Dans ce cours nous parlons de l’idée de rachat ou de libération qui se trouve à la fin de la parasha. La libération dont il est question, c'est la libération de la répétition, de l'enfermement dans un rôle. L'homme peut s'intégrer de deux manières à la société. Soit il peut chercher à être utile à l'autre, par le fruit de son action, ou bien il peut mettre l'emphase sur son épanouissement personnel et attendre que cet épanouissement le rapproche des autres. Il semble que la libération ne puisse se produire que de la deuxième manière.
L’esclavage moderne
1- Empathie et esclavage
Le midrash (Yalkouth Shimoni Chemoth 828) compare la sortie d’Égypte à un accouchement. Les versets disent (deut. 4 34) « Et quelle divinité essaya jamais d'aller se chercher un peuple au milieu d'un autre peuple, à force d'épreuves, de signes et de miracles, en combattant d'une main puissante et d'un bras étendu». Le midrash déduit du début du verset « et quelle divinité essaya jamais » que la séparation du peuple d’Israël du peuple égyptien n’était pas garantie, même pour D, D lui même n’était pas sur de la réussite de son entreprise, il ne savait pas si il allait gagner ou perdre cette bataille. (Midrash ibid.)
Dans le cours de la semaine dernière nous avons envisagé la difficulté de cet accouchement du point de vue de la mère, nous avons expliqué pourquoi la mère, l’Égypte, était possessive et pourquoi elle ne voulait pas laisser partir son enfant. Dans ce cours, nous allons envisager la difficulté de la séparation au niveau du fils. Nous allons tenter d’expliquer, pourquoi les enfants d’Israël veulent toujours retourner en Égypte, pourquoi ils restent nostalgiques de leur esclavage, pourquoi grandir est dur pour un enfant.
Nous allons commencer notre analyse à partir d’un passage des prophètes. Dans le livre de Samuel, on nous raconte qu’après une bataille perdue contre les philistins l’arche sainte a été capturée. Cependant, la capture de l’arche sainte n’amène que des problèmes aux philistins, ils sont frappés par deux plaies : une invasion de mulots et des hémorroïdes. Ils décident de rendre l’arche aux enfants d’Israël pour se libérer de leurs plaies. Les prêtres philistins comparent explicitement la situation des philistins avec celle de pharaon le roi d’Égypte. Les versets disent en effet :
« Ceux-là répondirent: "Si vous renvoyez l'arche du Dieu d'Israël, ne la renvoyez point à vide, il faut aussi lui offrir un expiatoire; alors vous serez guéris, et vous saurez pourquoi sa main ne cesse de vous frapper. 4 Quel expiatoire, dirent-ils, devons-nous lui offrir? Autant, répondit-on, que les Philistins ont de princes: cinq images d'hémorroïdes en or et cinq mulots en or; car vous souffrez d'une même plaie, vous tous et vos princes. 5 Faites donc des simulacres de vos hémorroïdes et des mulots qui ravagent le pays, et offrez-les en hommage au Dieu d'Israël; peut-être cessera-t-il de faire peser sa main sur vous, sur votre dieu et votre pays. 6 Et pourquoi endurcir votre cœur comme l'ont fait les Égyptiens et Pharaon? Assurément, quand il les eut accablés de sa puissance, ils ont dû renvoyer ce peuple et il est parti! 7 Donc, faites fabriquer un chariot neuf, et prenez deux vaches laitières qui n'aient pas encore porté le joug; attelez ces vaches au chariot, et faites ramener leurs petits, séparés d'elles, à l'étable. 8 Prenez alors l'arche de l'Eternel, placez-la sur le chariot, et, à côté d'elle, posez dans un coffret les simulacres d'or que vous lui aurez destinés comme offrande d'expiation; puis vous la laisserez partir, 9 et vous la suivrez des yeux: si elle s'achemine vers son territoire, à Beth-Chémech, c'est elle qui nous a infligé cette grande calamité; sinon, nous en conclurons que ce n'est pas sa main, mais le hasard seul, qui nous a frappés." 10 Ainsi fit-on. L'on prit deux vaches laitières, qu'on attela à un chariot, en retenant les veaux à l'étable; 11 et l'on mit l'arche du Seigneur sur le chariot, ainsi que le coffret contenant les mulots d'or et les simulacres d'hémorroïdes. 12 Les vaches marchèrent droit dans la direction de Beth-Chémech, suivirent toujours une même voie tout en mugissant, et ne s'en écartèrent ni à droite ni à gauche; les princes des Philistins marchèrent derrière elles, jusqu'aux confins de Beth-Chémech. »
Ce qui est spécialement intéressant dans ce passage, c’est la manière dont les philistins rapportent l’arche aux hébreux, ils l’attèlent a des vaches laitières qui viennent d’accoucher et ils laissent les veaux, nouveau nés a l’étable en Palestine, les vaches soufrent énormément en s’éloignant de leurs enfants qui gémissent en face d’eux affamés. Les philistins font cela pour vérifier que les plaies qui les frappent sont vraiment l’œuvre de D. Si les vaches ramènent l’arche en Israël, alors il est certain qu’ils ont été frappés miraculeusement par D, car naturellement les vaches ne pourraient jamais abandonner leurs petits affamés.
Or, les vaches marchent tout droit vers la terre d’Israël pour restituer l’arche. Le verset, pour décrire la marche des vaches, dit « vayasharnah haparot » et « les vaches ont fait une ligne droite », cependant ce verset peut être traduit par « et les vaches ont chanté » le talmud dans le traite de avodah zarah (24) explique que les vaches ont chanté l’hymne entonné par les enfants d’Israël lorsqu’ils ont traversé la mer rouge, les vaches auraient chanté « az yashir Moshé ».
Le talmud veut expliquer que ce passage du livre de Samuel est une clef permettant d’interpréter la sortie des juifs d’Égypte. De même que les vaches laitières qui ont du mal à quitter leurs petits, ainsi les juifs avaient du mal à quitter l’Égypte. Si les hébreux quittent l’Égypte, c’est contre leur gré, par ce qu’ils sont entrainés par une force plus grande que la leur. De même que les vaches sont transportées par l’arche sainte, de même les juifs sont poussés par une force transcendante, à laquelle ils ne peuvent pas résister.
En faisant une analogie entre les enfants d’Israël et les vaches laitières, le talmud veut nous montrer que la difficultés pour les juifs ne tenait pas au fait qu’ils avaient peur de la liberté, et qu’il ne voulaient pas l’assumer. Si les enfants d’Israël ont du mal à quitter l’Égypte, c’est par ce qu’ils sentaient qu’en étant esclave ils apportaient beaucoup à l’Égypte et cette volonté de donner était pour les hébreux fondamentale. Le talmud dans le traité de Psahim (page 1120 dit « le désir de la vache à allaiter est beaucoup plus grand que celui du veaux à traiter ». Même si les égyptiens ne veulent plus de la servitude des hébreux, les hébreux voudraient continuer à être esclaves par ce qu’ils ont un besoin de donner. Les hébreux demandent le droit à travailler servilement.
Il arrive souvent que des individus retenus prisonniers se mettent à soutenir volontairement leurs agresseurs et qu’ils refusent d’être libérés. C’est ce que la psychanalyse appelle le syndrome de Stockholm. Il y a deux interprétations données à ce phénomène. La première est que c’est un mécanisme de survie, les otages se sentant leurs existences menacées, comprennent que la seule manière de survivre à leur agression est de se soumettre complètement à leurs agresseurs, en espérant leur clémence. Même après leur libération les otages restent prisonniers du système psychologique qu’ils ont créé pour survivre (Frank Ochberg « Violence and the Struggle for Existence »). La deuxième cause du syndrome de Stockholm serait la peur de la liberté, les otages ou les esclaves se sentiraient rassurés par le fait qu’ils n’ont aucune décision à prendre et qu’ils sont totalement pris en charge. (Erich Fromm, « escape from freedom »)
Il est intéressent de remarquer que pour ces même psychologues il y a deux conditions qui empêchent la formation du syndrome de Stockholm, premièrement l'agresseur doit être capable d'une conceptualisation idéologique suffisante pour pouvoir justifier son acte aux yeux de ses victimes et deuxièmement il ne doit exister aucun antagonisme ethnique, aucun racisme, ni aucun sentiment de haine des agresseurs à l'égard des otages ; (Ian K. McKenzie, « The Stockholm Syndrome Revisited: Hostages, Relationships, Prediction, Control and Psychological Science », Journal of police crisis negotiations, vol. 4, no 1, 2004, p. 5-21) or ces deux condition ne sont pas applicables à la relation des juifs avec les égyptiens en Égypte. Les égyptiens asservissaient les juifs uniquement par ce qu’ils étaient juifs, il y avait donc une haine racial, et d’autre part les égyptiens étaient incapables d’articuler leur exactions autours d’une idéologie structurée.
De plus, il est difficile de penser que les hébreux avaient peur d’assumer leur liberté, on voit qu’ils n’ont aucune difficulté à sacrifier publiquement les animaux que les égyptiens idolâtrent. Pour le talmud, il faut expliquer la difficulté des juifs à sortir d’Égypte d’une autre manière.
Le talmud pense, en interprétant le passage cité de Samuel, que les juifs ont du mal à sortir d’Égypte par ce qu’ils veulent donner aux égyptiens. Si un individu a du mal à assumer son indépendance face à d’autres individus, s’il est toujours en recherche d’affection, ce n’est pas par ce qu’il cherche le confort d’une relation protectrice, c’est par ce qu’il veut donner, il veut apporter quelque chose à l’autre.
La vache désir allaiter beaucoup plus que le veau désir téter. L’enfant a du mal à assumer son indépendance et à passer à l’âge adulte par ce qu’il sait qu’en restant enfant il apporte du réconfort à ses parents. Il a du mal à grandir par ce qu’il veut continuer à donner ce réconfort.
L’homme sait qu’en s’aliénant émotivement, il donne beaucoup à l’autre, l’aliéné vit à l’intérieur de lui même le plaisir de l’autre. Se libérer d’une dépendance émotionnelle, cela veut dire arrêter d’être une source de plaisir pour l’autre, c’est devenir incapable de donner, c’est pour cela qu’il est difficile de se libérer et de s’assumer complètement émotivement.
Si la torah commande de se souvenir de la sortie d’Égypte tous les jours de sa vie, cela montre que la libération de la sortie d’Égypte est un événement que l’on vie constamment, un combat qu’il faut mener tous les jours pour se libérer de la dépendance émotionnelle que l’on a tendance à créer constamment envers les autres être humains. C’est cette dépendance qui est utilisée par la société ambiante pour manipuler les individus.
Il y a une grand paradoxe dans la pensée post moderne, les postmodernes pensent qu’il n’y a plus de grand récit fondateur capable de donner un sens à la vie et à l’évolution sociale, le monde se serait habitué à vivre dans l’absurde et la non justification rationnelle de la vie. Pourtant, ils pensent aussi que le pouvoir appartient à ceux qui ont la parole, ils pensent que chaque rationalité est le discours d’un pouvoir, que chaque gouvernement doit fonder sa légitimité en inventant une nouvelle manière de rationaliser le monde. Ces deux idées semblent contradictoires, car si l’homme post moderne n’a plus besoin de rationalité, alors, comment se fait il qu’il se laisse manipuler par un discours rationnel inventé par une caste dirigeante ?
Selon le talmud, ce n’est pas par un discours rationnel que l’homme est manipulé par la société, la société aliène l’homme par un conditionnement émotionnel. L’homme a besoin de donner à l’autre, ce besoin crée une dépendance sociale qui a tendance à se traduire naturellement par l’aliénation de l’individu.
C’est à partir ce cette aliénation que la société moderne fonctionne. Le fonctionnement des réseaux sociaux le montrent bien, les consommateurs de ces réseau ne font que donner, ils reçoivent très peu émotionnellement en échange de ce qu’il donne en étalant leur vie au grand jour.
Si on suit ce raisonnement jusqu’au bout, il nous amène à penser que pour se libérer, il faut devenir égoïste et ne plus chercher à donner. Or, ce n’est pas la solution envisagée par la torah. La torah pense qu’il y a une manière différente de donner, si le désir de donner devient aliénant, cela montre simplement que l’on est incapable de donner pour de bon.
2- Etrangeté et prédictibilité
Le talmud dans le traité de Chabath (127a) dit que le fait de recevoir des invités est une mitsvah aussi grande que celle de recevoir la face de la chehinah. Le Maharal de Prague, dans son commentaire du talmud, écrit longuement qu’il faut limiter cet enseignement du talmud à un cas, celui de l’étranger. Pour le Maharal, c’est uniquement lorsque l’on reçoit un étranger chez soi, un homme que l’on ne connait pas du tout, une face nouvelle, que l’on peut considérer que l’on reçoit la face de la chehinah. Mais si la personne que l’on invite chez nous nous est connue, alors, on n’accomplie pas vraiment la mitsvah de recevoir la chehinah.
Ce commentaire du Maharal m’a toujours posé problème, car, on sait que de manière générale, la torah considère que c’est une plus grande mitsvah d’aider ceux qui sont proches de nous que d’aider ceux que l’on ne connait pas. Selon la halacha, il faut d’abord s’aider soi même, en suite sa famille, ensuite ses amis, puis ceux de sa ville et de sa communauté, et en dernière instance, il y a une mitsvah d’aider l’étranger que l’on ne connait pas. Alors comment se fait-il que le Maharal limite l’enseignement du talmud à la réception de l’étranger ?
On peut interpréter les paroles du Maharal de la manière suivante, en fait, on ne peut recevoir qu’un étranger, ceux que l’on connait on ne peut pas les recevoir en nous. Lorsque l’autre est prévisible on ne le voit pas, on ne peut pas créer de relation réelle avec une personne dont on peu prévoir le comportement.
Le désir de donner est toujours orienté vers l’étranger qu’il y a en l’autre. Si les femmes et les hommes s’attirent tellement, c’est par ce qu’ils sont étrangers l’un à l’autre, et qu’ils gardent une part d’imprévisibilité les un pour les autres. Les homosexuels ne sont pas attirés par le sexe opposé par ce qu’ils le connaissent trop bien et qu’ils prévoient trop facilement la manière dont il réagit.
Il y a donc un paradoxe fondamental dans la relation à l’autre, d’un coté, on veut donner à l’autre et créer un lien avec lui, mais d’un autre coté on a besoin qu’il reste un étranger pour qu’il excite notre générosité.
L’acte généreux est une addiction qui pousse à l’aliénation par ce que c’est un acte manqué. La générosité est un désir, qui par définition, ne peut pas être assouvi. L’acte généreux est une manière de mettre l’autre à distance tout en cherchant à s’en rapprocher.
L’empathie joue un rôle fondamental dans la relation à l’autre. Lorsqu’un individu donne à l’autre il vit en lui même le plaisir que l’autre vit en recevant. Mais l’empathie ne fonctionne que grâce à une mise à distance de l’autre, c'est-à-dire que l’on peut prendre la place de l’autre et vivre ce qu’il ressent, qu’à condition qu’on le réduise d’abord à une image, ou plutôt, qu’on le considère comme un acteur jouant un rôle que l’on peut jouer aussi soi même.
Si l’autre nous est parfaitement connu, alors, on ne peut plus se mettre à sa place pour jouer son rôle et ressentir ce qu’il ressent. Il faut faire de l’autre un étranger pour pouvoir se mettre à sa place.
Il est beaucoup plus difficile émotivement de quitter des amis avec lesquelles on a entretenu des relations longues mais très superficielles, que de quitter des amis avec laquelle on a une relation profonde et ouverte.
Les amis avec lesquelles on peu vraiment discuter ne sont jamais loin de nous, même lorsqu’ils sont morts. Paradoxalement, on n’est émotivement peu attaché à nos meilleurs amis, puisqu’on peut les prévoir, ils ne nous manquent jamais.
Paradoxalement, on est triste de voir partir une réceptionniste qui nous disait bonjours tous les matins pendant dix ans. C’est pour cette raison que l’on est beaucoup plus facilement manipulé par un vendeur que l’on connait à peine que par un ami que l’on connait depuis vingt ans.
La société moderne aliène l’homme par l’empathie. L’empathie créé un vide émotionnel en l’homme qu’il ne peut pas combler, car l’empathie fonctionne grâce a une mise a distance de l’autre, l’autre n’étant plus que l’acteur d’un rôle. La société moderne crée un cercle vicieux, car plus l’homme ressent ce vide émotionnel, plus il se sent seul, plus il ressent la nécessité de s’aliéner à l’autre par l’empathie.
3- Addictions et dédoublement de la personnalité comme symptômes de l’empathie
L’empathie fonctionne grâce à une énucléation de l’autre, cependant, par l’empathie, l’homme recherche l’autre. Cette ouverture impossible à l’autre, oblige l’homme à vivre son rapport à autrui en mimant des comportements.
Dans l’empathie, l’accès à l’autre se réduit à l’imitation de son comportement et de ses sentiments. Or, comme cette mimétique n’est qu’un simulacre, elle crée un vide émotionnel. Pour combler ce vide l’homme va avoir tendance à développer deux types de réactions.
Soit il va dédoubler sa personnalité, en effet, il va chercher à combler le vide en essayant de jouer son propre rôle et celui de l’autre simultanément. Soit, il va chercher à combler ce vide par d’autres simulacres, les comportements addictifs.
Disons qu’un homme offre un cadeau à un autre, il va vivre mentalement le plaisir que l’autre a à recevoir le cadeau. Cependant, comme l’homme sait qu’il n’est pas l’autre et que l’autre est un étranger qui s’échappe, alors, il veut continuer à vivre simultanément aussi la joie de celui qui donne le cadeau. L’ennui est que de cette manière l’individu est devenu totalement étranger à lui même, il va donc créer en lui une personnalité double, une sorte de Dr Jekyll et mister Hyde à travers laquelle il va chercher à se retrouver lui même. L’individu va penser être en phase avec lui même et avec l’autre lorsqu’il va sentir une bipolarité à laquelle il ne peut pas s’extraire.
Les relations sadomasochistes sont des relations empathiques. La victime cherche à vivre la joie du bourreau et le bourreau cherche à vivre la douleur de la victime, mais comme cette relation est énuclée, elle n’est que théâtre, elle nécessité une inversion périodique des rôles et a la longue elle favorise les dédoublements de personnalité.
Le talmud dans le traité d’Avodah Zarah (17a) cite plusieurs versets de la bible (Ézéchiel et Michlé) disant que toute femme qui se prostitue pour de l’argent finira elle même par payer ses amants. Le talmud dit qu’il faut expliquer ces versets au sens littéral, la femme qui se prostitue se projette dans le plaisir de son client qui lui même tire un plaisir à payer pour jouir sexuellement de quelqu’un. Cette projection empathique de la prostituée sur son client, entraine chez la prostituée un désir de payer elle aussi pour jouir. La prostituée doit mimer le plaisir de son amant pour ressentir elle même du plaisir. Pour le talmud l’empathie est une perversion.
Il est important de remarquer que ce passage est le seul ou le talmud cite les élèves de jésus de Nazareth, en effet les élèves de jésus refusent d’expliquer ces versets de manière littérale. Le talmud explique que le point de discussion principale entre le judaïsme et le christianisme, c’est le rapport à l’empathie. Pour le christianisme l’empathie est une valeur morale positive, alors que pour le judaïsme l’empathie est une perversion morale.
4- Le rachat la première étape de la libération
A la fin de la parasha, la torah mentionne à deux reprises la mitsvah de racheter les premiers nés. Cette mitsvah se trouve aussi dans le livre des nombres. Dans notre parasha cette acte de rachat est vu comme une manière de se libérer d’une culpabilité, la culpabilité d’avoir causé la mort de tous les premier nés égyptiens. D commande aux enfants d’Israël de racheter leur faute en payant de l’argent. Dans le livre des nombre, la mitsvah du rachat est liée à la faute du veau d’or et à la vente de Josef. Les premiers nés juifs auraient du servir au temple mais comme ils ont fauté par l’adoration du veau d’or, ils ont été profanés, ils ont donc perdu le privilège de servir au temple au profit de la tribu de Levy. Pour que la profanation des premiers nés d’Israël soit accomplie, les lévites doivent racheter la sainteté des premiers nés juifs avec de l’argent.
Ces passages de la bible posent plusieurs problèmes. Premièrement ils semblent se contredirent puisque chacun des passages semble exclure l’autre. Deuxièmement on ne comprend pas comment on pourrait racheter son âme en donnant de l’argent. Troisièmement on ne comprend pas pourquoi les juifs sont responsables de la mort des premiers nées égyptiens.
Rapidement, on peut répondre à ces questions de la manière suivante. L’argent n’a pas pour but de racheter l’âme du pécheur, mais de le libérer, le mot « pidyon », en hébreux veut dire « rachat » mais il veut surtout dire libération. La vente de Josef a entrainé l’asservissement des enfants d’Israël en Égypte, les juifs ont été puni mesure contre mesure et ils ont été ensuite eux même asservis.
La nature emphatique de l’homme voudrait que les juifs s’identifient à leur bourreau et qu’ils deviennent eux même des tortionnaires comme les égyptiens, ou bien qu’ils continuent à s’identifier à des victimes.
Mais dans les deux cas, les hébreux sont coincés dans un système clos d’identification. Cette dualité se retrouve dans le sens duel donné par la torah au rachat des premiers nés. D’un coté, le rachat est l’avènement de la consécration et de l’élection d’Israël en tant que peuple élu, et aussi c’est un rachat de la faute du veau d’or le rachat symbolise la profanation irrémédiable du peuple d’Israël au profit des kohanim.
Pour sortir de cette dualité il faut sortir de l’identification à l’autre c'est-à-dire du rapport empathique à l’autre. Le rachat est la mitsvah de la torah qui a cette propriété, le rachat exprime l’idée qu’il y a en chaque être humain une partie interchangeable, quelque part, chaque être humain est une marchandise, il peut être évalué sur un marché. De ce fait, chaque être humain est foncièrement étranger à l’autre, il y a dans cette évaluation monétaire de l’être humain la reconnaissance d’une solitude inhérente à la condition humaine.
Pour l’autre, au fond je ne suis qu’une marchandise. Lorsque je cherche l’autre à travers l’action généreuse je me trompe fondamentalement, l’action généreuse est évaluable, elle n’est qu’une production interchangeable.
Le rachat montre que l’homme ne peut pas rencontrer l’autre dans le domaine de l’action, les juifs sont interchangeables avec les égyptiens et les kohanim sont interchangeables avec les hébreux, on peut même échanger un âne contre un agneau. Dans le rachat, il y a une prise de conscience d’une profanation irrémédiable de l’homme.
Le mot profanation en hébreux se dit « hol » « sable », le grain de sable est ce qui est commun et remplaçable par excellence.
Pourtant, lorsque l’home comprend que dans le monde de l’action il n’est qu’un grain de sable comme un autre, qu’il n’est qu’une marchandise, du même coup, il comprend qu’il y a en lui quelque chose d’invisible, d’eternel et d’unique. Cette chose qui échappe à l’empathie et à la mimétique des comportements, c’est en ce sens que le rachat est un acte de consécration et de sanctification, mais surtout de libération, car il libère l’homme de l’empathie.
5- La danse de Miriam l’étape finale de la rédemption
Dans la parasha de la semaine prochaine après le chant des hébreux, la torah nous parle de la danse de Miriam (d’après le targum de Yehonathan ben Uziel). La danse de Miriam est une Hora, une ronde. Le talmud dans le traité de Taanith 31 a expliqué que la ronde des jeunes filles est toujours une allusion au monde futur et au temps messianique.
Le Maharal (Béer Hagolah 4) explique ce passage du talmud de la manière suivante : il y a deux manières d’aller vers l’autre. Soit on peut aller vers l’autre de manière linéaire, ceci est la mauvaise manière. C’est la manière du christianisme de Jésus, c’est la croix.
La deuxième manière c’est l’union par le cercle, les points d’un cercle sont unis par ce qu’ils tendent vers le même centre, pas par ce qu’ils tendent les uns vers les autres. Le Maharal explique que la ronde de Miriam signifie que c’est de cette manière que l’on peut rencontrer l’autre de manière authentique. L’homme doit chercher à trouver son propre centre, le centre autour duquel il gravite, il doit chercher à réaliser cette intériorité invisible dans l’action, symbolisée par la danse. C’est lorsqu’il cherche à réaliser son intériorité propre, qu’il assume sa solitude et son unicité absolue, que par accident, il rencontre l’autre, par ce qu’il se rend compte que l’autre aussi gravite à la même distance que lui autour d’un centre commun.
Comentarios