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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Houkat 5773

D aime-t-il les oiseaux ?


1- La sexualité féminine et la sexualité masculine évoluent dans le temps de manières diamétralement opposées. L’immaturité sexuelle et affective chez l’homme se caractérise par le fait qu’il cherche à jouir de certains comportements sexuels, sans que ces comportements constituent une ouverture sur l’autre. L’homme cherche à jouir de son corps pour lui-même. Chez la femme immature, au contraire, l’ouverture sur l’autre est si grande qu’elle est fusionnelle et distordante. La femme est tellement fusionnelle avec l’homme qu’elle ne le voit pas.

L’homme reste fermé à l’autre par ce qu’il est centré sur sa jouissance, alors que la femme est incapable d’appréhender son partenaire, par ce qu’elle est trop fusionnelle avec lui. Lorsque l’homme et la femme évoluent émotionnellement de manière heureuse, ils arrivent à dépasser ces stades immatures pour s’ouvrir d’une manière réelle sur leur partenaire. Il est cependant important de comprendre les tenants et les aboutissants qui articulent ce développement.

2- La parasha de la semaine commence avec les versets suivants « "Ceci est un statut de la loi qu'a prescrit l'Éternel, a savoir: Avertis les enfants d'Israël de te choisir une vache rousse, intacte, sans aucun défaut, et qui n'ait pas encore porté le joug.». L’expression « ceci est un statut de loi » signifie que ce commandement de la torah est une loi, un hok, irrationnel.

Le Maharal de Prague se demande pourquoi cette mitsvah de la vache rousse est désignée spécifiquement comme étant une loi irrationnelle, alors que toutes les lois de la torah semblent à première vue être des décrets irrationnels. 

En effet, le talmud dans Berahot (33b) dit explicitement que si D a interdit de prendre les oiseaux avec leur mère, ce n’est pas par ce qu’il a pitié des oiseaux, mais que c’est un décret qu’il faut observer comme une loi inconditionnel. Le talmud semble donc dire que toutes les mitsvoth de D sont des décrets qui dépassent la raison humaine. Alors quelle est la spécificité de la vache rousse par rapport aux autres commandements de la torah ?

Pour répondre a cette question, Le Maharal de Prague interprète le talmud d’une manière différente. Le talmud ne veut pas dire que toutes les mitsvoth de la torah sont des décrets irrationnels, il veut dire que la morale ne doit pas être orientée sur l’autre. Si l’homme doit être bon et généreux, par exemple, il ne doit pas l’être pour l’autre. Il doit l’être pour lui-même.

D n’a pas voulu que l’homme soit bon avec les animaux, par ce qu’il avait pitié des animaux, D a voulu que l’homme soit bon pour lui-même. La morale n’est pas une ouverture sur l’autre elle est un rapport narcissique à soi. L’homme doit être bon moralement pour lui-même, pas pour D ou pour les autres. Pour le Maharal la morale est un devoir envers soi même.

La vache rousse est donc différente des autres mitsvoth dans le sens ou elle ne change pas la vision que l’homme a de lui-même.

Maimonide (Guide des égarés livre 3 chapitre 48) s’oppose catégoriquement à cette vision de la morale soutenue par le Maharal et Nahmanide, c’est pour cette raison qu’il réfute catégoriquement ce passage du talmud. Car, pour Maimonide la morale ne peut être qu’une ouverture sur l’autre, pas une fermeture sur soi. Pour Maimonide, si D a commandé de ne pas tuer la mère des oiseaux avec ses enfants, c’est par ce que D a pitié des oiseaux. Selon Maimonide, Il ne peut pas en être autrement, le devoir moral, n’est pas du à soi-même, c’est une injonction rendue nécessaire par la présence de l’autre.

Ces deux visions de la morale, celle de Maimonide et celle du Maharal, ont des implications profondes dans le développement de la vie sentimentale et psychique de l’individu.

Selon la psychanalyse le rapport narcissique à l’interdit (la vision du Maharal) est un rapport immature et infantilisant à la loi, alors que le rapport Maïmonidien à la morale correspond au stade de la maturité affective, ou l’homme devient capable d’envisager la présence de l’autre.

3- Si la morale est un rapport à soi, comme le pense le Maharal, il est intéressant de se demander ce qu’il en advient lorsque l’homme est incapable de transgresser l’interdit qu’il veut respecter. Par exemple, la torah interdit de boire du sang, cependant, il est évident que, pour la plus part des personnes, il est naturellement impossible de désirer boire du sang. Dans ce cas, quel est le sens de l’interdit de la torah ? Pourquoi la torah interdit elle un comportement que l’home va éviter de manière naturelle ? Si les lois de la torah ne sont pas édictées par respect pour l’animal, ou par devoir envers D, alors quel sens peut avoir une mitsvah que l’homme respecte naturellement ?

Si on regarde la manière dont les sages ont abordé l’interdit de boire du sang, il apparait qu’ils ont interdit le sang qui se trouve dans les membres de l’animal et qu’ils ont interdit la viande qui n’est pas salée. En fait ils ont créé un désir pour quelque chose qui ressemble à l’interdit de la torah, pour que l’homme ait la possibilité de désirer enfreindre l’interdit.

L’homme ne désire pas boire du sang, mais il désire manger de la viande non cacherisee (la cacherisation de la viande est un décret rabbinique, car selon la torah seul le sang qui coule dans les artères au moment de la mort de l’animal est interdit).

De manière instinctive, lorsque l’homme est incapable de violer un interdit morale, il crée des comportements de substitution qui lui permettent de désirer ce qui ressemble à l’interdit, pour pouvoir se donner l’illusion de respecter l’interdit de manière volontaire.

Avant d’atteindre la maturité, lorsqu’il se sent incapable d’avoir des rapports sentimentaux profond avec une femme, l’homme apprend à désirer des ersatz de la femme, c'est-à-dire les rapports sexuels. Comme il ne peut pas désirer la femme, il apprend à désirer l’activité sexuelle en elle-même. L’activité sexuelle, joue dans la construction du désir pour la femme le même rôle que la viande non salée dans le désir du sang.

Il apparait donc que le développement de la maturité sexuelle chez l’homme dépend de son rapport à la morale. Tant que l’homme se sent incapable de transgresser l’interdit, (créer une relation émotive avec une femme) son désir se porte uniquement sur la jouissance de son corps, par contre lorsqu’il se sent capable de transgresser l’interdit, il devient capable de s’ouvrir sur l’altérité de son partenaire.

Lorsqu’un homme est incapable de transgresser un interdit, il crée des désirs annexes à cet interdit, pour pouvoir se donner l’illusion de respecter la loi d’une manière volontaire, et pour se donner une image positive de lui-même. 

L’homme crée un désir pervers pour l’activité sexuelle lorsqu’il est incapable de désirer la femme, son but étant de se donner l’illusion de respecter la loi interdisant la femme de manière volontaire. 

4- L’homme mature qui se sent capable de transgresser l’interdit, n’est plus attiré par les comportements de substitution qu’il a crée au moment de l’immaturité.

Si un homme aime boire du sang, et qu’il désire boire un verre de sang frais, il est peut probable qu’il éprouve un désir spécifique pour de la viande non cacherisée. Lorsqu’un homme devient capable d’aimer une femme, il devrait normalement ne plus éprouver du désir pour la sexualité en elle-même.

5- Si on en revient à la discussion entre Maimonide (morale devoir pour l’autre) et le Maharal (morale narcissique), la morale de Maimonide semble supérieure à celle du Maharal. Puisque la morale narcissique maintient l’homme dans un état immature constant, ou l’individu se considère incapable de pouvoir transgresser l’interdit.

Dans le rapport narcissique à la morale, défendu par le Maharal, l’homme reste infantilisé dans son rapport à l’interdit. Il fait semblant de désirer une chose qu’il ne peut pas désirer, il recherche l’interdit de la loi comme une injonction qui viendrait de l’extérieur, un ordre qu’il devrait respecter en frustrant son désir.

Dans le rapport narcissique à la morale l’homme, impuissant, cherche à créer un désir factice à l’aide de la frustration. En fait, en interdisant la viande non cacherisée, les sages ont cherché à faire naitre chez l’homme un désir pour le sang, mais ce désir est factice par ce qu’il ne nait qu’en réaction à une frustration. La frustration elle-même est infantilisante par ce qu’elle est émise par une instance supérieur qu’il faut écouter à tout prix.

Par contre, dans la vision de Maimonide, ou l’homme est capable de transgresser l’interdit, lorsqu’ il choisit d’obéir à la loi il le fait de son plein grés en étant tout à fait conscient de pouvoir y désobéir. Dans le rapport maimonidien à la morale l’injonction de la loi n’émane pas d’une puissance suprême qui s’oppose à la volonté de l’homme, elle est le fruit de la décision de la personne elle-même.

La vision de la morale du Maharal, semble être une vision immature qui maintient l’homme dans un état infantile, alors que la vision de Maimonide semble être la vision de la maturité de l’homme qui assume son désir et qui décide son plein grés d’obéir a la loi par respect pour l’autre. 

Cependant, il apparait très nettement que les sages de la torah depuis l’antiquité, ont tous choisi le chemin du Maharal, en créant des interdits d’ordre rabbiniques et des décrets nombreux, des injonctions assorties de malédictions. Ils ont développé un rapport infantilisant à la loi. Il faut donc comprendre pourquoi le talmud a choisi le rapport narcissique à la morale, et a abandonné le chemin de Maimonide qui semble plus mature et plus logique.

 On peut trouver une explication à travers l’étude de la parasha.

6- Juste après le passage de la vache rousse, la torah nous fait le récit de la mort de Miriam, puis elle nous raconte la mort d’Aharon et la condamnation de Moshé lorsqu’il a frappé le rocher. Le talmud cité par Rashi interprète cette juxtaposition de la manière suivante : « Pourquoi le récit de la mort de Miriam fait-il immédiatement suite au chapitre sur la vache rousse ? Pour t’enseigner que, de même que les offrandes procurent l’expiation, de même la mort des justes procure-t-elle l’expiation (Moed Katan 28a). » Cette idée selon laquelle la mort des justes est une expiation pour la génération est difficile à comprendre, comment la mort d’un juste pourrait-elle pardonner la faute des pécheurs ? N’est ce pas une entorse à la justice divine ? Le talmud (Chabath 33b) dit que s’il n’y a pas de juste dans la génération c’est la mort des enfants qui permet le pardon de la génération. Comment comprendre que des enfants totalement innocents soit une expiation pour une génération ?

7- On peut répondre à cette question lorsqu’on analyse le passage qui condamne Moshé et Aharon. En effet les versets disent « Puis Moïse et Aaron convoquèrent l'assemblée devant le rocher, et il leur dit: "Or, écoutez, ô rebelles! Est-ce que de ce rocher nous pouvons faire sortir de l'eau pour vous?" 11 Et Moïse leva la main, et il frappa le rocher de sa verge par deux fois; il en sortit de l'eau en abondance, et la communauté et ses bêtes en burent. 12 Mais l'Éternel dit à Moïse et à Aaron: "Puisque vous n'avez pas assez cru en moi pour me sanctifier aux yeux des enfants d'Israël, aussi ne conduirez-vous point ce peuple dans le pays que je leur ai donné." 13 Ce sont là les eaux de Meriba, parce que les enfants d'Israël contestèrent contre le Seigneur, qui fit éclater sa sainteté par elles. »

Ce passage est étonnant par ce que la punition parait très sévère pour Moshé. Ce qui est encore plus étonnant, c’est qu’Aharon aussi est condamné alors qu’il n’a rien fait ! Dans le deutéronome le verset dit au sujet d’Aharon « Sur Lévi, il s'exprima ainsi: "Tes toummîm et tes ourîm à l'homme qui t'est dévoué; que tu as éprouvé à Massa, gourmandé pour les eaux de Meriba; » et Rashi commente « « tu L’as contesté sur les eaux de Meriva » : Tu L’as attaqué en usant de prétextes. Si Moshé a dit : « Écoutez donc, les rebelles ! », Aharon et Miriam qu’ont-ils fait ? »

8- En fait, ce passage de la torah doit être interprété par un des principes de d’interprétation du talmud. « C’est sur celui qui vient apprendre qu’il faut apprendre ». C’est-à-dire que si la torah associe le décret de Moshé à celui d’Aharon c’est pour nous dire que si on comprend pourquoi Aharon n’est pas rentré en Israël, alors, on comprendra la cause de la condamnation de Moshé.

Or, il est évident qu’Aharon n’est pas entré en Israël par ce qu’il a fait le veau d’or. Or, pour comprendre la condamnation de Moshé il faut analyser ce qui a poussé Aharon à faire le veau d’or.

La torah dit a ce sujet « Ayant reçu cet or de leurs mains, il le jeta en moule et en fit un veau de métal; et ils dirent: "Voilà tes dieux, ô Israël, qui t'ont fait sortir du pays d'Égypte!" 5 Ce que voyant, Aaron érigea devant lui un autel et il proclama: "A demain une solennité pour l'Éternel! » et Rashi commente « : Aharon a vu beaucoup de choses. Il a vu que son neveu ‘Hour, le fils de sa sœur, les avait admonestés et qu’ils l’ont tué. D’où les mots wayivèn mizbéa‘h lefanaw (« il érigea un autel devant lui »), que l’on peut lire également : wayavèn mizavoua‘h lefanaw (« il comprit en le voyant égorgé devant lui »). Il a encore vu et dit ceci : « Mieux vaut que la faute retombe sur moi que sur eux ! » Il a encore vu et dit ceci : « Si ce sont eux qui construisent l’autel, l’un apportera du gravier, l’autre une pierre, de sorte que leur travail se fera en un clin d’œil. Mais si je le construis moi-même en temporisant, Moshé aura le temps de revenir » (Vayikra raba 10). » Aharon a vu que les juifs avaient tué Hour, or, si ils tuaient aussi Aharon le même jour, D n’aurait jamais pardonné ce double crime. Aharon s’est retrouvé dans une situation bloquée, il n’avait que le choix entre plusieurs mauvaises solutions, et il devait choisir la moins mauvaise pour temporiser.

Le midrash explique que Moshé s’est trouvé devant le rocher dans une situation similaire à celle d’Aharon lors du veau d’or. Le midrash raconte que lorsque Moshé a désigné le rocher à partir duquel il devait faire couler de l’eau suivant l’ordre divin, les juifs ont dit « si D a vraiment le pouvoir de tout faire, qu’il fasse couler l’eau d’un autre rocher ! » « Si Moshé veut uniquement faire couler de l’eau de ce rocher ce n’est pas un miracle, si Moshé a choisi ce rocher c’est uniquement par ce qu’il sait qu’il y a de l’eau qui peut couler de ce rocher naturellement !». En entendant cette plainte, Moshé ne savait pas quoi faire, il s’est dit : « si je parle à un autre rocher, j’enfreins l’ordre de D, et si je parle au rocher désigné par D, je n’aurais pas sanctifié son nom. » Par énervement, Moshé a frappé le rocher. 

9- Moshé comme Aharon étaient dans une situation bloquée, à force d’adapter leur discours au niveau de leur génération, ils n’avaient plus la possibilité de faire progresser le peuple. La torah dit que l’action la plus significative que Moshé a fait dans sa vie, c’est le fait de casser les tables de la loi. En brisant les tables de la loi Moshé a refusé de continuer à adapter son discours, il a refusé les compromis.

Lorsque Moshé s’est trouvé devant le rocher il aurait du réagir de la même manière en refusant de faire sortir de l’eau du rocher. Mais, si il avait fait cela, il aurait du recommencer l’éducation des juifs du début et ils auraient du errer encore quarante ans dans le désert. Moshe ne voulait pas cela, c’est pour cela qu’il opte pour une autre solution, sa mort.

La mort soudaine de Moshé a eu le même rôle électrochoc que la brisure des tables de la loi. La mort de Moshé obligeait les juifs à sortir du discours confortable de compromis qu’ils vivaient avec Moshé. La mort des justes pardonne la faute de la génération, dans le sens ou elle oblige une remise en question et un renouveau. 

10- Le juste meurt par ce qu’à force d’adapter sont discours au niveau de la génération et il arrive à un point ou son discours ne peut plus agir de manière bénéfique sur le peuple. Aharon a fait le bon choix en faisant le veau d’or, mais en tant que guide, il ne pouvait plus apporter un renouveau au peuple. Comme Aharon, Moshe, en priant pour le peuple et en étant généreux avec lui, laisse le peuple s’empêtrer dans un niveau spirituel bas.

11- La vache rousse a cette particularité de rendre impurs ceux qui sont purs et de rendre purs ce qui sont impurs. La vache rousse symbolise le lien du juste avec la génération, le juste purifie la génération, mais en adaptant son discours au niveau de sa génération, il devient lui-même impure et stérile. La mort du juste est un pardon par ce qu’elle oblige la génération de sortir du confort qu’elle recevait par le discours du juste. La mort des justes comme la mort des enfants est un électrochoc, qui ouvre la porte à un renouveau.

12- La seule manière de sortir de ce cycle infernal ou le juste est influencé par la génération et devient impur, c’est de garder un rapport narcissique à la morale.

Si l’homme fait le bien pour l’autre, il doit adapter sa conception du bien au niveau de l’autre. Par contre lorsque l’homme fait le bien pour lui-même, il n’est pas obligé d’adapter ses valeurs morales à l’entourage dans lequel il vit.

Moshe notre maitre parlait face à face avec D, il n’avait pas un rapport infantilisant avec D, il assume pleinement son humanité, Moshé est celui qui symbolise l’aboutissement de la morale maimonidienne à son point le plus élevé. Moshe est le point culminant de la perfection morale pour l’autre.

Cependant, lorsque la morale est justifiée par le rapport à l’autre, automatiquement, le juste n’a plus la possibilité de renverser l’influence que l’autre a sur lui. Le juste peut aider, il peut temporiser, mais à la fin il doit s’adapter, et devenir lui même impur. C’est ce qui s’est passé avec Moshé et Aharon.

Par contre, lorsque l’homme cherche le bien pour lui-même, et qu’il ne fait pas « l’autre » la motivation de la recherche morale, il peut influencer les autres sans pour autant sombrer.

13- On m’a demande de parler sur le rôle de l’empathie dans l’éducation et dans l’influence que l’on a sur l’autre. Le sujet est très vaste, mais on pourrait ici avancer l’idée suivante. Il est vrai que pour avoir une influence bénéfique sur quelqu’un, il faut créer un rapport affectif avec lui. Cependant il n’est pas dit que ce rapport doit être directement orienté sur l’autre.

Lorsqu’un homme en éduque un autre, pour que l’influence soit profonde il faut que le discours soit authentique. Cela ne veut pas dire qu’il faut que le discours soit authentiquement adapté à la personne qui l’écoute. Dans le monde de l’éducation un discours est authentique lorsque l’éducateur se parle honnêtement à lui-même. L’éducateur vie dans un rapport narcissique à la morale, il se parle à lui-même, il cherche le bien pour lui même.

 Celui qui l’écoute cherche à l’imiter ou à le dépasser par ce qu’il perçoit que le discours transmis confère une indépendance et libère de l’influence extérieur. Le narcissique est libéré de l’asservissement à l’autre, c’est cette liberté qui séduit l’élève. L’éduqué voit l’éducateur comme un adulte qui s’assume, par ce qu’il voit l’éducateur se répondant à lui-même. 

Mais, en fait, l’éducateur doit garder un rapport infantile à la morale s’il veut conserver ce dialogue narcissique. Comme nous l’avons dit plus haut, on ne peut avoir un rapport narcissique à la morale, que si elle nous infantilise.

Toutes les créations géniales sont le fruit d’un dialogue intérieur. Ce qui émerveille dans un morceau de musique c’est qu’il se répond à lui-même. Il en va de même pour la littérature ou la science, on crie au génie quand on perçoit un mouvement combinatoire créant une nouvelle harmonie. Prokofiev ne cherchait pas à plaire à son auditoire quand il écrivait, il exprimait un dialogue intérieur. Ce qui a poussé l’humanité vers le haut à travers les siècles, c’est le rapport narcissique à la morale décrit par le Maharal et le talmud, pas la maturité affective rêvée par Maimonide et les psychanalystes. C’est le génie de l’enfance qui fait progresser l’homme pas la raison de l’adulte.

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