La parasha de ki tissah et pourim, Israël et le monothéisme
1 La centralité de la nation d' Israël
Le midrash (Rabah 1,1 cf. Rashi sur le mot reshit) au début de la genèse dit que le but de la création du monde était le peuple d'Israël, le but même de la Torah n'est que l'existence du peuple d'Israël, or cette idée parait difficile, si on nous disait que le but du monde c'est la Torah par exemple, cela serait une manière de dire que le but de la matérialité c'est la transcendance, comme la Mishna le dit ailleurs, ce monde n'est qu'un couloir vers le monde future, mais ce midrash semble à première vu rejeter cette idée, pour lui le but du monde c'est la nation d'Israël. Or quel intérêt peut avoir la nation d'Israël pour qu'elle puisse justifier la création du monde!
2 L'histoire d'Israël comme parole de D
Le Talmud dans Meguila 7a se demande si le rouleau d'Ester fait réellement partie de la bible; car comment cela pourrait il en faire partie? D ne dit rien, ce n'est qu'un livre d'histoire juive, c'est d'ailleurs l'avis de rav Shmuel qui pense que le livre d'Ester n'est pas inspiré par l'esprit saint. Cependant la majorité des rabbins pensent que malgré tout le rouleau d'Ester fait partie de la bible, pourquoi par ce que c'est la continuation du premier événement qui arrive au peuple d'Israël avant même le don de la Torah, la guerre d'amalek. (Levinas a l'heure des nations)
3 Le triple récit de la guerre d'amalek
Le talmud rapporte que la guerre d'amalek est mentionnée trois fois dans la bible si on exclue le récit d'Ester. Les deux fois ou la guerre d'amalek est mentionnée dans la Torah il s'agit de la même guerre vu sous deux angles différents. Le premier récit est un témoignage à chaud, ou D commande Moshe de dire à Josué de faire la guerre à amalek. Il y a deux problèmes dans ce récit. Le premier alors que D demande à Moshe de faire une guerre bien conventionnelle contre amalek, Moshe ajoute une touche personnelle dans la gestion du conflit, il monte sur une montagne en s'asseyant sur un rocher en levant les bras et se fait soutenir par Aaron et Hour, et lorsqu'il lève les bras les juifs gagnent, et quand il les baisse ils perdent. A quoi joue donc Moshe, on n'a jamais vu Moche jouer à l’apprenti sorcier et faire des miracles si D ne lui demande pas? En plus la Mishna dans Roch hachanah et les Maximes des Pères dit que ce n’ était même pas un miracle alors à quoi joue-t-il?
Le deuxième point c'est qu'après la guerre hashem dit à Moshe écrit ceci dans le livre et met le dans les oreilles de Josué qu'il se souvienne de la guerre d'amalek etc. de quel livre parle-t-on la Torah n'existe pas encore?
En fait, il est plus que probable, que le texte que Moise a écrit pour Josué sur la guerre d'amalek n'est autre que le texte du Deutéronome le 2eme récit de la guerre puisqu'il est écrit a la deuxième personne du singulier "souviens toi de ce que t'as fait amalek etc.." a priori le texte devait s'adresser uniquement à Josué puis il est devenu une mitswah pour toute Israël.
C'est dans la guerre d'amalek que l'on voit la première fois un événement historique d'Israël devenir loi, ordonnance, le début du livre, c'est la guerre d'amalek le reste n'est venu que plus tard.
5 Le judaïsme et la démagogie
Revenons au premier point des mains de Moshe. Le midrash demande comment se fait-il que les colonnes de nuées ne protégeaient pas les juifs? Et le midrash répond, que les juifs qui étaient attaqués étaient ceux qui avaient encore des idoles, quand D dit à Moshe de sauver ces juifs Moshe comprend que ce n'est pas physiquement qu'il y a danger, car si c’était ça le problème, D s'en serait occupé tout seul, mais c'est moralement qu'il faut les sauver. Que fait Moshe ? il se dit ces juifs n'arrive pas a croire à un D invisible, la solution est donc de faire un simulacre qui va les aider a croire, et ça marche.
Dans la megilat Ester on retrouve le même procédé il y a un danger pour les juifs; Mardoché dit a Ester va voir le roi et on sera sauvé, si non de toute les manières les juifs seront sauvé d'une autre manière, mais Ester est d'un autre avis, elle dit il faut que les juifs fassent techouva pour être sauvés, qu'ils jeûnent 3 jours etc., qui a raison ? la megilah ne le dit pas, elle ne prend pas parti elle ne dit jamais:"si les juifs n'avaient pas fait techouva ils n'auraient pas été sauvés", c'est ce que dit Samuel dans le talmud, Ester n'a pas de prophétie, même sans techouvah les juifs auraient été sauvés, il n'y a ici aucun miracle, c'est comme les mains de Moshe.
6 Qu'est ce qu'un miracle?
Dans le talmud on voit qu'au début les sages et même Ester ne voulait pas faire de pourim une fête perpétuelle mais c'est lorsqu'ils ont vu que les juifs ont accepter de la faire et l'on vu comme un miracle qu'ils l'ont fixé comme fête, c'est le peuple d'Israël dans sa multitude qui décide de ce que c'est qu'un miracle, et non plus les sages, l'histoire d'Israël c'est la parole de D pas parce que D est intervenu mais par ce que c'est la lecture que le peuple donne a l'histoire.
7 Pourquoi compter les juifs est une élévation?
Le verset dit dans la parasha de la semaine "lorsque tu élèveras la tête des bné israel en les comptant" il faut comprendre, comment le fait d’être compté et de rentrer dans l'anonymat peut il être une élévation?
Il y a un autre midrash qui m'a toujours choqué Rashi dans le Deutéronome rapporte sur la bénédiction faite à Zevulun que les non juifs viendront en Israël pour faire du business et qu'il verront que les juifs mangent tous de la même manière, prient tous le même D, dans le même endroit unique, et les goyim se diront comme c'est extraordinaire cette unité et ils se convertiront, ce midrash et choquant par ce que si moi j'étais goy et je voyais un peuple comme ça, je dirais quelle bande de facho, vite fuyons, le polythéisme laisse la place a l'individualité et au pluralisme alors que le monothéisme c'est le djihad, que veut donc le midrash ?
8 Qu'est ce que c'est que le monothéisme ?
On sait que la haine antisémite et l'histoire d'israel sont liées au monothéisme, c'est ce que nous disons écoute israel D est notre D, il est unique, le peuple prend conscience de son unité à travers l'unité de D, mais c'est quoi unité de D et quel en est l'enjeu?
Alors la surprise! On pourrait croire que si le monothéisme est tellement central dans la Torah, que la plus grande partie de l'exégèse serait basée sur son interprétation, et bien non, pas du tout, un des seuls théologiens qui a travaillé dessus sérieusement, c'est le hovat halevavot dans la porte de l’unité, et presque tout le monde a dit il faut sauter ce chapitre, le Gaon de Vilnah disait "lisez le livre mais sautez le premier chapitre qui parle de l’unité lisez le Kouzari a place", en faite le Gaon de Vilnah donne raison à Spinoza qui disait que la Torah ne nous informe pas sur la nature de D et s'en désintéresse complètement.
Ce n'est pas tout, si on fait l'anthologie des rabbins qui ont parle sur l’unité et la nature de D on en trouvera difficilement deux qui disent la même chose. Certain sont panthéiste comme le Baal Hatania et le rav Kook, d'autres pensent que D est au dessus de la nature complètement, c'est la grande discussion entre hassidim et mitnagdim sur des concepts cabalistiques super floues de"makif" et "elyon", ça va jusqu'à Levinas qui critique la conception de D chez Maimonide dans totalité et infini, il y aussi le Sefer Yetsirah qui fait intervenir les forces cosmiques zodiacales des religions polythéistes chaldéennes, le Kouzari sauve la mise en disant que c'est un livre qu'Avraham aurait écrit avant d'avoir la prophétie, mais la palme d'or revient sans conteste au talmud qui a la fin de Chabat dit mercure c'est le scribe du roi, quel roi? Mais le soleil pardi, le soleil! C’est le roi de quoi? Le roi du monde! Ah bon, moi je croyais que D était le roi du monde, ça c'est sur, mais D c'est le roi du soleil, ah d'accord, donc tout va très bien.
En fait si on lit les kabbalistes et les théologiens il semblerait que l'on peut tout dire sur D tant que l'on dit pour conclure qu'au dessus de tout il y a une force unique que l'on ne peut pas comprendre.
Résumons nous, le peuple d'israel et la Torah c'est le monothéisme, toutes les guerres contre les juifs c'est par ce que l'on croit à un D unique, mais si vous êtes rabbin et qu'un soir vous êtes invités chez quelqu'un à dîner, et qu'il vous demande "mais en fait c'est quoi le monothéisme?" vous devez répondre, "j'aimerais encore un peu de café s'il vous plait"
Tout ça pour ça!
9 Hommage à Baudrillard
La société moderne se trouve dans une impasse, soit on croit en la démocratie, c'est à dire à rien, puisque tout ce vaux, tout le monde a raison tout le monde a gagné, comme dans "l'école des fans", donc rien n'a de sens. Ou bien on veut rétablir un système de valeurs absolu et la c'est Staline, Adolphe, Ben Laden & Co.
Baudrillard a été le premier à parler du désenchantement du monde de la disparition de la séduction (qui vient de l'illusion et de la fragilité,) pour lui le réenchantement du monde passe par le retour à l'acceptation de l'illusion et de l'irrationnel même si on n'y croit pas (on pourrait faire la connexion facile avec les mains de Moshe et l'histoire de la megilah selon rav Shmuel), j'y ai moi même beaucoup cru et en 2004 2005 j'avais fait pas mal de cours basés sur cette idée de la séduction du monde comme abandon à l'illusion et par la j'avais essayé de définir le mauvais penchant et le diable.
Mais la veille de sa mort j'avais pensé que toute cette idée était qu'une erreur, je suis venu (par expérience) à comprendre que tout charme est basée sur un jugement et sur la reconnaissance de valeurs, l'homme ne peut pas se tromper lui même et en retirer du plaisir, toute cette mouvance de réenchantement du monde qui est devenu aujourd'hui le refrain de toute l'intelligentsia française sonne creux et faux.
10 Alors quelle est la solution?
Reprenons le verset écoute israel hashem est notre d' hashem est un.
Notre D, qu'est ce que ça veut dire? Le Kouzari nous dit :"sachez que le mot elokim est un pluriel!" y aurait-il donc contradiction entre le début du verset et la fin!
Non, rassurez vous, le Kouzari explique que le mot elokim est l'expression des divers puissances que D régit, en fait ce flou que l'on avait constaté dans la définition du monothéisme ce n'est pas du manque de rigueur de la part des rabanim, mais au contraire, c'est ça le monothéisme D est Un mais il s'exprime dans une multiplicité, le monothéisme c'est croire que le D unique l'Absolue s'exprime dans l'infini multiplicité de l'univers ou des théories possibles de son unicité puisqu'il nous dépasse.
C'est ça le sens du talmud qui rapporte plusieurs avis contradictoires en disant personne n'a tort, "zeh vezeh divrei elokim haim", cela ne veut pas dire rien n'a de sens, comme le pense les modernes, cela veut dire qu'il n'y a pas qu'un seul sens.
11 Qu'est ce que ça veut dire?
Une anecdote d'un grand rav français avec rav Moshe Soloveitchik Zal
Un grand rav français en lisant le livre du Tania y a vu une pensée panthéiste à la Spinoza, il est parti voir le rav Moshe Soloveitchik en lui demandant est ce que l'on peut s'associer avec ceux qui croit en ce livre, d’une certaine manière ne sont ils pas des hérétiques? Et le rav Soloveitchiec a eu ce bon mot, 100 % made in Litah, "ce n'est pas une hérésie, c'est une ânerie!" (Zeh lo kfirah zeh shtout)
Je rapporte ça pour expliquer mon idée
Lorsque à la shul on dit dans le kaddish ytgadal ve ytkadash shemeh rabah que son grand nom soit agrandis et sanctifié il n'y a pas deux juifs qui le voient de la même manière quelqu'un pense que sanctifier le nom de D c'est faire de la philosophie l'autre élever sa famille l'autre faire un tableau, ou étudier la halacha ou bien la kabbale ou le talmud chacun son truc, mais tout le monde répond Amen. Et il faut 10 personnes pour dire le kaddish par ce que répondre au kaddish ce n'est pas uniquement affirmer sa conception de D mais affirmer aussi celle de l'autre et l'inscrire dans notre conception de l'infini, le judaïsme c'est la troisième voix comme dit Bayrou qui permet d'échapper à l'absurde et au fascisme.
12 La puissance d'Israël: le lion rugissant
C'est quoi le peuple qui se lève comme un lion, c'est le peuple qui se lève le matin à la synagogue pour répondre au kaddish. Chaque juif encourage l'autre dans le sens absolu qu'il donne à la vie, et se reconnaît en elle, puisque D doit englober l'ensemble des réalités, c'est ça la surélévation qu'il y a lorsque l'on compte les juifs et qu'il rentrent dans un groupe un minyan, ils se donnent du "hizouk" de l'énergie mutuellement et détruisent l'absurdité du monde.
Lorsque l'on dit la kedoucha à la synagogue, on dit ils se tournent l'un vers l'autre et ils disent saint saint est le D des armées la terre est remplie de sa gloire.
Le talmud dit le D des armées ce n'est pas D (c'est un nom hol) lui même c'est le D représenté par les juifs, en fait la kedoucha c'est se retourner vers la conception du judaïsme de l'autre et y reconnaître D, même si ce D ce n'est pas celui auquel on croit soit même, puisque D c'est elokenou celui qui s'exprime dans la pluralité.
Si Ester voit D dans pourim ou les juifs dans les mains de Moche tant mieux pour eux et je reconnais moi aussi ce D comme le D d'Israël même si je n'y crois pas. Shmuel dit la megilah ne fait pas partie de la bible pour moi, mais c'est l'expression du D d'Israël cela devient donc une mitswah de lire la megilah.
Le D d'Israël c'est le D qui se réalise dans le monde et qui lui donne un sens indépendamment du sens qui existe par la transcendance et le monde futur, c'est ça le sens du midrash que nous avons cité plus haut.
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