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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Kedoshim 5774

Pour en finir avec le SM, 

Ou bien

Nietzche était il gentil ?


1- Sadisme et altruisme, les deux faces d’une même médaille.

Dans la parasha on peut lire le verset suivant « et tu aimeras l’étranger, car tu as toi-même été étranger en Égypte ». Pour la torah, puisque nous avons souffert en tant qu’étranger en Égypte, nous pouvons être sensibles à la souffrance de celui qui est étranger dans son pays, et de ce fait nous devons l’aider. L’homme qui a souffert connait les besoin vitaux de l’autre et il doit utiliser cette connaissance pour éviter la souffrance de l’autre.

Nietzche prône l’inverse de la morale de la torah, il pense que l’homme qui a souffert doit utiliser sa connaissance des besoins vitaux de l’être humain pour faire souffrir l’autre. L’homme qui a souffert connait les points vulnérables de l’autre, et il doit utiliser cette connaissance pour dominer l’autre en manipulant sa vulnérabilité. Pour Nietzche, chercher à éliminer la souffrance de l’autre, c’est se haïr soi même, puisque le bienfaiteur cherche avant tout à garder le monopole de la souffrance. 

Levinas est un philosophe qui se situe à l’antipode de la pense nietzschéenne, pour lui, l’homme ne doit vivre que dans l’ouverture sur l’autre par l’altruisme et l’empathie et la compassion. 

Je ne sais pas pourquoi, mais Nietzche m’a toujours paru plus vrai que Levinas, plus intelligent et plus honnête et même plus gentil.

En fait, je pense qu’il est très suspect d’écrire des milliers de page pour prêcher la compassion. Un homme qui ressent vraiment une compassion pour un autre, n’a pas besoin de théoriser cette compassion de manière métaphasique. J’ai plutôt l’impression que, Levinas, était un homme qui avait du mal à ressentir de l’amitié ou de l’amour, et que pour pallier à cette rigidité sentimentale, il a écrit des centaines de théories fumeuses, plus opaques les unes que les autres pour s’expliquer l’empathie.

Au contraire, on a l’impression que Nietzche était un homme ultra sensible, trop compassionnel, trop ouvert sur l’autre, qu’il avait du mal chercher son propre intérêt, et que, c’est pour cette raison qu’il a écrit des théories, non moins fumeuses, pour justifier le désir d’exister et d’écraser l’autre.

Ce qui ressort de cette analyse, c’est que le sadique n’est pas un homme insensible à l’autre, (contrairement à ce que pense Arendt), c’est à la base un homme ultra sensible qui cherche justement à se retrouver lui même, en combattant sa propre sensibilité. Le sadique est un homme trop empathique, trop ouvert à l’autre qui cherche à se retrouver lui même, il ne peut le faire qu’en faisant souffrir l’autre. Il pense qu’à travers la souffrance de l’autre il va pouvoir prendre conscience de lui même. Cependant cette soif de se retrouver est une impasse, elle reste toujours inassouvie.

Cependant si le sadisme ne découle pas d’une fermeture ou d’une insensibilité à l’autre, mais plutôt d’une trop grande ouverture à l’autre, il y a lieu de s’interroger sur la nature exacte du point de basculement qui va transformer le saint altruiste en sadique pervers. 

2- Image de soi et conscience de soi, une tension difficilement réconciliable.

On peut répondre à cette question de la manière suivante. Le sadique est a la recherche de lui-même, car il sait que l’image qu’il a de lui même (ou celle que les autres ont de lui) ne correspond pas sa nature réel. Le sadique cherche à briser son image, c'est-à-dire, l’image idéalisée de son moi social, pour se retrouver lui même. Le sadique voudrait être transparent à lui même, et aux autres, il voudrait que l’essence de son être soit en harmonie parfaite avec son image. Le sadique, ou le masochiste, recherchent par la honte, ou le comportement honteux, à briser leur image pour se retrouver eux même.

Le premier homme était nu, c'est-à-dire qu’il était transparent à lui même, il n’y avait aucune partie de lui qu’il pouvait designer en disant « cette partie de moi est mauvaise ». Il n’avait pas mauvais penchant, le mauvais penchant, le mal, venait de l’extérieur, du serpent. Le midrash dit que Nimrod portait les habits du premier homme, c'est-à-dire qu’il a cherché à revivre cette transparence qui bannissait toute conscience du mal en soi. 

Nimrod (le roi de Ninive constructeur de la tour de Babel, qui a cherché à assassiner Abraham) voulait vivre en transparence avec lui même, il ne voulait pas individualiser une partie de lui même, en se disant « cette partie de moi est mauvaise ». Il voulait vivre en harmonie avec lui même. C’est ce que le midrash appelle « porter les habits du premier homme ».

Mais cette volonté d’être nu, de s’accepter pleinement, c’est traduit par une perversion sadique sur le reste de l’humanité. Nimrod, est l’héritier du serpent qui avait volé les habits du premier homme, ensuite, Essav a volé ces habits à Nimrod.

Enfin, Jacob vole ces habits à Essav. Lorsque Jacob parle dans la bible, on voit qu’il ne sent aucun mal en lui même, il n’a honte de rien. Dès qu’il voit Rachel, il l’embrasse publiquement, sans éprouver aucune honte, contrairement à Rebecca, sa mère qui se voile, lorsqu’elle voit son mari. 

De même, lorsque Jacob demande sa femme à son beau père Laban, il lui dit « donne moi ma femme, pour que je puisse avoir des relations sexuelles avec elle », il n’a pas honte de parler crument, comme le remarque Rashi. Jacob est nu, il ne sent pas de mal en lui-même, il fait un avec son image. C’est pour cette raison que le talmud dit que « la beauté de Jacob est comparable à celle du premier homme ».

Mais pour atteindre ce niveau, il faut justement posséder une nature parfaitement équilibrée qui ne tend vers aucune perversion. Pour être transparent à soi même, il faut se comporter spontanément en parfaite adéquation avec le monde environnant. Ce n’est qu’a cette condition que l’homme peut vraiment faire un avec son image, c’était le niveau d’Adam et de Jacob.

Le talmud dit que Jacob avait la même beauté qu’Adam, dans le même passage, le talmud discute longuement de la taille de la verge de certain rabbin. Le talmud veut montrer de manière allusive que la nudité du premier homme et la beauté de Jacob, c’était la capacité à faire un avec leur image. Jacob et Adam, n’avait aucune honte à montrer leur verge et à en parler.

Ésaü et Nimrod cherchent la même transparence que Jacob ou Adam, mais comme ils sont déséquilibrés, ce désir de transparence ne fait que les entrainer dans une chute abyssale vers le mal. Car lorsqu’un homme a une nature déséquilibrée, vouloir l’accepter et se retrouver nu, c’est s’autodétruire.

Pour la plus part des hommes, il est nécessaire de designer une partie de soi comme étant mauvaise car non-adaptée à l’environnement social ambiant. C’est ce que le « Tania » appelle « le chemin des moyens », ou « le chemin des médiocres ». Une minorité, « les justes », sont ceux dont le comportement est naturellement équilibré, ce sont les seuls qui « peuvent être jugés uniquement par leur bon penchant » en se considérant eux même comme parfait. Pour l’être équilibré, la transparence et l’acceptation de soi sont source de sainteté. 

Mais, celui qui n’est pas parfait, « le moyen », doit identifier une partie de lui même qu’il doit considérer mauvaise. Le moyen doit s’habiller, il doit rester en deçà du bien et du mal, il doit vivre dans une tension entre lui même et son image, il ne doit pas chercher la transparence. Il doit se retrouver lui-même, à travers le travail qu’il fournit pour résoudre cette tension. 

C’est ce que le verset dit « et vous vous sanctifierez et vous serez saints ». Ce verset montre la sainteté de deux manières contradictoires, d’un coté la sainteté est décrite comme un état, acquis naturellement, « vous serez saint », et d’un autre coté, le verset décrit la sainteté comme un but à atteindre, « vous vous sanctifierez ! ». L’homme doit d’abord se sanctifier c'est-à-dire se conformer à une image idéale qui ne lui correspond pas, avant de devenir saint de manière naturelle.

C'est-à-dire que l’homme doit d’abord se sanctifier, et faire un travail sur lui même, avant d’assumer le fait d’être en harmonie avec lui même. 

Nietzche et Foucault ont cherché des raccourcit, c’est pour cela qu’ils étaient sadomasochistes. Le saint c’est celui qui accepte le fait qu’il existe une tension entre son être, et l’image de lui même, et qui essaie de faire coïncider son être a son image, de manière graduelle. Le saint, retrouve l’essence de son être à travers ce travail. Le sado masochiste c’est celui qui rejette son image et qui cherche à la briser par la honte, pour retrouver son essence propre et vaincre l’empathie. 

3- Pour une théologie sado masochiste

Pour arrêter le sadique il faut lui rendre son image, il faut rendre le sadique capable de prendre conscience qu’il existe.

Si on pousse le raisonnement jusqu’au bout on peut envisager une théosophie SM. D serait tellement ouvert sur l’autre, il serait tellement empathique, qu’il aurait besoin de faire souffrir l’homme pour se sentir exister.

 Ceci expliquerait la souffrance et la mal dans le monde. Ensuite l’homme devrait reconnaitre D et prendre conscience de lui, pour permettre à D de retrouver son essence, ceci étant par la prière et les actions de grâce.

Suite aux prières et aux mitsvot, D se reconnaissant lui-même et prenant conscience de lui même, il n’éprouverait plus de nécessité de faire souffrir l’homme pour se sentir exister. De ce fait les souffrances cesseraient.

Je ne veux pas dire que D est animé de sentiment humain, has vechalom, mais le sm, serait en tout cas, une manière crédible d’envisager l’économie du rapport de D à l’homme. La souffrance dans le monde ne serait pas une preuve de l’insensibilité de D, mais plutôt une preuve d’un rapport fusionnel trop fort.

Ceci expliquerait un grand nombre de verset de la bible qui vont dans ce sens, (Michlei 3 12. « D fait souffrir ceux qu’il aime » « vous êtes les seuls que j’ai aimé parmi les nations, c’est pour cela que je vais vous punir pour toutes vos fautes » (Amos 3).

Cette théorie implique, que l’être aimé doive reconnaitre D en fonction de l’amour que D lui porte, car si l’être aimé n’a pas cette conscience de D, D entrerait dans un rapport fusionnel avec l’être et il aurait « besoin » de le faire souffrir pour se sentir exister.

C’est ce qui expliquerait la sévérité de D envers les justes, car, plus D aime un homme, plus l’homme doit reconnaitre D, pour échapper a la souffrance.

4- Pensée talmudique et pensée sado masochiste

Contrairement à ce que disait Bourdieu, il est évident que Foucault, est un penseur SM. Le SM cherche toujours à retrouver l’axiome fondamentale de la culture dans la quelle il évolue pour le remettre en question et l’auto détruire. Toute science est basée sur un axiome admis, une vérité fondamentale qui permet de délimiter le territoire que la discipline va explorer, si on fait sauter cette vérité fondamentale toute la discipline en question s’effondre.

Nietzche et Foucault sont constamment la recherche de la vérité fondamentale d’une culture ou d’une discipline, pour la dynamiter. Cette manière d’utiliser une chose contre elle-même, pour l’auto détruire, c’est la dynamique fondamentale du comportement SM.

Le SM est trop sensible à l’autre, il n’a pas conscience de lui même, c’est pour cela qu’il intègre naturellement complètement la structure d’une science ou d’une discipline, puisqu’il est naturellement ouvert à ce qui est extérieur. Ensuite, le SM se sent dissout dans sa culture, et il cherche à se retrouver par rapport à elle. Le SM cultivé, se sent manipulé par sa science, et en réaction il cherche à la manipuler à son tour.

Nietzche et Foucault se sentent dissouts dans leur culture, ils ont un rapport fusionnel avec elle. Il cherche à échapper à cette fusion en la dynamitant complètement. Ils pensent qu’en se faisant souffrir eux même et en faisant « souffrir » leur discipline, ils vont se retrouver eux mêmes. Mais, en fait, ils s’échappent toujours à eux même, en détruisant leur science, ils ne font que se détruire eux mêmes. 

Le talmud interdit l’étude de certain sujet, par exemple, l’homme ne doit pas chercher à comprendre ce qu’il y avait avant la création du monde, ou ce qui se passe au dessus de certains mondes. Même si les rabbins encouragent la critique du texte, ils obligent le juif à accepter certain axiomes comme inexplicables. En faisant cela, les rabbins cherchent à créer une distance entre l’homme et la torah. La torah est un idéal à atteindre, mais elle reste toujours au dessus de nous. Le juif ne peut pas fusionner avec la torah, comme Nietzche a voulu fusionner avec sa morale.

Cette manière de créer une tension et une distance entre l’idéal d’une image morale inatteignable et la conscience de soi, oblige l’homme à se retrouver lui même, et crée un équilibre entre la volonté de se transformer et l’acceptation de soi.

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