Parasha de Mishpatim (ou sans oublier Foucault)
La parasha de Mishpatim traite essentiellement des lois qui régissent la vie économique du peuple, c'est le code civil et pénal de la torah. Lorsque l'on étudie ces lois de la torah et leurs interprétations par les sages dans le talmud et le shulhan arouch, on est frappe par un paradoxe central concernant la place de la raison et de la logique dans la loi.
Ce paradoxe est explicite déjà dans l'un des premier Rashi de la parasha, en effet le premier verset dit "voici les lois que tu mettras devant eux" cette expression "que tu mettras devant eux" est étrange, car elle s'applique en général une réalité physique, alors que les lois sont des concepts théoriques. Rashi cite le midrash qui dit "D. dit a Moshe n'enseigne pas au juifs ces lois comme tu a enseigne les autres lois ou tu répétais le texte a plusieurs reprise jusqu'a ce que les juifs le connaissent par cœur, mais ici, dans ces lois de droit civil, tu dois expliquer aux juifs aussi les raisons des lois et leurs commentaires explicatifs " taamei hadavar oupirousho". Ce qui veut dire que dans les lois du code civil et pénal il y a une plus grande liberté d'explication et d'interprétation pour les sages que dans les autres lois de la torah. L’interprétation littéral du texte peut être dépassée par la raison de la loi, et par une explication qui va dépasser large ont dévie ce verset de son sens littéral pour l'interpréter comme disant tu paieras la valeur d'un œil pour un œil ou la valeur d'une dent pour une dent. Ce n'est pas le seul exemple, tout le talmud qui parle du code civil et pénal est base sur des déductions logiques faites a partir du texte de la torah, c'est ce qui en fait la beauté et la complexité. Par exemple le traite de baba kama commence par énumérer les 4 principaux types de causes de dommages qui sont énumérés dans la parasha, dommage par le bœuf, le puits, le feu ou l'homme, chacun de ces dommages a des lois spécifiques.
Et la talmud va chercher a appliquer ces concepts de la torah a la vie courante de cette époque, pour cela le talmud va définir d'autre type de dommage pour savoir si ils peuvent être classifies dans les 4 types de dommages énumérés dans la torah, le talmud se demande aussi de quelle manière on pourrait élargir les exemples de la torah pour définir des règles de classification, le talmud finit par dire que le feux est quelque chose qui se déplace en utilisant une force extérieure a lui même, le bœuf représente toute propriété qui causerait un dommage qui rendrait le possesseur responsable de ce dommage. Le puits est un objet dangereux par essence etc. Les sages extrapolent par la logique le texte de la torah. (Cette méthode d'interprétation est toute a fait inédite dans les autres lois; quand la torah dit "tu prendras le premier jour de soucoth le fruit de l'arbre de la splendeur" les sages n'ont pas dit le cédrat est un fruit jaune et rond, tu peux donc prendre n'importe quel fruit jaune et rond ).
Or, les lois relatives a chacun des types de dommage sont elle-même difficilement explicables par la logique, par exemple la torah dit que si un animal ou un homme tombent dans un puits et qu'ils sont endommagés le propriétaire du puits doit payer le dommage, alors que si des ustensiles se cassent le propriétaire du puits est exempte de payement. Cette loi défie la logique. De même, quant à la maison, mais pas les meubles de la maison.
Il y a encore beaucoup d'exemple de ce type, alors, un problème se pose comment le talmud peut extrapoler de manière logique des lois de la torah qui ne sont pas nécessairement logique dans leurs bases.
La question est encore plus forte lorsque l'on sait que le juge n'est pas tenu a suivre le code de la torah lorsqu'il juge, la torah a donne une entière liberté au juge en disant que le tribunal a la possibilité de changer la propriété des biens même si cette décision est contraire aux lois donne par la torah, c'est le principe de "hefker beth din hefker", or si le les lois de la torah peuvent être dépassées par le bon sens des juges, pourquoi avoir donne ces lois dans la torah, la torah aurait du se borner a dire que le juge devait être le plus impartial possible en suivant le bon sens. Pourquoi donner un texte qui aurait pour vocation d'être dépassé et interpréter assez librement? Le pithey techouvah rapporte même au début du shulhan arouch, sur les lois concernant les juges, que si un jugement parait immoral au juge, par ce que l'un des protagonistes utilise les principes de la torah pour extorquer de l'argent immoralement, le juge ne doit pas tenir compte des décrets de la torah et doit donner un jugement moralement équitable. Cette liberté face à la loi pour être fidele à l'esprit de la loi ne se retrouve nulle part ailleurs dans les autres commandements de la torah.
Voila une petite histoire qui montre bien ce principe. La torah identifie 3 types de gardiens: 1- le gardien bénévole qui n'est responsable que dans le cas ou il fait une faute, mais pas si il perd l'objet ou si il est vole. 2- le gardien qui est paye qui lui est responsable même en cas de vol, mais pas dans le cas d'un incident de force majeur. 3- celui qui emprunte ou loue un objet qui est responsable dans tout les cas. Cependant la torah dit que si le propriétaire de l'objet est présent avec l'emprunteur au moment de la destruction de l'objet, l'emprunteur ou le gardien sont exemptes complètements, quelque soit la cause de la perte, cette exception est un décret de la torah qui n'a aucune raison aucune logique.
On raconte que le rav de brisq était rarement consulte pour juger des cas de droit civil, par contre, il y avait un rav hassidish dans une ville voisine (dont j'ai malheureusement oublie le nom) qui recevait toutes les questions qui concernait des litiges, le rav de brisk ne comprenait pas pourquoi ses propres élèves le boudait et allaient voir un rav voisin. Il est parti voir le rav hasidich et lui a demande comment est ce qu'il expliquait le fait que tout le monde venait le consulter pour les cas de litige monétaire. Et le rav hassidish a répondu "je vais t'expliquer, voici le dernier cas que j'ai reçu, il y avait un riche qui habitait un grand immeuble qui lui appartenait, il a loue l'étage du bas un pauvre couple qui utilisait une parité de l'étage du bas comme magasin tenu par la femme, alors que le mari est un cocher. Une nuit des voleurs sont venus, et ils ont vole tout l'argent et les biens du riche propriétaire qui habitait en haut, puis le propriétaire s'est réveillé et les voleurs se sont enfuit, le riche est parti voir le locataire du bas et lui a promis une récompense de 5000 rouble si ils arrivaient a rattraper les voleur avec sa voiture, le cocher et le propriétaire sont partie a la poursuite des voleurs, après une très longue poursuite, ils ont réussi a rattraper les voleurs, et le riche a récupéré tout son argent. Mais l'effort du cocher avait été tel, que le cheval était mort à la fin de la course, or le cheval valait bien plus que 5000 rouble. Et le riche dit qu'il n'avait promis que 5000 rouble et qu'il n'est pas responsable de la mort du cheval, alors que le pauvre veut que le riche paye le cheval". Le rav hassidish a demande au brisker rav qu'est ce que tu aurais tranche dans ce cas? Le brisker rav a répondu "le riche est donc exempt de payer le cheval" Le rav hassidish lui a répondu "c'est pour cela que personne ne vient te voir! Ne comprend tu pas, qu'ici le riche essaie de se faire de l'argent sur le dos du pauvre, et que c'est injuste, la morale impose que le riche paye puisque c'est grâce aux sacrifices du pauvre qu'il a récupéré son argent].
Or si les lois peuvent être dépassées pourquoi la torah les écrit elle? La torah aurait du juste dire "décidez ce qui vous semble juste et de bon sens!"
Pourquoi avoir donne un code si complexe si il peut être dépassé?
Un autre passage étonnant concernant la justice se trouve dans Le talmud dans sanhédrin 17 . le talmud dit "si il y a un jugement sur une personne, qui peut être passible de mort et que les 23 membres du tribunal sont sures que le prévenu est coupable, et donc passible de la peine capitale (par exemple il a tue de sang froid plusieurs personnes devant le tribunal) l'accuse est acquitté, par ce la torah dit qu'il faut qu'un jugement soit débattable et discutable, or ici tout les juges sont d'accord, il y a donc vice de procédure, et on ne peut donc pas déclarer la personne coupable. [Le meiri dit qu'il est possible que le pouvoir exécutif exécute le prévenu sans jugement]. Mais sa condamnation n'est pas du ressort de la justice, la justice ne s'applique que dans un cas de litige ou le débat est possible. Pourquoi?
Dans ce même passage le talmud dit que pour être accepte comme membre du sanhédrin le tribunal suprême, une personne devait être capable de démontrer par la logique qu'un "cherets" c'est a dire un reptile mort n'est pas impure, (bien que la torah dit explicitement que le reptile mort est impure), c'est a dire que, pour devenir juge, il fallait être capable de tordre le sens littéral du texte de la torah, en étant capable par la démonstration logique de faire dire au texte ce qu'il ne disait pas. Or cette condition d'admission est étonnante, car cette manière rhétorique de réfléchir comme un sophiste, est une manière malhonnête de penser, une manière de convaincre par la ruse ou par le mensonge sans chercher la vérité, or, nous savons qu'au contraire la torah dit que la vertu première et essentiel du juge c'est d'être honnête et droit dans son raisonnement.
On pourrait répondre a ces questions en se basant sur un autre rachi qui explique le premier verset de la parasha "voici les lois que tu mettras devant eux" rachi commente en citant le talmud "devant eux, et pas devant les nations, même si tu sais que les non juifs et les juifs ont la même loi, ne te fais pas juger dans le tribunal d'un non juif, car celui qui se fait juger par les non juifs dessacrent le nom de d', et donne de l'importance a se faire juger par les non juifs témoigne de la supériorité de leurs idoles". Or ce rachi est curieux, si les juifs et les non juif ont la même loi, cela prouve que la justice des non juif est équitable, alors, pourquoi ne pourrait-on pas se faire juger par un non juif qui est un juste des nations? Pourquoi une décision du code civil témoigne d'une pensée idolâtre! (en tout cas, on voit ici que la condamnation de la torah sur l'idolâtrie n'est pas nécessairement liée a l'immoralité qu'elle entraine, comme le soutenait Levinas dans difficile liberté).
Pour comprendre ce Rashi nous avons besoin de Foucault, en effet toute justice et toute logique sont avant tout la logique d'un pouvoir. Ainsi si un juge juge de manière équitable, en se référant a "la logique" ou a" la justice fait que déifier les valeurs d'une société ou d'un pouvoir, il témoigne de la supériorité de ses idoles.
Alors, que la torah au contraire, par le texte de loi qu'elle a donne, et par la liberté qu'elle donne au juge pour le mettre en pratique, veut mettre le juge en face de la subjectivité de sa décision. Le juge n'est pas tenu de suivre le texte de la torah, mais il est tenu de lui rendre des comptes. Le juge doit justifier son interprétation du texte, ou la décision qu'il a prise de ne pas appliquer la loi à la lettre.
Pour reprendre le cas du cocher, la torah dit au rav "n'utilise pas les lois de la torah pour aider un homme cupide, mais saches que c'est toi, le juge, qui est responsable de ta décision et de ton interprétation", la décision du juge reste une décision subjective, même si le juge décide d'appliquer le texte a la lettre, c'est un choix subjectif du juge vu que la torah lui a laisse la possibilité de s'en écarter.
C'est pour cela que pour être un juge il fallait être capable de pouvoir purifier le cadavre d'un reptile, c'est à dire quoi n'est la que pour mettre le juge en face de la responsabilité de son raisonnement. La torah a écrit ces lois pour montrer au juge la nature et l'étendu de sa subjectivité. Le jugement n'est pas vu par la torah comme une décision transcendante venant du ciel, ou d'un état, ou d'un pouvoir, mais comme la décision subjective des juges, que les protagonistes doivent accepter, par ce que c'est une mitswah.
Si la torah considère le jugement des juges comme venant de D' lui même, ce n'est pas par ce que les juges sont infaillibles, mais par ce que l'acceptation des juges est une nécessité et une réalité du monde, si les juges sont mauvais, leurs jugements sont considérés comme des décisions divines, au même titres que les tremblement de terre, ou les tsunamis et toutes les catastrophes naturelle qui sont aussi des décision divines.
C'est pour cela que la torah dit qu'un tribunal ou tout le monde est d'accord sur la décision sans débattre, ce n'est pas un tribunal, et que l'inculpe que tout le monde trouve coupable est déclaré non coupable, par ce que rendre la justice c'est exprimer sa subjectivité.
Il est amusant que la première loi que la torah rapporte dans le code c' est la loi du voleur qui est vendu en tant qu'esclave par le tribunal par ce qu'il n'a pas de quoi rembourser son vol. Sur cette loi certains disent: "quoi! La torah accepte l'esclavage!" (Bien que l'esclave a beaucoup plus de droit qu'un prisonnier), alors que d'autres disent "la prison quelle horreur,! L’esclave, lui, n'est pas séparé de sa famille et peut même la nourrir", cela montre bien la difficulté de la logique à appréhender la justice, puisque toute logique n'est que la logique d'un pouvoir. Mais ce qui est sur, c'est que le voleur qui est vendu en tant qu'esclave (pour 6 ans au maximum) pour rembourser son vol, répare la faute qu'il a fait, c'est a dire, qu'il rembourse sa dette, et après le remboursement il repart moralement propre, alors que le prisonnier ne répare pas sa faute, le prisonnier reste marque comme ayant fait une erreur absolue, par ce qu' il s'est révolté contre le dieux et l'idole de la société. La torah au contraire considère qu'une faute civile ne peut pas être considère comme une faute irréparable, ce n'est pas une "transcendance dans le mal" c'est une dette que l'on peut toujours rembourser. (La seule faute impardonnable c'est le meurtre.)
Chabath chalom
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