moïse »


Rashi commente, pour expliquer la redondance du verset, « Ainsi fit Aaron : Cela à l’éloge de Aaron qui n’a jamais changé » il semble que Rashi veuille dire qu’Aaron a allumé les lumières de la menora tous les soirs de la même manière, et qu’il n’a jamais changé dans l’accomplissement de l’ordre de D.

Le verset veut montrer la grandeur d’Aaron qui ne s’est jamais lassé d’allumer les lampes de la menora, il a gardé le même enthousiasme du premier jour de son service jusqu’au dernier. On peut s’interroger sur le sens de ce midrash apporté par Rashi. En effet, pourquoi le fait de faire une action de manière répétitive est-il vu comme quelque chose de positif ? A priori la répétition machinale est une preuve de bêtise pas une preuve de sincérité dans l’action. L’enthousiasme ne peut s’exprimer que par le renouveau et non pas par la répétition ! Si un homme est capable de trouver de l’enthousiasme dans la réplique exacte d’une action, c’est qu’il est très superficiel, ou qu’il est bête.

On peut peut être donné un sens à ce midrash grâce à un passage de Maimonide

Dans les lois de la connaissance Maimonide dit « Le droit chemin est le juste milieu dans chaque connaissance commune à l’homme, c'est-à-dire le trait équidistant des deux extrêmes, qui n’est pas plus proche d’un [extrême] que de l’autre. Ainsi, les sages d’antan nous ont exhortés à toujours évaluer ses traits de caractère et les ajuster au juste milieu, afin d’avoir un corps sain. Comment cela s'applique-t-il ? Un homme ne doit pas être coléreux, prompt à la colère, ni être comme un mort sans sensation ; il doit viser le juste milieu,… Comment l’homme peut-il suivre ces connaissances, de façon à ce qu’ils deviennent ancrés en lui ? Il doit exercer [son cœur] une première, une seconde, et une troisième [fois] à suivre la conduite dictée par ces traits intermédiaires, et répéter [ce comportement] continuellement, jusqu’à ce que cela devienne facile et n’exige plus un effort de sa part, et que ces traits deviennent partie intégrante de son caractère »

On peut faire deux remarques sur ce passage de Maimonide. La première remarque est que Maimonide appelle les traits de caractères des connaissances ou des savoirs. Les commentateurs expliquent que Maimonide pense que la base des comportements d’un homme est définie dans le système de valeur de ce dernier. Selon Maimonide, si un homme se met souvent en colère c’est par ce qu’il pense, au fond de lui, que la colère est utile. Si un homme mange trop, c’est par ce qu’il pense, au fond de lui, que le fait de manger est utile, quelque soit le calcul raisonné qui guide le comportement, ce raisonnement est existant.

Même le malade mental suit une logique dans sa folie, la guérison est avant tout la correction d’un raisonnement logique chez le malade.

Maimonide a écrit un traité sur « la guérison par l’esprit », il pense que tout comportement est assis sur des connaissances. L’homme peut changer de comportement en changeant de connaissance.

La deuxième remarque est la constatation d’un paradoxe. Si Maimonide a été le premier à penser (1100 ans avant) que l’homme puisse guérir par le discours, on s’attendrait à ce qu’il propose à la personne qui veut changer, une sorte d’auto-psycho-analyse. Logiquement, celui qui voudrait changer devrait chercher les failles dans sa logique interne pour pouvoir changer de comportement. Pourtant, Maimonide propose une approche « behaviouriste » et « comportementaliste », il conseil à celui qui veut changer de s’en remettre à l’habitude, puisqu’il dit «Comment l’homme peut-il suivre ces connaissances, de façon à ce qu’ils deviennent ancrés en lui ? Il doit exercer [son cœur] une première, une seconde, et une troisième [fois] à suivre la conduite dictée par ces traits intermédiaires, et répéter [ce comportement] continuellement ».

Comment comprendre ce paradoxe ? Comment se fait-il que Maimonide d’une part reconnaisse la primauté de l’esprit et de la connaissance comme régissant les comportements et les sentiments, alors que d’autre part, il pense que c’est en changeant les habitudes du comportement que l’homme peut changer sa connaissance, et non pas en changeant ses connaissances qu’il va changer son comportement.

On peut poser des questions similaires sur un autre passage de Maimonide. Dans les lois de la techouvah, Maimonide explique que le service de D doit être désintéressé, pourtant, Maimonide dit aussi que c’est en servant D de manière intéressé que l’on apprend a servir D de manière désintéressée.

« Celui qui sert [D.ieu] par amour, s’investit dans la Thora et les commandements, et marche dans les chemins de la sagesse pour aucun motif extérieur : ni par crainte d’une calamité, ni pour obtenir le bien, mais fait ce qui est le vrai parce que cela est vrai, et finalement, le bien viendra par cela. Cette vertu est une immense vertu, qui n’est pas méritée par tout sage. C’est la vertu d’Abraham notre père, qui fut appelé par le Saint Béni soit-Il : « Celui qui M’aime », car il n’a servi [D.ieu] que par amour. C’est cette qualité que D.ieu nous a ordonnée par l’intermédiaire de Moïse, ainsi qu’il est dit : « Tu aimeras l’Eterne-l ton D.ieu ». Lorsqu’un homme aimera D comme il se doit, il observera tous les commandements par amour…Qui s’investit dans la Thora afin de recevoir une récompense ou afin de ne pas être sujet à des malheurs s’y investit de manière intéressée. Et qui s’y investit non par crainte, ni dans l’attente d’une récompense, mais par amour pour le Maître de la terre qui l’a ordonné s’y investit de façon désintéressée. Les sages ont dit : « Un homme doit toujours s’investir dans la Thora, même pour des motifs personnels, car à travers celle-ci, il parviendra à l’étude désintéressée ». C’est pourquoi, lorsque l’on enseigne [la Thora] aux enfants, aux femmes et aux ignorants, on leur enseigne à servir [D.ieu] par crainte, ou afin de recevoir une récompense, jusqu’à ce que leur esprit s’élargisse et qu’ils deviennent plus sages. On leur dévoile ce secret petit à petit et on leur inculque doucement cette idée jusqu’à ce qu’ils la comprennent, et qu’ils s’y habituent, et servent [D.ieu] par amour. » La aussi, on a du mal a comprendre comment le fait d’habituer un enfant à servir D dans la crainte permettra d’ouvrir l’esprit de l’enfant au point où il arrivera à servir D de manière désintéressée, comment la transition entre un service par la peur et un service désintéressé peut elle s’opérer grâce à l’habitude et la répétition?

Pour répondre à cette question nous devons dire que l’homme a une relation ambivalente à la connaissance. En fait l’homme connait la vérité absolue, même le malade mental sait ou est le vrai. Mais l’homme ne peut pas vivre à la hauteur de cette connaissance, l’homme ne peut jamais vivre à la hauteur de sa pensée, (sauf si c’est un abruti parfait comme Michel Onfray), sinon il serait un robot.

L’individu est obligé de se fabriquer une vérité relative avec laquelle il peut vivre. L’homme a une conscience inaltérable et innée de la vérité absolue, mais il ne peut envisager cette connaissance qu’à travers une interface, une pseudo vérité, sans cette interface l’homme ne pourrait pas supporter de vivre avec la lumière de la vérité.

La torsion de la connaissance n’atteint jamais l’intellect de l’homme dans sa relation à la vérité absolue. La torsion de la logique chez le malade se trouve dans une version abâtardie de la connaissance du vrai avec laquelle l’homme est obligé de vivre. Ainsi Maimonide pense que c’est en changeant de comportement que l’homme va arriver à se rapprocher de la connaissance de la vérité qui est inhérente en lui.

Pour Maimonide ce n’est pas le discours qui va changer l’homme, mais c’est le contrôle de son comportement qui peut permettre à l’individu de se rapprocher de lui-même.

C’est de cette manière que l’on peut interpréter le sens du rituel religieux, l’homme doit changer son comportement par l’habitude pour être capable d’envisager de manière de plus en plus claire la connaissance de D qui est en lui.

Aaron a allume la menora tous les jours pour recevoir la lumière de la connaissance qui était en lui. Ce n’est pas la menora qui était la source de la lumière de la connaissance de D, c’était l’âme d’Aaron, mais Aaron ne pouvait recevoir la lumière de son âme que s’il allumait la menora tous les jours de manière machinale. Mais, à chaque fois qu’Aaron allumait la menora il était capable de recevoir une lumière plus puissante et plus claire que la fois précédente

Le rapport ambivalent à la vérité peut être éclairé par la lecture du premier chapitre de « la victoire d’Israël » du Maharal. .

Dans ce chapitre, le Maharal s’interroge sur la définition du concept de « gueoulah », « libération », en hébreux. Il remarque que le mot exile « galouth », se rapproche phonétiquement du mot libération « gueoulah ». Le Maharal explique ce rapprochement entre les deux mots en disant que l’exil et la libération ne sont en fait que les deux faces de la même réalité, en effet, il ne peut pas y avoir d’exil sans libération, puisque l’exil est toujours un passage transitoire dans l’espoir d’une libération. D’autre part, il ne peut pas y avoir de libération sans exile, on est toujours libérer de quelque chose dont on voulait se débarrasser. Le Maharal en déduit que la libération est déjà dans l’exile, et que c’est dans l’exile que nous construisant notre libération. Pour le Maharal la spécificité des juifs de France ou d’Espagne restera marque dans les temps de la libération, car la libération ne sera pas la négation de l’exil, la gueoulah sera seulement la finalisation de l’expérience de l’exil.

Ce qui est intéressant c’est de comparer ce passage du Maharal au traité sur la logique d’Aristote. A priori, le Maharal ne fait que plagier Aristote. C’est Aristote qui a dit le premier que l’on ne peut comprendre un concept qu’en l’opposant à un autre concept de manière symétrique. Pourtant, à mon avis, il y a une différence essentielle entre l’approche du Maharal et celle d’Aristote. Aristote ne parle d’opposition pour comprendre les contraires que dans l’optique de la logique arithmétique d’un raisonnement dynamique, et dialectique, alors que le Maharal utilise les divisions conceptuelles d’Aristote pour les appliquer à des réalités existentielles sensibles concomitantes. Chez Aristote on reste avec la contradiction de deux réalités qui s’opposent alors que chez le Maharal les deux concepts ne sont que deux faces de la même réalité.

Ce qui se cache derrière la différence d’approche du Maharal et d’Aristote, c’est qu’Aristote n’envisage pas une vérité supérieure à partir de laquelle l’individu élabore un discours, alors que pour le Maharal cette vérité supérieure existe. Pour Aristote la connaissance ne peut être que dialectique, alors que pour le Maharal à travers la dialectique l’homme peut arriver à connaitre une vérité supérieure.

Le Maharal reconnait comme Maimonide la primauté d’une connaissance innée de la vérité chez l’homme, et il reconnait aussi que cette vérité ne peut s’envisager que par l’intermédiaire d’une vérité abâtardie et partielle qui est celle du discours. L’homme ne peut pas regarder la vérité en face, il a besoin de créer un discours et des concepts qui se contredisent pour pouvoir envisager cette vérité de biais. (Les six bougies de la menora font face à la lumière centrale, il l’éclaire en la cachant.) La connaissance d’une vérité est innée à l’homme et elle est la base de tous les mensonges.

Pour le Maharal, il ne peut pas y avoir de mensonge sans vérité, et il ne peut pas y avoir de vérité sans mensonge. Car on ne peut mentir que si on connait la vérité au fond de soi et on ne peut dire la vérité que si on connait le mensonge que l’on veut nier.

La vérité c’est le sceaux divin.

Le midrash Rabah dans Bereshit dit que la vérité s’est opposée à la création de l’homme car l’homme est par essence « un tissus de mensonge ». D a jeté la vérité par terre et il a dit à la vérité « tu germeras de la terre ! ». D’autre part, la vérité est appelée le « sceau divin » le talmud dit : « le sceau de D c’est la vérité ».

L’homme est aussi appelé le sceau de D, il a été crée par le tampon de D. Alors, comment comprendre que bien que l’homme et la vérité soient antinomiques ils soient appellés tous les deux les sceaux de D ?

Descartes a expliqué que l’homme est appelé « le sceau de D » par ce que de même qu’un tampon écrit en creux sur la cire ou sur le fer, de la même manière, l’homme est lié à D « en creux ». L’homme ressent D comme celui qui n’est pas lui. Au niveau de la perfection, l’homme reconnait D comme celui qui est son opposé, l’homme ne peut comprendre l’infinie puissance de D, que lorsqu’il prend conscience de sa propre faiblesse. L’homme comprend l’éternité de D uniquement par ce qu’il sait qu’il va lui-même mourir.

Il en va de même dans le rapport à la vérité, l’homme ne peut avoir un rapport à la vérité que en creux. L’individu sait ce qu’est la vérité mais il ne peut l’exprimer qu’à travers le masque du langage. L’homme connait la vérité mais il doit s’habituer et apprendre à vivre avec cette connaissance.

Bergson disait « Un philosophe digne de ce nom n'a jamais dit qu'une seule chose… encore a-t-il plutôt cherché à la dire, qu'il ne l'a dite véritablement ». Cette phrase de Bergson peut être élargie à tous les types de créations, un peintre ou un musicien, ou un mathématicien n’ont jamais cherché à dire qu’une seule chose. Cette chose c’est la vérité innée avec laquelle ils voulaient apprendre à vivre. Pourtant les créateurs ont besoin de se répéter un nombre infini de foi pour envisager plus clairement la vérité qu’ils aperçoivent. Il y a un lien d’équivalence entre la répétition rituelle et l’acte créatif.

Deuxième partie:

La vérité se réalise dans l’histoire

Le midrash dans Bereshit Rabah dit qu’à partir de la création de l’homme « la vérité germe de la terre ». Du fait que la nature de l’homme c’est le mensonge, la vérité n’est plus statique, elle s’accomplie à travers l’histoire. Elle pousse à partir de la terre. Comme la pousse du messie qui germe en s’accomplissant à travers l’histoire.

Le talmud dans Sanhédrin 64 et dans Yomah 69 raconte qu’à l’époque du prophète Zacharie les juifs ont prié pour annuler le mauvais penchant de l’idolâtrie et qu’après trois jours de jeûne, ils ont reçu un billet du ciel sur lequel il était marqué « emeth » « vérité ». Par ce billet D voulait dire qu’il avait exaucé les prières des juifs et qu’il avait annulé le mauvais penchant de l’idolâtrie. Le talmud déduit de ce récit que « le sceau de D, c’est la vérité ». Rashi explique cette déduction du talmud comme disant que ce qui se réalise dans l’histoire c’est la vérité, car l’histoire c’est la réalisation de la volonté de D. L’histoire montre qu’après les prières de Zacharie l’idolâtrie a commence à disparaitre en Israël. On ne peut connaitre la vérité qu’après coup, car c’est l’histoire qui détermine qui est dans le vrai.

Ceci est apparent dans l’exemple de la discussion entre Beth Hillel et Beth Chamai sur la définition des lois de la torah, où l’on voit bien que c’est l’histoire qui donne raison à Beth Hillel, puisque la halacha suit Beth Hillel dans ce monde, alors que dans le monde futur, c’est encore l’histoire qui va donner raison à Beth Chamai, puisque la halacha suit Beth Chamai dans le monde futur. Ni Beth Chamai ni Beth Hillel n’ont absolument tort, ni absolument raison, la vérité est déterminée par le déroulement de l’histoire. La vérité est une construction qui pousse et qui germe à travers l’histoire.

Grace à cette idée du midrash nous pouvons comprendre un passage de Maimonide qui paraissait difficile. Dans le dixième chapitre des lois de la techouvah Maimonide considère comme une évidence que la vérité ne peut être qu’utile. Il dit « l’homme doit accomplir la vérité par ce qu’il sait que c’est la vérité et que le bien en découle finalement. » Cela parait étonnant, pourquoi le vrai serait il associé au bien et à l’utile? L’accomplissement d’une vérité peut être dangereux pour l’homme ou une société, pourquoi Maimonide pense-t-il que la vérité est toujours utile ?

A la lumière du midrash cité précédemment nous pouvons comprendre l’association que fait Maimonide entre le vrai et l’utile. Maimonide pense qu’une vérité dangereuse ce n’est pas une vérité. La vérité doit toujours être adaptée à l’histoire, une vérité qui générerait une violence face à l’histoire cela ne peut pas être une vérité. La vérité ne peut pas justifier une révolution. Le talmud dans Yevamoth 65 dit :

« de même que l’homme a le devoir de dire une vérité à quelqu’un si il peut la comprendre, de la même manière, l’homme a le devoir de ne pas dire une vérité si elle ne va pas être comprise ».

Cette vision relativiste de la vérité n’est pas une négation de la vérité absolue, au contraire, elle sous-entend que la vérité absolue ne peut être envisagée que par l’intermédiaire des vérités partielles.

Ces vérités partielles sont justifiées si elles sont émises dans l’optique de la réalisation d’une vérité absolue. Beth Hillel ne cherchait pas à adapter la halacha à la vie moderne. Beth Hillel cherchait honnêtement la vérité absolue. Tout artiste et tout chercheur, (ou tout médecin, ou tout cuisinier) cherche constamment à atteindre une vérité absolue qui lui échappait jusqu'à maintenant, mais dans sa recherche il n’atteint qu’une vérité partielle. L’homme honnête est toujours à la recherche de la vérité absolue mais il est condamné à ne trouver que des vérités partielles. Ces vérités partielles ne sont pas des errements, ce sont des prismes à travers laquelle on peut saisir la vérité absolue.

Le judaïsme considère la vérité absolue que l’on ne peut pas décrire et la vérité partielle que l’on arrive à énoncer comme les deux aspects d’une même réalité indissociable.

Pour Kawabata et les penseurs zen japonais, l’homme ne peut pas regarder le monde objectif dans sa nudité absurde, la réalité n’est pas regardable. Le sens et la signification que l’homme donne au monde ce sont des manières pour lui de se masquer la vérité objective du monde. La recherche de sens et d’esthétique de l’homme sont une manière pour lui de se détacher de la réalité. Pour les japonais, l’homme ne peut appréhender la réalité du monde objectif qu’à travers la mort et le suicide. Ce n’est que dans l’instant de la mort que l’homme peut regarder la réalité en face. Le judaïsme est diamétralement opposé à cette vision, le judaïsme pense qu’il y a une symbiose entre le sens des choses et l’existence.

Pour le judaïsme on ne peut pas opposer dialectiquement le sens et la signification que l’homme donne au monde d’une part et l’existence absurde de l’univers sans l’homme, d’autre part. Pour le judaïsme, le sens et la signification sont un prisme qui permet à l’homme de regarder la vérité objective de l’existence. Pour le judaïsme l’existence absolue du monde et le sens que l’homme lui donne sont deux aspects d’une même réalité.

Le judaïsme condamne moralement la pensée de l’absurde. Pour le Kouzari si Abraham s’est opposé à l’idolâtrie c’est par ce que c’était une pensée de l’absurde. Cette condamnation n’est compréhensible que si l’on met en lumière le fait que pour le judaïsme l’absurde et le sens ne sont que deux reflets de la même réalité.

Pour le judaïsme l’homme n’a pas le droit de penser que le monde est absurde. Cette condamnation se comprend uniquement si on admet que l’absurdité est un concept qui n’existe qu’en rapport au sens. Une chose ne peut être définie comme absurde que par rapport à un sens que l’on donne au préalable. Il en résulte que lorsqu’un homme va penser à sa vie ou à l’univers, il peut choisir de les voir comme absurdes ou comme ayant un sens, quelque soit le choix de l’homme, il ne fait que choisir un point de vue. Choisir le point de vue de l’absurde est condamnable par ce que c’est un choix négatif et mortifère. Par contre, la torah commande à l’homme de choisir de voir la vie comme ayant un sens, par ce que le sens implique le bien comme finalité.

On ne peut pas penser que le monde est absurde on ne peut que choisir de le voir absurde, ce choix n’est pas un choix philosophique, (puisque philosophiquement l’absurdité et le sens sont l’expression d’un seul et même concept) c’est un choix moral.

La vérité et l’amour

Il y a un passage de Maimonide qui m’a toujours paru très difficile.

Maimonide pense que l’amour de D vient de la connaissance de D. Il dit dans les lois de la techouvah «Quel est cet amour convenable ? Il s’agit d’aimer D.ieu d’un amour immense et ardent, au point que son âme soit unie avec l’amour de D.ieu, et soit continuellement ravie par celui-ci, comme un homme qui se languit d’amour [pour une femme], et n’a pas l’esprit tranquille du fait de cet amour pour cette femme, et y pense continuellement, à se lever, à son coucher, en mangeant et en buvant. Plus intense encore doit être l’amour de D.ieu dans le cœur de ceux qui L’aiment ….Il [l’homme] ne peut aimer le Saint Béni soit-Il que selon la connaissance qu’il a de Lui. La nature de l’amour dépend de la connaissance. Si cette dernière est légère, il [l’amour éveillé] sera léger. Et si celle-ci est large, il [son amour de D.ieu] sera plus large. C’est pourquoi, l’homme doit s’isoler pour comprendre et concevoir la sagesse et les concepts qui lui font connaître Son Créateur, selon l’aptitude de l’homme à comprendre et à saisir…. » Il m’est difficile de comprendre pourquoi l’amour est liée à la connaissance. Pourquoi, selon Maimonide, plus un homme connait D, plus il l’aime ? On a l’impression que Maimonide veut même étendre son raisonnement à l’amour des femmes, plus on va connaitre quelqu’un plus on va l’aimer, plus on va connaitre une femme, plus on va être capable de l’aimer de manière désintéressée. Quel est le lien entre la connaissance et l’amour désintéressé ? Dans la vie de tout les jours, on voit souvent le contraire, en général plus on connait quelqu’un moins on l’aime, c’est ce qui explique les divorces et les amitiés qui s’affadissent.

De plus, il est difficile de comprendre logiquement comment l’amour désintéressé peut exister, en effet, si on aime quelqu’un ou quelque chose c’est toujours par ce que l’on a un intérêt dans cet amour. Si un homme fait un acte sans raison c’est un fou. Même au sujet de l’amour de D on ne peut pas demander à un homme d’aimer D sans raison.

A la lumière de ce que nous avons expliqué dans ce cours, on peut répondre à ces questions de la manière suivante. Le fait est, que l’on aime toujours quelque chose en quelqu'un, il y a toujours un intérêt dans l’amour. Mais si on choisit d’aimer quelqu’un plutôt que d’aimer quelque chose, c’est par ce qui nous intéresse ce n’est pas la chose en elle-même, c’est le rapport de cette personne à la chose que l’on aime.

Par exemple, si quelqu’un aime D par ce qu’il est juste. On peut se demander pourquoi cette personne n’aime-t-elle pas la justice elle-même, pourquoi cette personne a-t-elle besoin de cristalliser son intérêt pour la justice sur D ?

Prenons un autre exemple, si un homme aime une femme par ce qu’elle est intelligente, pourquoi n’aime t il pas l’intelligence dans son absolu ? Pourquoi cet homme a-t-il besoin de cristalliser sa passion de l’intelligence sur une femme ?

La réponse est que l’on n’aime pas quelque chose en quelqu’un, on aime le rapport de quelqu’un à quelque chose. Ce n’est pas que l’on aime la justice, on aime la manière dont D pratique la justice. On n’aime pas la bonté ou l’intelligence d’une personne, ce que l’on aime c’est le rapport à la bonté ou à l’intelligence de cette personne.

Si on reprend l’exemple de l’homme qui aime D par ce qu’il aime la justice divine, on comprend bien que même pour « l’amoureux » de D, cette justice n’est pas toujours apparente. Malgré cette justice, il existe quand même la faim dans le monde, la shoah, (Domenech et Sarkozy). Celui qui aime la justice divine, il aime cette justice dans une relation en creux à l’injustice. Plus l’homme va connaitre la relation de D avec la justice, plus il aimera D de manière désintéressée, par ce qu’il comprendra que la justice de D ne correspond pas a sa définition idéale de la justice.

De même dans le rapport à l’amour d’une femme, si quelqu’un aime une femme par ce qu’elle est intelligente, il comprend bien que cette intelligence de la femme ne correspond pas vraiment a sa vision idéale de l’intelligence. Ce que l’amoureux va aimer chez la femme ce n’est pas la vision idéale qu’il avait de son intelligence, c’est le rapport en creux de cette femme à l’intelligence. Plus cet homme va connaitre cette femme plus il va voir limites et les différences de l intelligence de cette femme avec sa vison propre de l’intelligence.

Plus il l’aimera de manière désintéressée, par ce qu’il va comprendre que l’intelligence de la femme diffère radicalement de son intelligence propre, il ne s’attendra donc pas a ce que la femme réfléchisse come lui.

En résumé, ce qui sous tend la pensée de Maimonide sur la connaissance et l’amour, c’est que la connaissance est toujours en creux, on ne reconnait que ce que l’on ne comprend pas vraiment, et on aime toujours ce que l’on reconnait.

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