La lune avec les dents
Introduction
La parasha de mishpatim commence avec les lois de l’esclave. Cet esclave désire rester la propriété de son maitre toute sa vie. Dans ce passage, la torah montre bien le dilemme existant entre le désir de sécurité et de confort, d’une part, et la volonté d’être libre, d’autre part.
Pour la torah, il est du devoir d’un homme d’assumer sa liberté malgré l’insécurité et l’incommodité qu’elle peut entrainer. Pourtant, nous avons tous tendance à préférer le bien être, à la liberté. Nous sommes tous des esclaves aux oreilles percées qui préfèrent la stabilité de l’esclavage a l’aventure de la liberté.
Parmi les personnages de la genèse aucun ne désir être esclave, au contraire, presque tous les personnages se battent les uns contre les autres pour devenir maitre. Eve mange le fruit défendu pour devenir l’égale de D, le serpent veut tuer Adan, Caïn tue Havel etc. Dans la genèse, les humains sont décrits comme cherchant naturellement le pouvoir, si ce n’est la liberté. Tous les personnages de la genèse se battent pour obtenir la terre d’Israël.
Dans le livre de l’exode, les juifs ont, au contraire, tendance à toujours vouloir rentrer en Egypte pour redevenir esclaves de pharaon. Ils ne veulent pas aller en Israël, ils se rappellent de la période de l’esclavage égyptien comme d’un Age d’or, comme d’un paradis perdu. C’est pour cette raison que juste après le don de la torah dans notre parasha, D a besoin de condamner le désir d’être esclave.
Il y a lieu de s’interroger sur ce paradoxe, comment comprendre que les juifs de la genèse soient à ce point différents des juifs de l’exode ?
1- Simulacre religieux et incarnation de D.
La genèse et l’exode semble se dérouler dans deux mondes totalement différents. La genèse se déroule majoritairement dans la terre d’Israël, alors que l’exode se déroule en Egypte et dans le désert.
Le rapport à D, et la manière d’envisager le monde dans ces deux endroits semble totalement différente. En Israël, a l’époque d’Abraham Isaac et Jacob, on pratique l’idolâtrie des ashtarot et des baalim. Dans ce culte idolâtre, des prostituées se consacrent au service d’un arbre ou d’une plaine donnée, et les habitant de la région ont des relations avec ces prostituées, lorsque la prostituée tombait enceinte, on sacrifiait l’enfant en hommage a la divinité, pour assurer la fertilité de la pleine. En Israël, le culte payen n’était pas vraiment articulé sur une représentation de D par une idole. D était vécu comme une réalité immanente a la nature. Dieu était aussi absurde, imprévisible et immoral que la nature. (« L’épopée de Gilgamesh », est tout à fait dans cette veine.) D ne faisait pas de miracle, les prêtres non plus, les sacrifices n’avaient pas pour but d’implorer la clémence de D, ils permettaient simplement à l’homme de s’harmoniser avec la nature.
L’Egypte pharaonique est par contre décrite comme le pays du simulacre et de la magie. Tout y est une mise en scène, les magiciens font des tours de passe-passe, pour prouver la supériorité de leur D. C’est en faisant des miracles que moshe arrive à convaincre pharaon que D existe. Maimonide, pense dans le guide des égarées (partie 2 chapitre 29) que ces miracles, n’étaient eux aussi que des tours de passe-passe. D se met en scène sur le mont Sinaï, au point ou 3000 ans plus tard on peut encore en faire un film.
L’Egypte pharaonique ne sacrifie pas les humains à D, elle ne sacrifie même pas les animaux, toutes l’offrande religieuse ne sont que des offrandes végétales. L’Egypte est le pays de la mise en scène et du simulacre. Alors que les cananéen sont le peuple de l’incarnation de D dans la nature.
2- Peut-on vraiment parler de liberté dans la genèse ?
Les personnages de la genèse se battent pour le pouvoir et la terre d’Israël, ce ne sont pas des esclaves. Mais peut-on dire qu’ils sont libres ? à mon avis pas vraiment. Un des points culminant de la genèse, c’est le passage du ligotage d’Isaac. Dans ce passage, Abraham va chercher à égorger son fils, pour accomplir la volonté divine, puis juste avant l’acte fatidique, D change d’avis et il dit à Avraham que c’était une blague qu’il lui avait faite pour avoir à quel point il allait l’écouter.
Ce passage est très obscur. Parce que dans la bible on ne retrouve jamais un schéma similaire, jamais dans la bible D commande de faire le mal pour ensuite se rebiffer et dire qu’il cherchait à éprouver la foi d’une personne. Dans tout le reste de la bible, les épreuves sont toujours là pour pousser la personne à se dépasser en faisant le bien ou en s’écartant du mal. Jamais D n’éprouve en demandant de faire le mal. Cela parait être un acte cruel et sadique de la part de D.
Le philosophe qui a le plus réfléchit sur le ligotage d’Isaac n’est pas juif, c’est Kierkegaard. Kierkegaard a donné une interprétation du ligotage dans le livre qu’Il a consacré à ce passage, « crainte et tremblements », mais, à mon avis il en a donné une meilleur dans le journal du séducteur. Dans ce livre autobiographique Kierkegaard décrit la difficulté qu’il a à se marier. Il est intéressé par certaines filles, mais pour lui cela revient au même dire « oui » ou « non » à la fille. Il n’arrive pas à donner un sens à sa décision, cela lui parait tout aussi absurde de dire oui à une fille que de dire non. Continuer ou changer, rompre ou persister, dans tous les cas, il ne se sent pas fidel à la vocation de son cœur, il sent plutôt qu’il invente de nouveaux sentiments a chaque foi qu’il interagit avec sa fiancee.
Pour Kierkegaard c’est le même phénomène qu’Abraham éprouve lorsqu’il est à deux doigts d’égorger son fils. A la fin, il n’y a aucune différence entre tuer son fils ou le laisser vivre, dans les deux cas, il peut dire qu’il accomplit la volonté divine. Etre libre c’est pouvoir faire ce que l’on veut, mais vouloir c’est déjà une aliénation de soi. Pour être libre il faut ne rien vouloir. C’est pour cette raison, qu’après le ligotage d’Isaac, Abraham reste perplexe, si ce n’est au niveau de la foi, mais en ce qui concerne la morale, et le midrash dit qu’il demande à D ne plus lui envoyer d’épreuve.
En fait dans la genèse on ne peut pas vraiment parler de liberté, on peut plutôt parler d’un désir de pouvoir, plus ou moins assumee.
Dans le journal du séducteur, Kierkegaard explique, sans le savoir, pourquoi il ne peut pas tomber amoureux de la fille avec laquelle il s’est fiancee, bien qu’il la trouve parfaitement à son gout. Il la connait trop bien. Il l’aime pour ce qu’elle est, elle n’a donc pas besoin de se mettre en scène et de le séduire. Dans le journal du séducteur, Kierkegaard fait tout le travail de séduction, sans laisser aucune place à la séduction de la fille. Il séduit sans vouloir être séduit, par ce qu’il est déjà amoureux, et finalement, cet amour se dissout dans l’absurde à cause du manque de mise en scène.
En fait, la genèse nous montre que la liberté ne peut avoir de sens qu’à travers la mise en scène. La genèse est le monde du réel, Abraham cherche à donner un sens au réel et à la liberté, mais il échoue, par ce que si D ne se met pas en scène, alors, D est trop proche, et sa proximité le rend absurde.
3- L’Egypte le pays de la mise en scène et de l’esclavage.
La liberté ne semble donc possible qu’travers une mise en scène du réel. La liberté serait une manière d’envisager son rapport à l’autre ou à D a travers une mise en scène de l’autre ou de D. la liberté serait un choix d’être sensible ou non à la manipulation de l’autre.
L’Egypte devrait donc être le pays de la liberté, puisque tout y est illusion et théâtre et simulacre. Joseph est l’acteur principal, et on ne voit jamais son vrai visage. Pharaon semble jouer le rôle du bon roi puis celui du tyran, pharaon, est aussi un Darckvador dont on ne connaitra jamais les traits. Les personnages égyptiens sont tous des acteurs hollywoodiens dont la personnalité nous échappe complètement. Qui est aaron ? qui est moshe ? moshe porte un masque, et aaron porte un costume pour ne pas dire un déguisement. L’Egypte devrait être le pays de la liberté, puisque tout le monde séduit et porte un masque. Pourtant, la bible commence par nous dire que l’Egypte c’est le pays de l’esclavage. Pourquoi ?
Pour comprendre cela, il faut comprendre pourquoi pharaon reste insensible aux miracles, pourtant prodigieux, que moise accomplit. La raison est très simple, l’Egypte, c’est le pays du simulacre et de la mise en scène, mais cette mise en scène, reste toujours une vérité subjective qui n’est pas explicative du monde réel objectif. Pour pharaon, moshe et aaron ce sont des grands cinéastes de la vérité 3D, ce sont des guides religieux, mais ils ne sont pas crédibles en tant qu’hommes politiques.
La vérité virtuelle et symbolique existe dans la civilisation égyptienne, mais elle ne peut pas avoir un impact sur le monde objectif du réel. Pharaon rêve qu’il va y avoir sept années de famine, or dans, l’absolue la famine, s’arrête au bout de deux ans, elle n’est pas absolument avérée, puisque les égyptiens ont des réserves incalculables de nourriture. Le rêve a une valeur prémonitoire, mais cela reste un rêve. Il ne peut pas avoir un impact sur l’histoire de l’Egypte, au plus il peut permettre de raffermir le pouvoir du roi.
Les cérémonies sont importantes pour le peuple, les discours et les débats d’idée aussi, mais le pouvoir doit rester aux mains des énarques. La liberté existe dans le monde du théâtre, mais cela reste une comédie. Lorsque moshe veut faire coïncider le monde du rêve au monde du réel, il n’a aucune crédibilité aux yeux de pharaon.
L’Egypte est le pays de l’esclavage par ce qu’il est le pays de la manipulation. On cherche à séduire l’autre et à le manipuler, alors que le manipulateur lui-même n’est pas dupe de la réalité qu’il projette sur l’autre. Pharaon manipule son peuple grâce a ses magiciens, mais il ne croit pas lui-même en la magie.
Le maitre c’est celui qui ne croit pas au masque qu’il porte et l’esclave c’est celui qui se laisse séduire par le masque.
En réalité pour que la liberté soit possible, il fait faire coïncider l’aspect de la réalité telle qu’elle est envisagée dans la genèse, avec le monde du symbolique tel qu’on nous le décrit dans l’exode.
Le livre de l’exode c’est le livre de la liberté, comme le disait Spinoza, mais cette liberté devient possible lorsque l’on arrive à unifier les valeurs de la Mésopotamie antique avec celle de l’Egypte antique, dans la terre d’Israël. Lorsque l’on arrive à prendre la lune avec les dents.
4- La logique du talmud, et la logique grecque.
Il existe une différence fondamentale entre la logique grecque et la logique du talmud. La logique grec est statique, elle ne prend pas en compte l’impact du discours sur celui qui l’écoute. Dans la logique d’Aristote, le discours est une sorte d’équation qui attribue des adjectifs vrais ou faux à un élément donné.
La logique du talmud fonctionne tout à fait à l’opposé. Pour le talmud le discours est toujours adressé à un auditeur. Celui qui énonce la phrase est conscient de l’impact que son discours va avoir sur l’auditeur, l’auteur anticipe toujours la réaction du lecteur.
Pour le talmud, réfléchir logiquement, c’est interpréter cette anticipation. Dans la logique talmudique, on ne cherche pas vraiment à savoir ce qui est vrai ou faux, on cherche plutôt à déterminer qu’elle est l’impact que l’énonciateur a voulu créer chez l’auditeur ou le lecteur. Lorsque cet impact est déterminé, alors la vérité apparait en creux.
Dans la philosophie grecque il existe une distinction entre deux types de discours, le discours manipulateur des sophistes, et le discours du philosophe qui cherche à établir la vérité objective.
Le talmud, par contre, pense que tous discours est essentiellement manipulateur, par ce que la parole a un impact sur l’auditeur, et que l’énonciateur anticipe cet impact. Cependant, c’est à travers ce discours manipulateur, que l’homme peut avoir accès a la vérité objective.
Cette idée peut paraitre abstraite, je vais essayer de la clarifier par des exemples.
Voilà un exemple de la logique grec qui se trouve à la fin du livre de la logique du rav moshe Haïm Lutzzatto (chapitre complémentaire, syllogisme appliqué) :
« Peut-on enseigner la sagesse a un barbare ? Il faut répondre que non, car un barbare n’est pas comparable à un être humain civilisé.
Le syllogisme expliquant cette preuve est
Un être humain civilisé est quelqu’un qui peut acquérir la connaissance.
Un barbare n’est pas un être humain civilisé,
Donc, on ne peut pas enseigner la connaissance a un barbare. »
Dans ce raisonnement grec, la logique est statique, non seulement on ne prend pas en compte l’auditeur, mais en plus on ne prend pas en compte la fonction analysée par le raisonnement, qui est celle « d’enseigner la sagesse ». Le discours n’est pas performatif, il ne peut être qu’analytique.
Prenons maintenant un exemple pris au hasard de la logique du talmud.
Hulin « la Mishna dit «la chehitah faite par un non juif n’est pas valide et la carcasse de l’animal rend impure si on la déplace, comme celle d’une nevelah. (Nevelah : un animal mort naturellement sans chehitah) »
Le talmud analyse : « c’est évident ! puisque l’animal est une nevelah, il est normal qu’il impurife celui qui le déplace (le statut d’une nevelah est explicite dans la torah !)
Rava dit, il faut déduire de la Mishna la loi suivante, il y a un autre animal qui rend impur a un degré supérieur, c’est l’animal que l’on a égorgé en l’honneur de l’idolâtrie, dont la carcasse rend impure tout celui qui se trouve dans la même pièce, comme le dit ailleurs rabi Yehouda ben Beterah.
Deuxième version. Rava dit il faut déduire de la Mishna que même si l’animal a été égorgé en l’honneur de l’idolâtrie il ne rend impure que celui qui le déplace et pas tout celui qui se trouve dans la même pièce, et la Mishna vient exclure l’avis de rabi Yehouda ben Beterah. »
Ce raisonnement du talmud n’est pas logique. Car les deux déductions s’annulent l’une l’autre. Si on peut déduire de la Mishna une chose ou son oppose, cela revient à dire que l’on ne peut rien en déduire du tout. Pourtant la Mishna maintient ces déductions comme étant patentes. Dans la halakha on va retenir la deuxième version de Rava.
Comment est-ce possible ? le talmud ne cherche pas à analyser mécaniquement ou grammaticalement ce que le texte de la Mishna a voulu dire, il sait simplement que l’auteur de la Mishna a voulu dire quelque chose d’une manière implicite, à travers une périphrase. Conclure qu’il n’a rien voulu dire n’est pas une option. Le raisonnement s’articule autour de l’interprétation de la volonté de l’auteur pas sur l’énoncé du texte lui-même.
Dans la talmud le discours est performatif, on ne peut analyser la vérité d’un énoncé qu’à travers cette évidence.
Le talmud ou le midrash tout comme presque tous les exégètes bibliques ne cherchent pas à savoir ce qui est vrai ou ce qui est faut, ce que l’on peut apprendre d’un texte ou pas, ils ne cherchent pas à comprendre la volonté de D, ils cherchent à savoir quel est l’impact que l’auteur a voulu laisser sur nous. Comment l’auteur a-t-il voulu nous manipuler.
5- Manipulation et liberté
On aimerait penser que l’homme puisse être libre même lorsqu’il est seul. Etre libre c’est faire ce que l’on veut, hors chaque individu a une volonté propre.
Pourtant le texte de la genèse nous indique que la liberté, la connaissance du bien et du mal ne peut exister que s’il y a deux personnes au minimum. A priori, le début de la genèse semble dire que l’on est toujours libre de se laisser manipuler ou de résister à la manipulation de l’autre.
Eve se fait manipuler par le serpent, Adan se fait manipuler par Ève. (Le midrash dit que le serpent été lui-même manipule par le Satan). C’est de ces manipulations que nait la connaissance du bien et du mal et la liberté. L’homme ne serait pas capable d’avoir une volonté propre, il ne pourrait que se positionner par rapport au désir de l’autre. L’autre lui dirait « à » il pourrait choisir entre «a » ou « -a ».
On nous propose des cigarettes, on est libre de les prendre ou pas. Mais si on ne nous propose pas de cigarette, alors nous ne sommes même pas libres de désirer les cigarettes.
Cette lecture est encore trop optimiste, en fait, nous ne sommes pas capables de résister à une manipulation, nous sommes perméables au discours de l’autre et à notre environnement. Même si je décide de ne pas fumer, le panneau publicitaire de Marlboro, va déclencher en moi une pulsion. L’homme est systématiquement réactif a son environnement. La liberté ne consiste pas à résister à la manipulation, mais plutôt à orienter la manipulation. Le choix de l’homme n’est pas entre « a » ou « -a ». Le choix de l’homme se situe entre plusieurs options : « a » « a’ » « a’’ » ou « a’’’ ».
En regardant la publicité de Marlboro, je peux, soit choisir d’acheter des Marlboro «a », soit, acheter des Camel, par ce que la pub m’a donné envie de fumer, «a’ », ou d’aller boire un whisky ou une bière, puisque la publicité a excité mon désir, « a’’ », ou bien, la pub peut me donner envie d’appeler mes amis pour me calmer, « a’’’ ».
Dans tous les cas, l’impact de la publicité est là, et ce qui est plus étrange, c’est que dans tous cas les j’ai l’impression d’exprimer un désir profond et d’être libre en étant manipulé par la publicité.
On se sent libre lorsque l’on se sent manipulé, par ce que l’on a le choix d’interpréter la manière dont on est manipulé.
Les textes de la littérature rabbinique sont libérateurs, par ce qu’il exprime la liberté de l’homme dans l’interprétation de son conditionnement.
Le Beth ha midrash n’est pas l’endroit de la mise en scène d’un discours. Dans le talmud, le lecteur est frappé par la radicalité et l’immédiateté du discours et de la présence de l’autre, il ne peut pas s’y dérober, il ne peut qu’interpréter sa réaction, et c’est dans cette interprétation que sa liberté devient possible.
Le talmud et le midrash réintègre le discours symbolique Egyptien de Moise dans la vérité immédiate et tactile de la Babylonie d’Abraham.
6- La variation minimale, dissonance. (Avec l’aide de Patrick Etyngier)
L’homme est naturellement perméable a la manipulation de l’autre, par ce que, paradoxalement, c’est à travers cette manipulation qu’il devient capable d’exprimer sa liberté.
Pour être manipulateur un discours doit laisser un vide ou l’auditeur peut choisir d’interpréter la manière dont il va être manipulé. Celui qui fait le discours peut anticiper la manière dont l’auditeur va réagir, en fonction de la case qu’il va laisser vide dans son discours.
Glenn Gould, https://www.youtube.com/watch?v=crQ8YEUkUjg qui n’est certainement pas un pianiste religieux, pense que la cantate bwv 54 (il suffit de résister à la faute), est une œuvre clef de l’œuvre de Bach. Selon Gould, Bach, dans sa musique, cherche à sublimer les pulsions. La musique de Bach comme le talmud possèdent effectivement cette vertu de calmer et de dédramatiser.
Bach procède de la manière suivante, il crée une harmonie, ensuite il introduit une légère dissonance. Instinctivement l’auditeur cherche à combler ce « vide » crée par la dissonance, en anticipant l’accord le plus proche. Lorsque cet accord apparait ensuite, l’auditeur se sent libéré. Il a exprimé sa liberté en désirant un accord, et cet accord est venu.
Dans le talmud l’exégèse fonctionne de la même manière. L’auteur de la Mishna laisse une dissonance, une phrase obscure ou contradictoire, instinctivement le lecteur, cherche à interpréter le texte de la manière qui fait le plus de sens possible, lorsque cette interprétation se vérifie, le lecteur est calmé par ce que le désir qu’exprimait sa volonté a été assouvi.
En manipulant le lecteur ou l’auditeur, le talmud et Bach libère l’homme de la violence de ses pulsions. En laissant toujours le plus petit vide possible, le talmud et Bach, limitent au maximum leur intrusion dans la psychè de l’autre, en lui permettant ainsi de rester conscient de lui-même le plus possible.
Par opposition, les media modernes cherchent à manipuler l’homme en laissant le plus grand vide et la plus grande dissonance possible, forçant ainsi l’individu sombrer dans le chaos de ses pulsions et de ses angoisses.
Les documents
Tu feras pour moi un autel de terre, sur lequel tu sacrifieras tes holocaustes et tes victimes rémunératoires, ton menu et ton gros bétail, en quelque lieu que je fasse invoquer mon nom, je viendrai à toi pour te bénir. 21 Si toutefois tu m'ériges un autel de pierres, ne le construis pas en pierres de taille; car, en les touchant avec le fer, tu les as rendues profanes. 22 Tu ne dois pas non plus monter sur mon autel à l'aide de degrés, afin que ta nudité ne s'y découvre point.
Et voici les statuts que tu leur exposeras. 2 Si tu achètes un esclave hébreu, il restera six années esclave et à la septième il sera remis en liberté sans rançon. 3 S'il est venu seul, seul il sortira; s'il était marié, sa femme sortira avec lui. 4 Si son maître lui a donné une femme, laquelle lui ait enfanté des fils ou des filles, la femme, avec les enfants, appartiendra à son maître et lui se retirera seul. 5 Que si l'esclave dit: "J'aime mon maître, ma femme et mes enfants, je ne veux pas être affranchi", 6 son maître l'amènera par-devant le tribunal, on le placera près d'une porte ou d'un poteau; et son maître lui percera l'oreille avec un poinçon et il le servira indéfiniment.
Rashi
Et tu ne monteras pas par des degrés sur mon autel Quand tu construiras une rampe pour accéder à l’autel, tu ne la constitueras pas par des marches, en français médiéval : « eschelons », mais elle sera unie et en pente douce.
Afin que ne se découvre pas ta nudité Car des marches d’escalier t’obligeraient à allonger le pas. Il est vrai qu’il n’y aurait pas, dans ce cas, de véritable mise à nu puisqu’il est écrit : « Fais-leur des caleçons de lin pour couvrir la nudité de la chair » (infra 28, 42). Cependant, l’allongement des pas correspond presque à une mise à nu, et ce serait un manque de respect envers les pierres. On peut appliquer ici un raisonnement a fortiori : Si la Tora, à propos des pierres, objets inanimés insensibles à toute manifestation d’irrespect, recommande pourtant qu’on leur témoigne des égards à cause de leur utilité, à plus forte raison le devra-t-on envers son prochain, créé à l’image du Créateur, et sera-t-on attentif au respect qu’on lui doit.
Et celles-ci sont les ordonnances Partout où il est écrit : élè (« ceux-ci sont »), le texte implique une rupture avec ce qui précède. Et lorsqu’il est écrit : weélè (« et ceux-ci sont »), il implique un ajout à ce qui précède. De même que ce qui précède a été proclamé au Sinaï, de même « celles-ci » ont-elles été proclamées au Sinaï. Et pourquoi les lois civiles font-elles immédiatement suite à celles relatives à l’autel ? Pour te dire que tu devras installer le Sanhèdrin près du sanctuaire (Chemoth raba).
Que tu placeras devant eux Le Saint béni soit-Il a dit à Mochè : « Ne t’imagine pas qu’il puisse te suffire de leur enseigner un chapitre ou une loi deux ou trois fois jusqu’à ce qu’ils les connaissent dans leur mot à mot, sans devoir t’astreindre à leur en faire comprendre les raisons et la signification ! » Voilà pourquoi il est écrit : « que tu placeras devant eux », c’est-à-dire comme une table dressée, prête pour celui qui s’installe pour y manger ».
Et pourquoi poinçonne-t-on l’oreille et non une autre partie du corps ? Rabi Yo‘hanan ben Zakaï a enseigné : Cette même oreille a entendu au mont Sinaï : « Tu ne voleras pas ». Et pourtant il est allé voler. Qu’elle soit donc poinçonnée ! Et s’il s’est vendu lui-même, cette oreille a entendu au mont Sinaï : « Car c’est à moi que les fils d’Israël sont des serviteurs » (Wayiqra 25, 55). Et pourtant il est allé se donner un autre maître. Qu’elle soit donc poinçonnée ! (Qiddouchin 22b). Rabi Chim‘on interprétait ce verset de manière allégorique : En quoi la porte et le poteau sont-ils différents des autres parties de la maison ? Le Saint béni soit-Il a dit : « La porte et le poteau ont été témoins en Egypte lorsque je suis passé au-dessus du linteau et des deux poteaux et que j’ai dit : “Car c’est à moi que les fils d’Israël sont des serviteurs, ils sont mes serviteurs”, et non les serviteurs de serviteurs. Et pourtant il est allé se donner un autre maître. Qu’elle soit donc poinçonnée devant eux ! » (Mekhilta).
Itro
Or, tout le peuple fut témoin de ces tonnerres, de ces feux, de ce bruit de cor, de cette montagne fumante et le peuple à cette vue, trembla et se tint à distance. 15 Et ils dirent à Moïse: "Que ce soit toi qui nous parles et nous pourrons entendre mais que Dieu ne nous parle point, nous pourrions mourir."
Rashi
Vit les sons Il vit ce qui est normalement entendu, chose impossible ailleurs (Mekhilta).
Les sons Qui sortaient de la bouche du Tout-Puissant.
Deuteronome 15
Il peut arriver que l'esclave te dise: "Je ne veux point te quitter," attaché qu'il sera à toi et à ta maison, parce qu'il aura été heureux chez toi; 17 alors tu prendras un poinçon, tu en perceras son oreille contre la porte, et il restera ton esclave indéfiniment. Tu en useras de même pour ta servante.
Rashi
Et aussi à ta servante feras-tu ainsi Tu la gratifieras. J’aurais pu penser que le texte l’eût assimilée [à l’homme] en ce qui concerne le percement [de l’oreille]. Aussi est-il écrit : « Et si dire, le “serviteur” dit… » (Chemoth 21, 5) – on peut percer l’oreille du serviteur, pas celle de la servante.
Kouzari partie 4
Such are the visions which the prophet sees in one second. Thus fear and love come to him naturally, and remain in his heart for the whole of his life. He even yearns and longs to behold the vision again and again. Such a repetition was considered a great event for Solomon, in the words: 'The Lord who has appeared to him twice' (1 Kings xi. 9). Will a philosopher ever achieve the same result?
6. Al Khazari: That is impossible. Thinking is like narrating, but one cannot recount two things at the same time. Should this even be possible, no one who hears them, can absorb them simultaneously. The details of a country and of its inhabitants which it is possible to see in one hour would not find room in a large volume, whilst in one moment love or hatred of a country could enter my heart. If all this were read to me from a book it would not impress me so greatly, but would, on the contrary, confuse my mind, being mixed up with errors, fancies and previous impressions. And nothing would be completely clear.
Book of logic
Creating proofs for propositions :
Consider for exemple whether a barbarian can be taught knowledge. We will answer that he cannot be taught on the basis of non comparable terms. For a barbarian is essentially non comparable with a civilized human being.
The syllogism behind this proof is:
A civilized human being is someone who can be taught knowledge
A barbarian is not a civilized human being.
Therefore, a barbarian cannot be taught knowledge.
Talmud Hulin 14
AND DEFILES BY CARRYING. Is not this obvious? Since it is nebelah [it follows that] it defiles by carrying! Raba answered: This is the interpretation. This animal defiles by carrying, but there is another [similar] case where the animal even defiles [men and utensils that are] in the same tent.9 Which is that? It is the case of an animal slaughtered as a sacrifice to idols. This then is in accordance with the view held by R. Judah b. Bathyra.10 Some report this statement as follows: Raba answered: This is the interpretation. This animal defiles by carrying, and there is another case which is similar to this one in that the animal [there too] only defiles by carrying but does not defile [men and utensils that are] in the same tent. Which is that? It is the case of an animal slaughtered as a sacrifice to idols. This then is not in agreement with R. Judah b. Bathyra. For it has been taught: R. Judah b. Bathyra said: Whence do we know that sacrifices unto idols defile [men and utensils that are] in the same tent? From the verse: They joined themselves also unto Baal-Peor and ate the sacrifices of the dead11 as a dead body defiles [men and utensils that are] in the same tent so also do sacrifices unto idols.
Baba batra 78
MISHNAH. HE WHO SOLD AN ASS HAS [ALSO] SOLD20 [ITS] FOAL. HE WHO SOLD A COW HAS NOT SOLD ITS CALF [ALSO]. HE WHO SOLD A DUNGHILL HAS [ALSO] SOLD THE MANURE IN IT. HE WHO SOLD A CISTERN HAS [ALSO] SOLD ITS WATER. HE WHO SOLD A BEE-HIVE HAS [ALSO] SOLD THE BEES. HE WHO SOLD A DOVE-COTE HAS [ALSO] SOLD THE DOVES.
GEMARA. Of what case [does the first part of the Mishnah speak]? If [it is] that the [seller] said unto him, '[I sell you] it and its young', then even [in the case of the] cow and its young the same [law should apply].21 If, [however], he did not specify, 'it and its young', [then] even [in the case of the] ass also [the foal should] not [be included in the sale]? — R. Papa answered: [The Mishnah speaks of a case] where [the seller] said unto him, 'I sell you a milch-ass or a milch-cow'. [Consequently in the case of the] cow, it may properly be assumed [that the seller22 thought the buyer] would require the cow for the sake of its milk, but [in the case of an] ass, what could he have meant [by mentioning 'milch']?23 It must [therefore] be concluded that he [meant] to say, '[I sell you] it [the cow] and its calf'. Why is [the foal] called Sayyah?24 Because it follows gentle talk.25
Car Hesbon était devenue la ville de Sihôn, roi des Amorréens, celui-ci ayant fait la guerre au précédent roi de Moab, et lui ayant pris tout son territoire jusqu'à l'Arnon. 27 C'est à ce propos que les poètes disaient: "Venez à Hesbon! Cité de Sihôn, qu'elle se relève et s'affermisse! 28 Car un feu a jailli de Hesbon, une flamme, de la ville de Sihôn, qui a dévoré Ar-en-Moab, les maîtres des hauteurs d'Arnon. 29 C'est fait de toi. Moab! Tu es perdu, peuple de Camôs!... Ses fils, il les laisse mettre en fuite, ses filles, emmener captives, par un roi amorréen, par Sihôn! 30 Hesbon perdu, nous les avons poursuivis de nos traits jusqu'à Dibôn; nous avons dévasté jusqu'à Nôfah, même jusqu'à Mèdeba!..."
R. Samuel b. Nahman said in the name of R. Johanan:26 What is the meaning of the verse: Wherefore hamoshelim [they that speak in parables] say, etc.?27 — Hamoshelim,28 [means] those who rule their evil inclinations. Come Heshbon,29 [means,] come, let us consider the account of the world; the loss incurred by the fulfilment of a precept against the reward secured by its observance, and the gain gotten by a transgression against the loss it involves.30 Thou shalt be built and thou shalt be established31 — if thou dost so, thou shalt be built in this world and thou shalt be established in the world to come. 'Ayyar Sihon:32 if a man makes himself like a young ass that follows the gentle talk [of sin]; what comes next?33 For a fire goes out Meheshbon34 etc.: A fire will go out from those who calculate [the account of the world]35 and consume those who do not calculate.36 And a flame from the city of Sihon:37 From the city of the righteous who are called “siah” trees.38 It has devoured 'Ar Mo'ab:39 This refers to one who follows his evil inclination like a young ass40 that follows gentle talk.41 The high places of Arnon,42 refers to the arrogant; for it has been said: Whosoever is arrogant falls into Gehenna.43
Loth aussi, qui accompagnait Abram, avait du menu bétail, du gros bétail et ses tentes. 6 Le terrain ne put se prêter à ce qu’ils demeurassent ensemble; car leurs possessions étaient considérables, et ils ne pouvaient habiter ensemble. 7 Il s'éleva des différends entre les pasteurs des troupeaux d'Abram et les pasteurs des troupeaux de Loth ; le Cananéen et le Phérezéen occupaient alors le pays. 8 Abram dit à Loth: "Qu'il n'y ait donc point de querelles entre moi et toi, entre mes pasteurs et les tiens; car nous sommes frères. 9 Toute la contrée n'est elle pas devant toi? De grâce, sépare-toi de moi: si tu vas à gauche, j'irai à droite; si tu vas à droite, je prendrai la gauche." 10 Loth leva les yeux et considéra toute la plaine du Jourdain, tout entière arrosée, avant que l'Éternel eût détruit Sodome et Gommorhe; semblable à un jardin céleste, à la contrée d'Egypte, et s'étendant jusqu'à Çoar. 11 Loth choisit toute la plaine du Jourdain, et se dirigea du côté oriental; et ils se séparèrent l'un de l'autre. 12 Abram demeura dans le pays de Canaan; Loth s'établit dans les villes de la plaine et dressa ses tentes jusqu'à Sodome. 13 Or, les habitants de Sodome étaient pervers et pécheurs devant l'Éternel
Rashi
Il y eut querelle Parce que les bergers de Lot, des hommes impies, faisaient paître leurs bêtes dans les champs d’autrui, tandis que les bergers d’Avram leur reprochaient de commettre des vols. Les bergers de Lot objectaient : « Le pays a été donné à Avram, qui n’a pas d’héritier. Comme c’est Lot qui héritera de lui, ce n’est donc pas du vol ! » D’où la précision contenue dans le verset : « et le Kena‘ani et le Perizi habitaient alors dans le pays », et donc Avram n’y avait pas encore droit (Beréchith raba 41, 5).
Frères Proches parents. Le midrach indique que leurs visages se ressemblaient (Beréchith raba 41, 6).
Dans la direction de Tso‘ar Le midrach y voit comme une marque de réprobation envers Lot. C’est parce qu’ils étaient de mauvaises mœurs qu’il a choisi de s’établir dans leur voisinage (Horayoth 10b, Beréchith raba 41, 7).
Avodah zarah 65
Raba once sent a present to Bar-Sheshak5 on a heathen feast-day, saying, 'I know that he does not worship idols'; but on paying him a visit, he found him sitting up to his neck in a bath of rosewater while naked harlots were standing before him. [Bar-Sheshak] said to him, 'Have you [Israelites] anything like this in the World to Come?' He replied, 'We have much finer than this.' He asked, 'Is there anything finer than this?' [Raba] answered, 'There is upon you the fear of the ruling power,6 but for us there will be no fear of the ruling power.' He said to him, 'What fear have I, at any rate, of the ruling power!' While they were sitting together, the king's courser arrived with the message, 'Arise, the king requires your presence.' As he was about to depart [Bar-Sheshak] said to [Raba], 'May the eye burst that wishes to see evil of you!' To this Raba responded, 'Amen,' and Bar-Sheshak's eye burst. R. Papi said: [Raba] should have answered him by quoting the verse, Kings' daughters are for thine honour; at thy right hand doth stand the queen in gold of Ophir.7 R. Nahman b. Isaac said: [Raba] should have answered him by quoting the verse, No eye hath seen what God, and nobody but Thee, will work for him that waiteth for Him
Pesahim 112
Said he to him: ‘If you wish to be strangled, behanged on a large tree,
Yevamoth 63
Rab was constantly tormented by his wife. If he told her, 'Prepare me lentils', she would prepare him small peas; [and if he asked for] small peas, she prepared him lentils. When his son Hiyya grew up he gave her [his father's instruction] in the reverse order.44 'Your mother', Rab once remarked to him, 'has improved'!45 'It was I', the other replied, 'who reversed [your orders] to her'. 'This is what people say', the first said to him, 'Thine own offspring teaches thee reason';46 you, however, must not continue to do so' for it is said, They have taught their tongue to speak lies, they weary themselves etc'.47
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