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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Leh Leha 5775


1- Liberté et bonheur

La parasha commence par les versets suivants : « L’Éternel avait dit à Abram: "Éloigne-toi de ton pays, de ton lieu natal et de la maison paternelle, et va au pays que je t'indiquerai. 2 Je te ferai devenir une grande nation; je te bénirai, je rendrai ton nom glorieux, et tu seras un type de bénédiction. 3 Je bénirai ceux qui te béniront, et qui t'outragera je le maudirai; et par toi seront heureuses toutes les races de la terre." 4 Abram partit comme le lui avait dit l'Éternel, et Loth alla avec lui. »

Lorsque D s’adresse à Abraham pour la première fois, il lui demande de l’écouter et il lui promet en échange la gloire et la richesse et une nombreuse postérité. Cette promesse peut paraitre étrange, premièrement par ce qu’elle est unique dans la torah. Lorsque D a demande a Noah de construire l’arche il ne lui a rien promit en échange. De même, lorsque D demande à Moise de sauver les juifs il ne lui promet rien en contrepartie. 

De plus, il apparait clairement dans la torah qu’Abraham accomplissait la volonté de D, volontairement, avant même que D ne le lui demande de le faire.

Lorsqu’Abraham est jeté dans le feu de cassdim, il ne s’attendait pas à être sauvé. Comme le dit le verset « Harân mourut du vivant de Tharé son père, dans son pays natal, à Our-Kasdim. » et rashi commente « En présence de Tèra‘h son père, Au cours de la vie de son père. Le Midrach nous apprend que c’est à cause de son père qu’il est mort. Tèra‘h avait dénoncé à Nimrod son fils Avram (Abram) pour avoir brisé ses idoles, et Nimrod l’avait jeté dans la fournaise. Harân avait adopté une position attentiste et s’était dit : « Si Avram sort vainqueur, je serai avec lui, et si c’est Nimrod qui a le dessus, je serai de son côté ! ». Quand Avram a été sauvé, on a demandé à Harân : « Avec qui es-tu ? » Harân a répondu : « Je suis avec Avram ! ». On l’a jeté dans la fournaise ardente, et il a été brûlé (Beréchith raba 38, 13). » Le talmud conclu que contrairement a Harân, Abraham ne s’attendait pas être sauve, et c’est justement pour cela qu’il a été sauvé. (psiktah zoutretah emor). Or, si Abraham était prêt a donner sa vie pour D, il aurait pu facilement quitter sa famille pour lui, et il n’avait pas besoin d’être motive pas des promesses de richesse et de gloire. Donc quel est le sens de ces promesses ?

Le talmud dit dans le traite de kidouchin « celui qui accomplit une bonne action, soumis par une contrainte morale, est plus grand que celui qui accomplit la même action de manière volontaire, sans y être astreint, par ce qu’il est beaucoup plus difficile d’accomplir une bonne action sous la contrainte que de l’accomplir de manière volontaire »

Pour le talmud, lorsqu’un homme est astreint à faire quelque chose par une autorité supérieur et qu’il sait que son bonheur dépend de son action, il a tendance à vouloir enfreindre le commandement, car la liberté importe plus que le bonheur. Il est donc beaucoup plus dur de faire le bien lorsque D nous ordonne de le faire, que de le faire de manière volontaire. 

Lorsqu’un homme décide de faire le bien, sans y être enjoint par personne, il le fait sans réserve, de tout son coeur, sans attendre de récompense, il s’identifie pleinement a son acte, par ce qu’il l’a choisi en toute liberté. 

Tandis que lorsque l’homme est commandé par D à faire le bien, il le fait toujours avec un certain ressentiment, même si D lui promet une récompense, car il sent qu’il brime sa liberté. L’ordre intransigeant de D à faire le bien, encourage l’homme à faire le mal.

Le talmud reconnait donc de manière implicite que la religion est contre-performante sur le plan moral.

Ce que dit Steven Weinberg (Nobel physique de 1979) « la religion est une insulte à la dignité humaine. Avec ou sans elle il y aurait eu des bonnes personnes faisant le bien et des mauvaises personnes faisant le mal, mais pour que les bonnes personnes fassent du mal, il faut la religion » est écrit explicitement dans le talmud.

Si c’est le cas, pourquoi la torah astreint elle les juifs à garder la morale par des injonctions autoritaires et catégoriques ? Pourquoi D veut il qu’Abraham fasse le bien, par ce qu’il y est astreint, alors qu’il le faisait déjà librement de manière spontanée ?

2- Le sens des commandements de la torah

Lorsque l’on enseigne la torah a un public laic, dans le but de le convaincre à devenir pratiquant, on explique que les mitsvoth permettent à l’homme de ressentir, un équilibre et une paix intérieure.

Le chabath, offre à l’homme un repos authentique, un jour sur sept, l’homme, n’est plus assailli par le tumulte de la vie moderne. Les prières permettent à l’homme de se recueillir et de s’élever au dessus du stress de la vie quotidienne. La cacherout permet de réguler le rapport à la nourriture. Les rabbins exposent la pratique de la torah comme le remède au rythme infernal de la vie moderne. La religion offrirait des repères moraux, stables et rassurants permettant de survivre psychiquement malgré l’effondrement de tous les repères. Les commandements de la torah aurait pour but d’assurer un équilibre et une stabilité a l’homme.

Cette vision de la torah est séduisante mais elle est fausse. Lorsque D a demande à Abraham d’immoler son fils, il ne cherchait pas stabiliser émotionnellement Abraham, il cherchait plutôt à le déstabiliser. C’est aussi le but recherche par D lorsqu’il demande a Abraham d’abandonner sa femme et son fils dans le désert avec un peu d’eau. Lorsque les juifs reçoivent la loi sur le mont Sinaï, il ne la reçoivent pas assis à la terrasse d’un café, en buvant un crème et fumant une cigarette. Ils sont complètement terrorisés par le tonnerre, les éclaires et le son du chofar. 

Le but de la torah est de déstabiliser l’homme, elle veut créer en lui un malaise, elle ne veut pas que l’homme soit heureux lorsqu’il fait le bien, elle veut qu’il le fasse contre son grés.

Le but des prières est de créer une contrainte journalière et répétitive, une entrave à la vie quotidienne. Le chabath est aussi une contrainte, une entrave. 

Pourtant, c’est par amour que D a donne la torah a Israël, et qu’il a chosit Abraham ce n’est pas pour le faire souffrir, alors comment comprendre le sens des mitsvoth ?

La contrainte n’est pas le but des mitsvoth, elle est le moyen par lequel l’homme peut arriver à s’élever spirituellement. L’homme à besoin de ressentir une pression, que la répétition rend invivable, pour se sentir obligé à s’échapper du réel.

A force de relire tous les ans le même livre, le juif est obligé, pour fuir l’ennui ou la folie, de devenir créatif, et d’inventer une nouvelle lecture. 

Le but de la contrainte religieuse est de créer une sorte de tension, de plus en plus forte, qui va obliger l’homme à s’élever au-dessus du réel en le réinterprétant. Dans cette réinterprétation du réel, l’homme arrive à exprimer l’essence de son intériorité.

C’est pour cette raison que le talmud dit dans le traite de soucah « plus un homme est grand spirituellement, plus son mauvais penchant est grand ». L’ascèse spirituelle est une fuite, occasionnée par la contrainte d’une tension. Devant la tension l’homme peut chercher à élever par l’ascèse spirituelle, mais il peut aussi fuir la tension par la transgression et l’abandon a aux plaisirs matériels. 

La transgression et l’ascèse spirituelle sont deux faces d’une même médaille, il ne tient qu’a un fil de passer de l’un à l’autre.

C’est aussi pour cette raison que les femmes ne sont pas astreintes aux commandements positifs dépendants du temps. Le but de ces commandements et de créer une tentions qui élève l’homme au dessus du réel. Or selon la torah, naturellement la femme n’a pas de prise avec la réalité objective du monde, c’est pour cela qu’elle ne peut pas témoigner ou juger.

Tous le travail spirituelle d’une femme et d’arriver à percevoir la réalité objective du monde, le but spirituel de la vie d’une femme est d’arriver à appréhender le monde d’une manière objective. Or les mitsvoth positive liées au temps ont pour but d’extirper celui qui les accomplis de la réalité objective du monde.

L’homme, contrairement a la femme, a spontanément un lien avec le monde réel objectif, le but spirituel de la vie de l’homme est de s’en dégager. 

Selon la torah, la femme doit retrouver la masculinité qui est en elle, alors que l’homme doit créer une féminité. L’homme se féminise par la soumission a la contrainte religieuse, alors que la femme doit se libérer de cette contrainte, pour objectiver son rapport a D. 

Si les féministes revendiquent le droit a accomplir les mitsvoth de la torah, c’est par ce qu’elles n’ont pas compris que les commandements de la torah sont des contraintes et pas des privilèges. L’homme n’a pas le privilège de mettre les tefillins, ou de compter dans un minian, il a le devoir d’aller à la synagogue trois fois par jour, pour répéter indéfiniment une prière qu’il ne comprend pas, puisqu’elle est incompréhensible.

L’homme n’a pas le privilège de monter a la torah, il a le devoir d’aller a la synagogue pour écouter la lecture de la torah trois fois par semaine pour écouter la lecture d’un livre, qu’il a déjà écouté plus d’une cinquantaine de fois. 

Les contraintes religieuses n’apportent rien a une femme, elle la rendent, au mieux, haineuse et au pire complètement folle. 

3- Transcendance passive

Dans le paragraphe précédent nous avons envisagé la pratique religieuse comme un moyen de dépassement de soi. Ce dépassement serait articule par une dynamique de soumission et de libération. C’est cette dynamique que le Maharal appelle la dynamique de « galout/ geoulah » « exile et libération ».

Cependant, les commandements de la torah peuvent être aussi interprétés comme un abandon de soi. Par cet abandon, l’homme serait pris en charge et porté par des forces spirituelles qui le dépassent. 

Dans le traité de pirkei avoth la Mishna dit « si quelqu’un te dit, « j’ai fourni des efforts et j’ai trouvé ! » crois le, mais, si il te dit « j’ai trouvé sans avoir fourni d’effort, ne le crois pas ». De même, si quelqu’un te dit « j’ai fait des efforts mais je n’ai pas trouvé ne le crois pas ».

Les commentateurs de la Mishna remarquent qu’il aurait été plus judicieux de parler de quelqu’un disant « j’ai fourni des efforts, et j’ai créé » ou « j’ai fourni des efforts et j’ai construit ou fabriqué ». Lorsque l’on trouve quelque chose, en général on le trouve par hasard sans y penser. Comme le dit le talmud (sanhédrin 97) trois choses viennent sans qu’on y pense, « le messie, une trouvaille, et un scorpion ». Alors pourquoi la Mishna dit elle qu’il faut travailler pour trouver quelque chose ?

Les commentateurs expliquent que la Mishna vient nous apprendre que lorsque l’on découvre une nouvelle idée, ou que l’on crée un nouveau business, c’est toujours par hasard. Même lorsque l’on recherche quelque chose avec beaucoup d’effort ou de persévérance, la découverte elle-même, se fait toujours par hasard. Travailler c’est donner une opportunité au hasard, c’est acheter un ticket de loterie. 

Maimonide explique cette idée en se basant sur la philosophie de Platon. Lorsqu’un homme a une idée, ce n’est pas la volonté de l’homme qui a créé l’idée, c’est l’idée qui prend procession de l’homme et qui décide de s’exprimer a travers lui. Tout ce qui n’est pas une connaissance évidente est une connaissance transcendante. Pour Platon, lorsqu’un menuisier décide de construire une table, c’est l’idée de table qui s’est emparée du menuisier, et c’est cette idée qui manipule les actions du menuisier. 

Le travaille de l’homme est un conditionnement qui permet a l’idée s’exprimer a travers lui. Comme nous l’avons dit plus haut, le travaille est nécessaire, mais il n’est pas la cause du résultat, il n’est qu’une condition sine qua none.

Dans le paragraphe précédent nous expliquions que le travail avait pour but de pousser l’homme vers l’intérieur de lui même, pour Platon et Maimonide, le travail permet a l’homme de s’ouvrir sur l’extérieur.

Maimonide étend ce que Platon dit au sujet des idées, a tous le domaine des sentiments humains.

L’homme est constamment possédé par des forces transcendantes que Maimonide appelle les anges. L’ange du désir, l’ange de la peur etc. Cependant ces forces transcendantes, ne peuvent prendre possession de l’homme que si il se prépare et il se conditionne par un travail à les accueillir. 

Plus les forces transcendantes s’expriment dans le monde plus elle deviennent puissantes.

Dans la vision d’Ezekiel il est question d’un mouvement de va et viens appelé « hashmal ». Lacan voit dans cette vision une métaphore sexuelle expliquant le mouvement pneumatique du monde. Le talmud explique, en effet, que dans la sexualité, plus on est rassasié plus on a faim, car l’assouvissement du désir sexuel, est en fait, un évidement de soi.

Or le vide créé par l’orgasme, crée un nouveau besoin qui doit nécessairement être assouvi. Les forces spirituelles semblent fonctionner dans cette dynamique sexuelle.

Pour le Zohar, le chabath est la source de la bénédiction, par ce qu’il est la source du vide. Le jour du chabath la spiritualité désirée pendant la semaine se concrétise dans le monde présent. Paradoxalement, cet accomplissement crée un vide spirituel. Lorsque le rêve s’est réalisé, il n’y a plus rien à désirer. Puis, dans un deuxième temps, ce vide crée un manque qui doit être comblé et il oblige les forces spirituelles à se renouveler. La manne ne tombait pas le chabath, mais le chabath est la source de la manne qui tombait les autres jours de la semaine, car c’est le vide qui rend le renouveau nécessaire.

Toutes les mitsvoth fonctionnent comme le chabath. C’est dans cet esprit que la Mishna dans pirkei avoth dit « le salaire d’une bonne action est une autre bonne action, et le salaire d’une mauvaise action est une mauvaise action » comme si la seule conséquence des bonnes ou mauvaises actions étaient uniquement d’avoir la possibilité d’en faire d’autres. En réalisant une mitsvah, on annihile la partie rêvée de la mitsvah, ce qui nous oblige à en renouveler le sens.

En fait, lorsque l’on fait une bonne action, on est possédé par une force transcendante, lorsque l’on fait advenir cette force dans le monde réel, on oblige cette force à se renouveler, en lui permettant ainsi d’avoir plus d’emprise sur nous et sur le monde. 

Dans la bible la transcendance passive se retrouve chez Samuel, Saul et David. Chez ces trois personnages la prophétie est atteinte par la danse, la musique et l’alcool. Ils sont opposés à Abraham Isaac et Jacob qui atteignent la prophétie par les épreuves et l’exil.

Il est cependant intéressant de comprendre comment ces deux modalités de la transcendance s’articulent.

4- Vivre ses rêves ou vivre le rêve des autres

En fait la différence fondamentale qui existe entre Samuel, Saul et David d’une part et Abraham Isaac et Jacob d’autre part, c’est que Samuel Saül et David, réalisent le rêve de quelqu’un d’autre. Alors que les patriarches de la genèse réalisent leur propre rêve.

Samuel réalise le rêve de sa mère Hannah, Saül réalise le rêve de Samuel, et David réalise le rêve de Samuel aussi. Lorsqu’un homme cherche à réaliser le désir qu’un autre a placé en lui, à chaque foi que le rêve se réalise, ce rêve vide son acteur de sa substance. Cet évidement oblige l’acteur à renouveler la signification et la force du rêve. Celui qui porte le rêve d’un autre n’a qu’à s’abandonner à ce rêve pour se renouveler à chaque foi a travers lui. 

Le chabath est source de renouveau par ce qu’il est un précepte qui nous vient de l’extérieur, le chabath est le rêve de D ou celui de Moshé. C’est pour cette raison qu’a chaque foi qu’on le concrétise, on ressent un évidement de soi et du chabath, la conscience de cette évidement entraine un renouveau intérieur, elle oblige à renouveler en nous le sens rêvé du chabath.

A la différence de David, les patriarches de la genèse, sont les porteur de leur propre rêve, de ce fait, chez eux, la concrétisation du rêve n’occasionne pas un évidement de la personne, et, paradoxalement, puisque la concrétisation du rêve n’est pas un évidement complet, l’abandon au rêve n’est pas une source de renouveau. C’est pour cette raison que les patriarches atteignent le renouveau par la contrainte et non pas par l’abandon.

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