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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Noah 5774

Dans ce cours nous parlons de la notion d'engagement dans le judaisme; comment l'engagement permet de retrouver une coherence entre les sentiments et l'intellect...


Les rapports sexuels existent-ils ?  Ou bien  « Spirit of Ecstasy » 


Il y a quelques semaines, le rav Mordehai Feinstein, le fils de rav David Feinstein, mariait sa fille. A cette occasion il a fait le commentaire suivant : “je ne comprends pas comment ma fille, qui a été jusqu’aujourd’hui, une gentille fille de Beth Yaacov, toujours souriante et accommodante, va devenir a partir d’aujourd’hui, une femme chiante qui se plaindra tous les jours de son mari et qui criera hystériquement sur ses enfants » fin de citation. (cette phrase fit écho dans ma tête a une autre phrase, entendue des années auparavant, celle d’une fiancée disant à ma femme, (je cite textuellement), « je vois que mes amies, depuis qu’elles se sont mariées, sont devenues chiantes, j’ai peur de devenir comme elles ». cette phrase faisant elle même écho à une autre phrase attribuée, à Françoise Dolto, qui aurait dit : « ah mon dieu ! Pourquoi les femmes juives sont elle si chiantes »).

Si vous êtes choqués par la réaction du père de la mariée vous le serez encore plus par la réponse du grand père, le rav David Feinstein a répondu à son fils : « je pense que chez les femmes, c’est l’expression de leur sexualité, la preuve en est, que, depuis que ta mère n’a plus d’appétit sexuel, elle a arrêté de me casser les pieds » (citation quasi textuelle).

Cette dernière phrase du Roch yeshivah me paraissait assez énigmatique, comment pouvait-il dire que chez les femmes le fait de se plaindre soit une expression de la sexualité ?

Comme je le fais à chaque fois que je me retrouve devant une énigme de ce genre, je suis allé demander une explication à ma femme, elle a simplement ajouté, « si c’est l’expression de la sexualité, c’est surement l’expression d’une frustration sexuelle » fin de citation.

Cette phrase de ma femme, me paraissait presque aussi étrange que celle du Roch yeshivah, en effet, si on prend cette phrase dans son sens littéral elle signifierait que les femmes sont frustrées par le mariage, puisqu’en ce mariant les femmes se retrouvent obligées à n’avoir qu’un seul partenaire sexuel, cette situation serait frustrante, et, pour évacuer leur frustration les femmes se comporteraient de manière agressive avec leur mari.

Cette explication me déplait par ce qu’elle implique que naturellement la sexualité féminine ne s’assouvit qu’à travers une multitude de partenaire, comme si la « partouze » serait l’expression normale de la sexualité chez la femme, et que la monogamie ne serait qu’une frustration créé par la société.

Or, pour des raisons évidentes, j’ai du mal à adhérer une telle hypothèse. Comme disait Flaubert, « La courtisane est un mythe. Jamais une femme n’a inventé la débauche. » Il faut donc interpréter la phrase de ma femme d’une manière différente.

Pour cela, partons justement de la phrase de Flaubert, lorsqu’il dit « jamais une femme n’a inventé une débauche », que veut il dire ?, veut il dire que la perversion sexuelle n’existe pas chez la femme de manière spontanée ? Cela parait discutable, les jeunes filles tirent un plaisir sexuel lorsqu’elles écrivent des lettres d’amour à leur petits amis, n’est ce pas la une perversion de la sexualité ? Pourquoi ne pourrait-on pas appeler cela une débauche ? J’ai personnellement connu une femme qui se masturbait en regardant les photos des charniers de la Shoa, (non, ce n’était pas marine le Pen). La perversion sexuelle existe spontanément chez la femme, comme chez l’homme.

Ce que Flaubert veut dire, c’est que spontanément la sexualité de la femme n’est pas charnelle, la débauche dont parle Flaubert, c’est la débauche du plaisir charnel. La « courtisane » n’invente jamais une débauche, elle ne fait que suivre le désir charnel de l’homme, la femme à besoin d’être initier au plaisir charnel par un homme ou par une autre femme. Sans initiation la sexualité de la femme reste éthérée, et diffuse désincarnée.

La femme a besoin d’être initiée pour se réapproprier son corps, elle n’a pas une conscience clair du désir de son corps avant une expérience initiatique.

Or, il y a lieu de se demander, quelle est la raison de ce phénomène, pourquoi la femme a-t-elle besoin d’une initiation pour retrouver son propre corps ?

La réponse à cette question est la suivante. Lorsque la femme se réapproprie son corps, cette réappropriation a un prix, ce prix c’est la conscience d’une certaine étrangeté au monde. En se réappropriant son corps et son désir, en prenant conscience de sa chair, l’homme prend du même coup conscience qu’il ne fait pas « un » avec l’univers. Il existe une sorte de contradiction entre le fait de sentir le désir de son corps et le fait d’être en harmonie avec son entourage.

La jeune fille, cherche à éviter cette prise de conscience, elle voudrait faire « un » avec le monde environnant, elle veut se sentir agrégée au monde pas en port à faux avec lui.

En se mariant ou en devenant sexuellement active, la femme attend de l’expérience sexuelle la découverte de son corps et de sa chair, une réappropriation d’elle même. Cependant elle ne s’attend pas à l’effet retour, entrainant mécaniquement, que plus elle va se réapproprier son corps, plus elle va se sentir étrangère au monde. Cette découverte est une frustration pour la femme. C’est cette frustration qu’elle exprime à travers un comportement agressif et pulsionnel contre son conjoint.

Dans la bible le peuple d’Israël est souvent comparée à une jeune fille mariée, comme la jeune fille, le peuple d’Israël sait qu’il ne peut prendre conscience de lui même et de son désir profond que par la fidélité à la torah, mais il ressent du même coups que, plus il devient fidele à la torah, plus il est séparé du reste du monde.

C’est ce qui explique le rapport conflictuel d’Israël avec la torah. Le juif sait qu’il ne peut être heureux qu’en accomplissant les décrets de la torah, mais il sait aussi que plus il est fidele à la torah plus il s’isole du monde extérieur, c’est pour cela qu’il est toujours tenté par l’idolâtrie et l’assimilation.

A travers la parasha de Noah nous allons essayer d’analyser le lien qui existe entre la fidélité à l’autre et la découverte de son corps et de soi même.

Dans la parasha on peut lire ce passage très énigmatique.

« Lamech prit deux femmes, la première nommée Ada, et la seconde Cilla. 20 Ada enfanta Jabal, souche de ceux qui habitent sous des tentes et conduisent des troupeaux. 21 Le nom de son frère était Jubal: celui ci fut la souche de ceux qui manient la harpe et la lyre. 22 Cilla, de son côté, enfanta Tubalcaïn, qui façonna toute sorte d'instruments de cuivre et de fer, et qui eut pour sœur Naama. 23 Lamech dit à ses femmes “Ada et Cilla, écoutez ma voix! Femmes de Lamech, prêtez l'oreille à ma parole! J'ai tué un homme parce qu'il m'avait frappé, Et un jeune homme à cause de ma blessure: 24 Si Caïn doit être vengé sept fois, Lamech le sera soixante-dix-sept fois. »

Il est difficile de comprendre le sens du dialogue entre Lamech et ses femmes. Rashi cite le midrash et donne l’explication suivante : « Deux femmes : Telles étaient les mœurs de la génération du déluge : l’une pour donner des enfants, et l’autre pour le plaisir. On faisait absorber à la seconde une potion destinée à la rendre stérile, on la parait comme une jeune épousée et on la nourrissait de mets succulents. Quant à la première, elle était humiliée et endeuillée comme une veuve. C’est ainsi qu’on peut interpréter le verset : « Il s’abat sur la femme stérile, qui n’a pas d’enfant, et il ne traite pas bien la veuve » (Iyov 24, 21), comme l’explique la hagada (Beréchith raba 23, 2). ‘Ada : C’est celle qui était destinée à donner des enfants, ainsi nommée parce qu’elle était méprisée et tenue à l’écart. ‘Ada signifie en araméen : « tenue à l’écart ».Tsila : C’est celle qui était destinée au plaisir, ainsi nommée parce qu’elle se tenait toujours à l’ombre (tsél) de son mari. Telles sont les explications de la hagada dans Beréchith raba (23, 2). Soixante-dix-sept fois : Rabi Tanh’ouma explique : C’est une manière de dire : « beaucoup de fois sept générations », [sans que cela veuille dire : « exactement soixante-dix-sept fois »]. Selon Beréchith raba (23, 4), Lamech n’a tué personne, et ses femmes se sont séparées de lui après la naissance de leurs enfants, car Dieu avait décrété qu’Il anéantirait la descendance de Qayin au bout de sept générations. Elles se sont dites : « A quoi bon mettre au monde des enfants puisqu’ils vont disparaître ? Demain viendra le déluge qui emportera tout ! » Il leur a opposé : « “J’ai tué un homme, est-ce par ma blessure ?” Est-ce moi qui ai tué Hèvel, qui était un homme par la taille, mais un enfant par l’âge, pour que ma descendance soit anéantie par cette faute ? Qayin, qui a tué, a obtenu un sursis de sept générations. Moi, qui n’ai pas tué, ne m’accordera-t-on pas, à plus forte raison, un sursis de beaucoup de fois sept générations ? » Ce raisonnement a fortiori est absurde, car le Saint béni soit-Il ne pourrait alors jamais faire payer sa dette à l’homme et Il ne tiendrait pas parole. »

Ce midrash cité par Rashi parait incohérent, puisque, selon le midrash la femme « Tsila » prenait des contraceptifs, pour ne pas tomber enceinte, alors que dans le texte Tsila a deux enfants. De plus par la suite les femmes de Lamech se séparent de lui, par ce qu’elles pensent que leurs enfants vont être détruit par le déluge, ceci aussi est incohérent, puisque justement, Tsila ne voulait pas avoir d’enfant, elle ne voulait qu’avoir du plaisir dans les rapports sexuels, alors, pourquoi chercherait elle à se séparer de son mari par peur du déluge ?

D’autre part le talmud dans Nida (13a) explique que la génération du déluge a été détruite justement par ce que les gens de cette génération ne voulaient pas avoir d’enfant, ils avaient vu que le monde allait durer 6000 ans, ils se sont dit si nous n’avons pas d’enfants, D sera obliger de nous faire vivre 6000 ans, c’est pour cela qu’ils se masturbaient continuellement sans procréer. Comment se fait-il, donc, que le midrash cité par Rashi décrit les gens du déluge comme étant préoccupé par le sort de leur descendance ?

Ailleurs, le talmud dit (Baba Metsia 44a) que les gens de la génération du déluge ont été détruit par ce qu’ils n’étaient pas fidele à la parole qu’ils donnaient. La Mishna dit « celui qui s’est vengé de la génération du déluge et de celle de la tour de Babel, il se vengera de celui qui n’honore pas sa parole ». Pourtant dans le texte de la torah il n’apparait nulle par que les gens de la génération du déluge étaient coupables de ne pas honorer leur parole.

Si on met bout à bout toutes ces pièces du puzzle, toutes ces questions, on peut dégager la conclusion suivante.

Lorsqu’un homme se marie à deux femmes, ont peut dire qu’il n’est marié à aucune des deux, en fait il ne fait que se masturber lorsqu’il a des rapports avec ces femmes, ces femmes sont des corps étrangers, des poupées gonflables. Ce n’est que grâce à la fidélité à un engagement que l’on est capable d’avoir une véritable relation avec l’autre. Lacan disait que le rapport sexuel n’existait pas, pour lui les partenaires sont centrés principalement sur leur plaisir propre, ils ne peuvent pas s’ouvrir à l’autre.

La torah vient nous dire que ceci est vrai lorsqu’un homme ou une femme ne sont pas fideles à leur parole, tant qu’il n’y a pas d’engagement de fidélité entre les partenaires, en effet le rapport sexuel n’existe pas, les partenaires restent enfermés dans une sorte de masturbation, où l’autre n’est qu’un objet. Ceci était le niveau de la génération du déluge.

Mais lorsqu’il y a un engagement de fidélité entre les partenaires, alors le rapport sexuel existe pour de bon.

Fondamentalement, les êtres humains sont interchangeables, rien ne ressemble plus à une femme qu’une autre femme, et rien ne ressemble plus à un homme qu’un autre homme. L’homme ou la femme deviennent uniques dans la mesure où ils le deviennent pour leur partenaire.

Par l’engagement et la fidélité l’homme ou la femme prennent conscience de la transcendance de leur existence. L’homme prend conscience de son unicité et de sa transcendance lorsqu’il s’engage envers une femme qu’il considère unique et irremplaçable, en s’engageant de cette manière, il prend conscience d’être lui même unique et irremplaçable.

L’homme ou la femme infidèle perdent irrémédiablement l’être qu’ils trompent, par ce qu’en étant infidèle il transforme l’autre en un objet interchangeable, et du même coup ils se perçoivent eux même comme un objet interchangeable.

La génération du déluge est accusée de masturbation par le talmud, non pas par ce qu’ils ne voulaient pas procréer, mais plutôt par ce qu’ils étaient infidèles. L’homme infidèle se masturbe même lorsqu’il a des rapports avec sa femme, puisqu’elle lui échappe, car elle n’est plus une altérité absolue.

De même, Lamech, en attribuant une fonction définie à ses femmes, montre de cette manière qu’il les considère comme des objets. Il en résulte qu’il ne fait que se masturber en ayant des rapports avec elles.

Tsila veut des enfants, son mari, n’est pour elle qu’un donateur de sperme, c’est pour cela que lorsqu’ elle sait que ses enfants vont mourir, elle arrête d’avoir des rapports avec lui. Cette femme considère son mari comme un objet, puisqu’elle est insensible a son désir, de ce fait, il y a fort a parier qu’elle considère ses enfants eux même comme des objets. Même si elle procrée, une telle femme en reste au stade de la masturbation.

C’est par la fidélité à l’autre et grâce a l’engagement pour l’autre que l’homme et la femme arrivent à se réapproprier réellement leur corps en prenant conscience de la transcendance de leur existence.

Le talmud dit que les hommes de la génération de la tour de Babel ont fauté comme ceux du déluge en étant infidèles à leur parole. Ceci peut paraitre étonnant, puisque la génération de la tour de Babel est décrite comme un exemple d’unité et de paix sociale. Les gens de cette génération voulaient rester uni et ne parler qu’une seule langue.

Pourtant, les paroles du talmud sont justes, car la volonté de se fondre dans une société universelle s’oppose a la volonté d’être fidele a un être humain déterminé et spécifique. La génération de Babel pensait que tous les hommes étaient interchangeables et équivalant, l’homme ne devait pas s’engager envers un autre homme, mais uniquement envers la société en général.

Pour la génération de la tour de Babel, le concept d’engagement fidèle envers une seule et unique personne n’existait pas. Or, c’est par l’engagement et la fidélité envers un individu spécifique et défini que l’homme devient unique et spécifique et irremplaçable.

Le midrash dit que lorsqu’une brique tombait de l’échafaudage de la tour, tout le monde pleurait, par ce que les briques étaient précieuses, par contre lorsqu’un homme tombait, personne ne pleurait, par ce que pour eux, tous les hommes étaient remplaçables. Les gens de la tour de Babel étaient engagés fidèlement à leur nation ou à leur ville mais ils ne l’étaient pas envers un autre être humain.

Le talmud dit que celui qui est orgueilleux est considéré comme s’il avait transgressé tous les interdits sexuels. Ce passage du talmud peut paraitre étonnant, car on ne voit pas le lien entre l’orgueil et les transgressions sexuelles.

Cependant on peut l’interpréter en disant que l’orgueilleux est en fait étranger à lui même, il s’échappe à lui même puisqu’il s’attribue des qualités ou des mérites qu’il ne possède pas, de même celui qui transgresse les interdits sexuel devient étranger à lui même, puisqu’en niant la spécificité de l’autre, il perd la conscience transcendante qu’il avait de son propre corps.

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