Dans ce cours nous parlons du rapport a la mere et le lien que l'homme fait entre sa mere et sa femme. Le verset dit qu'Isaac aimait sa femme par ce qu'elle ressemblait a sa mere, est ce un rapport sain au mariage?"
La parasha nous raconte le mariage de Rivkah avec Isaac. Isaac n’a pas aimé Rivkah dès qu’il l’a vu, il est devenu amoureux d’elle d’une manière très étrange.
Les versets disent « Isaac la conduisit dans la tente de Sara sa mère; il prit Rébecca pour femme et il l'aima et il se consola d’avoir perdu sa mère. »
Rashi commente ces versets en disant : « Dans la tente de Sara sa mère : Il l’a conduite dans la tente, et elle a pris la ressemblance de Sara, sa mère, c’est-à-dire qu’elle est devenue aussitôt comme Sara, sa mère. »
Il semble donc, qu’Isaac a amené Rivkah dans la tente de sa mère, qu’il l’a fait s’habiller comme sa mère, et se conduire comme sa mère. C’est seulement lorsque Rivkah a accepté de jouer ce jeu de rôle, qu’Isaac a été capable de l’aimer. Ce comportement parait étrange, presque pathologique. Comment se fait il qu’Isaac n’a été capable d’aimer Rivkah que lorsqu’elle a accepté de copier sa mère ?
Le midrash explique qu’il y a trois type de rapport à la femme, auquel correspondent trois types de rapport à D.
L’homme peut aimer D comme il aime sa mère, il peut aimer D comme il aime sa sœur, et il peut aimer D comme il aime sa fille. De même, un homme peut aimer sa femme comme il aime sa mère, ou bien comme il aime sa sœur, ou bien comme il aime sa fille.
Le midrash (Chir hachirim raba parasha 3) dit :
« La couronne dont l’a couronnée sa mère. Rabi Yohanan a dit « rabbi Chimon bar Yochai a demande a rabbi Eliezer le fils de rabbi Yossi : est il possible que tu ais entendu de ton père quel est le sens du verset « la couronne dont l’a couronnée sa mère » ? Il lui a répondu je vais te dire le sens de ce verset. C’est l’allégorie d’un roi qui avait une fille unique qu’il aimait trop, alors il l’appelait toujours ma fille, à la fin, il l’aimait tellement qu’il l’a appelée ma sœur, ensuite il l’a aimée encore plus et il l’a appelée sa mère. Ainsi, le sait béni soit-il aime Israël, au début il les a appelée sa fille comme le verset dit « Écoute ma fille, ouvre les yeux, tends l’oreille: oublie ton peuple et la maison de ton père! », ensuite, il aimait Israël tellement plus, qu’il l’a appelée sa sœur, comme il est dit « Je suis entré dans mon jardin, ô ma sœur, ma fiancée; j'ai récolté ma myrrhe et mon baume », ensuite il l’a aimée encore plus au point qu’il l’a appelée sa mère, comme le verset dit « Écoutez-moi, vous qui êtes mon peuple, prêtez-moi l'oreille, vous qui formez ma nation! Car l'enseignement émane de moi, et j'établis la justice pour éclairer les nations. » (« Nation » ouma est écrit comme la mère)
Dans la genèse on constate l’évolution de ces rapports à la femme. Adan aimait sa femme comme on aime sa fille, le verset dit en effet : « A la femme il dit: " la passion t'attirera, vers ton époux, et lui te dominera." Le verset décrit une relation verticale ou adan domine Ève.
Abraham, par contre aime sa femme comme une sœur, comme le verset le dit « Certes, je sais que tu es une femme au gracieux visage. 12 Il arrivera que, lorsque les Égyptiens te verront, ils diront: ‘C'est sa femme’; et ils me tueront, et ils te conserveront la vie. 13 Dis, je te prie, que tu es ma sœur; et je serai heureux par toi, car j'aurai, grâce à toi, la vie sauve ». A plusieurs reprises la thora montre qu’Abraham considère Sarah comme sa sœur.
Isaac lui, aime sa femme comme une mère comme les versets le montrent au début de la parasha.
Le keli yakar retrouve ces trois types de relation dans les versets de la bénédiction des prêtres. Les versets disent « "Que l'Éternel te bénisse et te protège! 25 Que l'Éternel fasse rayonner sa face vers toi et te soit bienveillant! 26 Que l'Éternel lève sa face vers toi et t'accorde la paix!"
Dans le premier verset, « que l’eternel te bénisse et te protège » D est clairement placé au dessus du juif. Puisque D protège, il est au plus haut que l’homme, il le protège et le materne.
Par contre, dans le deuxième verset « Que l'Éternel fasse rayonner sa face vers toi et te soit bienveillant! », D se place au même niveau que l’homme, il tourne sa face vers lui, il le considère comme son frère. Dans le troisième verset, c’est D qui doit hisser sa face vers l’homme, D considère le juif comme son père.
Dans le traité de Sanhédrin 98a le talmud rapporte trois avis « rav a dit : « le monde n’a été créé que pour David », Shmuel dit « pour Moshe », et rabbi Yohanan dit « pour le mashiah ». Comme l’explique Levinas, dans ce passage du talmud, David symbolise la prière, Moshe l’étude, et le mashiah la réalisation politique d’Israël.
Ces trois aspects du judaïsme correspondent aux trois aspects que nous avons cités. Dans la prière l’homme est passif, il attend de voir la libération venant du ciel, l’homme considère D comme sa mère. Dans l’étude l’homme dialogue avec D, il se pose comme son égal pour interpréter sa parole et discuter avec lui, dans l’étude, l’homme considère D comme sa sœur. Dans la réalisation politique c’est l’homme qui prend les devants sur D, c’est lui qui créé la vérité en agissant et en créant l’histoire.
Ces trois étapes ce retrouvent encore dans le talmud dans le traite de Avodah Zarah (9a) où l’histoire du monde est divisé en trois parties, le talmud dit « le monde dure 6000 ans, 2000 ans de tohu, 2000 de thora et 2000 ans de mashiah ». Nous avons déjà expliqué que le « tohu » (une ligne verte qui entoure le monde) est une allégorie de la passivité et de la féminité. Pendant 2000 ans l’homme a été passif dans l’histoire, il est balloté par ses instincts naturels et les force de la nature. Ensuite, pendant 2000 ans, il est dans le monde de l’étude et de la théorie, il cherche un sens au monde, et enfin, pendant 2000 il cherche à réaliser l’objectif de cet idéal dans l’histoire réelle.
Ces trois étapes sont cycliques, Isaac commence à aimer sa femme comme une mère, mais par la suite c’est lui qui aura pour vocation de devenir le père de Rivkah. Il faut d’abord accepter l’autre comme une révélation, pour ensuite pouvoir dialoguer avec lui et ensuite le guider. Par la suite celui qui se fait guider comprend celui qui le guide, puis il devient à son tour son frère avant de devenir à lui même le guide de son guide et ainsi de suite.
Dans tous les couples décrits dans la torah on retrouve toujours une inversion des rapports de force. Au début, Adan écoute sa femme, par la suite, c’est elle qui est condamnée à écouter son mari. Abraham demande à Sara de se faire passer pour sa sœur et elle obéit a tout ce qu’il dit, mais par la suite D dit a Abraham « écoutes tout ce que Sarah te dit ». Chez Mordehai et Esther on retrouve le même inversement, puisqu’au début c’est Mordehai qui demande à Esther d’avoir des rapports consentants avec Assuérus et elle obéit, mais par la suite, c’est Esther qui instaure la mitsvah de lire la Megilah et c’est Mordehai qui obéit.
On retrouve donc ce mouvement où celui qui s’annule pour l’autre a pour vocation de devenir son guide. L’amour dans la thora n’est pas décrit comme une relation de force mais plutôt comme un mouvement de déprise de soi pour l’autre, qui induit par la suite une volonté de guider l’autre et de le transformer.
Ce qui motorise cette dynamique c’est que l’homme est paralysé par l’amour qu’il reçoit.
Lorsque l’on s’annule pour l’autre on le rend muet.
L’homme n’a plus rien à répondre lorsqu’on l’aime trop, il est submergé et paralysé.
Les gens agressifs ont peur de disparaitre dans l’amour de l’autre, c’est pour cela qu’ils gardent toujours un rapport conflictuel avec l’autre, pour être sure de ne pas se noyer dans l’amour qu’on pourrait leur donner.
L’amour serait mortifère s’il s’arrêtait la. Ce qui permet à l’amour de perdurer et de créer une dynamique positive, c’est que dans un deuxième temps, l’amant réagit devant le mutisme de l’être aimé. Il se met à parler à sa place, à vouloir le guider et le materner, sans le vouloir, en faisant cela, l’amant recrée une distance entre lui et l’être aimée. L’être aimée retrouve sa parole lorsqu’il voit que l’autre cherche à s’approprier la sienne.
Prenons l’exemple d’une relation entre A et B. Dans un premier stade A s’annule et se projette en B. A ce stade B devient muet, car il est subjugué par le sacrifice de A, c’est pour cette raison que A se met à parler à sa place, en le maternant. Paradoxalement, de ce fait, B, se sentant trahi et dépossédé de sa parole, prend ses distances de A et récupère la faculté de s’exprimer.
Isaac était complètement annulé devant D, il avait accepté d’être un sacrifice holocauste. Isaac était presque muet, car D avait répondu à son sacrifice en s’annulant aussi devant lui. (On voit qu’Isaac est subjugué par Esaü par ce qu’Esaü sait parler, contrairement à lui. On peut lire à ce sujet le dvar torah de rav Jonathan Sacks, the Price of silence).
Pour retrouver la parole, Isaac avait besoin d’une mère, c'est-à-dire, d’une femme qui parle à sa place. Ce n’était que de cette manière qu’il pouvait retrouver sa propre parole en s’opposant à elle.
Plus on cherche à se projeter en l’autre, plus l’autre se tait. Il en va de même dans le rapport a D. D ne parle que lorsque l’homme s’éloigne de lui, si non, il reste muet.
La torah met en opposition la manière dont Abraham et Isaac ont reçu la révélation divine au mont Moriah et la manière dont Jacob a reçu la prophétie à cet endroit là. Abraham a du faire un long trajet avant d’arriver devant la montagne, selon le midrash, le chemin était semé d’embuche, ensuite il devait sacrifier son fils, alors qu’Isaac devait se sacrifier lui même.
Par opposition, Jacob est presque téléporté à l’endroit de Moriah, il y arrive sans l’avoir prémédité, le soleil se couche rapidement et pour finir il s’endort passivement. Il y a réellement une symétrie parfaite entre les deux événements, chez Jacob la parole de D intervient de manière spontanée sans qu’il face aucun effort, alors qu’Abraham et Isaac sont obligés de fournir des efforts inhumains pour communiquer avec D.
Si Abraham et Isaac on eu besoin de tellement d’effort pour dialoguer avec D, c’est justement par ce qu’ils étaient complètements annulés devant D. Devant un tel sacrifice, D lui même a du mal à parler. Il doit demander le sacrifice impossible à accomplir pour recréer une distance permettant le dialogue avec Abraham et Isaac.
Par contre, D interpelle Jacob lorsque ce dernier part faire sa vie chez Lavan, Jacob veut créer une famille et gagner sa vie, là, c’est D qui part à la rencontre de Jacob pour lui parler.
C’est lorsque l’homme s’investit de la responsabilité de faire avancer l’histoire et qu’il se détourne de la spéculation spirituelle théorique, qu’il est plus à même d’écouter la voix de D.
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