Cette semaine nous avons lu deux passages de la torah. Le premier passage parle de la loi du lépreux, le deuxième passage parle de la mitsvah de sanctifier le nouveau mois et de compter le mois de Nissan comme étant le premier mois de l’année. Dans ce cours je vais essayer d’établir un lien entre ces deux sujets.
La mitsvah de sanctifier le nouveau mois et de compter le mois de Nissan comme étant le premier mois de l’année est la première mitsvah donnée au juifs avant le don de la torah. Dans l’Exode la torah dit : « L'Éternel parla à Moïse et à Aaron, dans le pays d'Égypte, en ces termes: 2 "Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois; il sera pour vous le premier des mois de l'année. » et Rashi commente « Hachem dit à Moche et à Aaron Etant donné que Aaron avait travaillé durement, tout comme Moche, à l’accomplissement des miracles, Hachem lui rend ici hommage, au moment de proclamer la première de toutes les mitsvoth, en l’associant à Moche au moment où Il va l’annoncer. » L’accomplissement de cette mitsvah consiste à observer le renouveau de la lune. Deux témoins, au minimum, doivent observer le renouveau de la lune et ils doivent venir témoigner au grand tribunal de Jérusalem de ce qu’ils ont vu. Cette mitsvah est si importante qu’elle repousse même la sainteté du chabath. Même lorsque la lune pouvait être observée clairement de Jérusalem, les témoins pouvaient venir de toute la terre d’Israël à cheval pendant chabath pour témoigner du renouvellement de la lune.
Même le chabath, on faisait une grande fête à Jérusalem en l’honneur des témoins qui étaient venus témoigner du renouveau de la nouvelle lune. La Mishna raconte que plus de 40 000 juifs sont venus a Jérusalem témoigner de la nouvelle lune en transgressant le chabath, et les rabbins ont organisé une grande fête en leur honneur.
Pourtant les témoins n’étaient pas nécessaires à la sanctification du nouveau mois. Aujourd’hui nous proclamons « Roch hodesh » (le nouveau mois) sans que des témoins puissent venir à Jérusalem témoigner de la nouvelle lune. Ceci s’explique du fait que la torah permet aux sages de sanctifier le nouveau mois en se basant uniquement sur le calcul astronomique.
Les sages avaient même le droit de proclamer le nouveau mois en contredisant le calcul astronomique et l’observation des témoins. Les sages avaient le droit de proclamer le nouveau mois même si leur décision ne coïncidait pas avec la vérité objective du calendrier. Les rabbins ne voulaient pas que Yom Kippour tombe un vendredi, par ce que cela obligeait à préparer la nourriture du chabath le jeudi, et si les légumes étaient préparés le jeudi ils n’étaient plus aussi bons le jour du chabath, ce qui est dramatique. Alors, pour avoir des légumes plus frais le chabath, les rabbins décidaient de fausser le calendrier. Pour cela les rabbins pouvaient avoir recours à des moyens extrêmes.Le talmud dit (Roch Hachana 19b) « Rav Yehudah le prince a envoyé une lettre a rabbi Ami « sachez que toute sa vie rabbi Yohanan nous a enseigné « on terrorise des témoins pour sanctifier le nouveau mois en son temps, même si ils n’ont rien vu, on les harcelle jusqu'à ce qu’ils disent : « nous avons vu la nouvelle lune ».
Les rabbins prenaient au hasard deux personnes dans les rues de Jérusalem et ils les enfermaient dans une salle jusqu'à ce que les deux personnes disent « nous avons vu la nouvelle lune hier ! ». Le tribunal rabbinique forçait des juifs à dire un témoignage mensonger uniquement pour avoir des légumes plus frais le chabath !
On ne comprend donc pas pourquoi, dans un cas normal, le témoignage des témoins de la nouvelle lune était si important au point qu’on les incitait à transgresser le chabath.
Si le témoignage des témoins était facultatif et qu’il pouvait même être falsifié, pourquoi les sages encourageaient-ils les témoins à venir le jour du chabath ?
Dans la même veine, Le talmud dit que les sages avaient décidé depuis le prophète Ezra que le mois d’Adar (le mois qui tombe avant le mois de Nissan) et le mois d’Ellul (qui est avant Roch Hachana) auraient toujours 29 jours. Tous les juifs savaient donc exactement quel jour serait Roch Hodesh, Pessah et Soucoth plus d’un mois à l’ avance.
(Ce qui montre, si besoin est, que les deux jours de Yom tov de l’exil n’ont rien à voir avec le doute sur la date du calendrier, mais qu’ils ont une autre raison. -De toutes les manières à Chavouoth il n’y avait aucun doute possible puisque Chavouoth est toujours 50 jours après Pessah-)
Alors, pourquoi les témoins accomplissaient-ils une mitsvah en profanant le jour de chabath pour témoigner de la nouvelle lune dans ces deux mois ?
Le talmud pose cette question, mais sa réponse nécessite un éclaircissement. Le talmud Roch Hachana 19 dit : « Ils ont envoyé une lettre à Mar Oukvah : « le mois de Adar avant Nissan a toujours 29 jours.». Rav Nahman a objecté : la Mishna dit « pour deux mois les témoins profanent le chabath, pour Nissan et Tishri. Si le mois d’Adar a toujours 29 jours, pourquoi les témoins vont-ils profaner chabath ? Par ce que c’est une mitsvah de sanctifier le mois par la vue des témoins. »
Que veut dire le talmud ? Pourquoi y aurait-il une mitsvah de sanctifier le nouveau mois en se basant sur la vue des témoins ? Pourquoi cette mitsvah, qui n’est pas une nécessité, est elle plus importante que la sainteté du jour du chabath ?
Avant de répondre à cette question, je vais passer au deuxième texte de la torah que nous avons lu cette semaine, il s’agit de la parasha du lépreux.
La torah dit "S'il se forme sur la peau d'un homme une tumeur, ou une dartre ou une tache, pouvant dégénérer sur cette peau en affection lépreuse, il sera présenté à Aaron le pontife ou à quelqu'un des pontifes, ses fils. Le pontife examinera cette affection de la peau: si le poil qui s'y trouve est devenu blanc, et que la plaie paraisse plus profonde que la peau du corps, c'est une plaie de lèpre. Cela constaté, le pontife le déclarera impur.»
Dans le dernier verset cité, la thora nous dit que lépreux ne peut être déclarée lépreux que par le Cohen. Tant que le Cohen n’a pas décidé que le « malade » était lépreux, le lépreux n’était pas considéré lépreux. Comme disait Molière, « alav hachalom » : « on ne peut pas mourir sans l’ordonnance du médecin !»
Rashi le dit aussi : « Vers Aaron… Il s’agit d’une loi correspondant à la volonté pure du texte (guezérath hakathouv), selon laquelle une affection ne peut être déclarée pure ou impure que de la bouche d’un Cohen (Torah kohanim). »
Or, bien que la torah donne des indications très précises sur la définition d’une tache blanche qui rend lépreux, lorsqu’on lit la Mishna on se rend compte que le jugement du Cohen pouvait être très subjectif. La torah dit que « la couleur de la tache blanche devait être plus profonde que la couleur de la peau », pour rendre la personne atteinte impure.
Qu’est ce que cela veut dire, une tache blanche plus profonde que la couleur de la peau ? Quelle est la couleur de la peau dont la torah parle ? La Mishna dans le deuxième chapitre des lois de la lèpre rapporte plusieurs avis à ce sujet, ils sont tous très subjectifs, jugez en par vous-même. La Mishna dit : Une tache très blanche parait sur la peau d’un germanique peu blanche, alors qu’une tache un peu blanche parait très blanche sur la peau d’un africain. Rabi Ishmael dit : « les juifs, je suis leur pardon, ils sont comme des cyprès, leur complexion de peau est parfaite ils ne sont ni noir ni blanc, mais moyens ». Rabi Akivah dit « les peintres ont des couleurs avec les quelles ils font des tableaux d’hommes blancs ou noirs ou mixés, on demande à l’artiste d’apporter la couleur qu’il utilise pour peindre les mixés et on compare la tache par rapport a cette couleur ». Rabi Yehudah dit : « on regarde les taches de la manière la plus laxiste possible ».
Ce texte, qui date de 2000 ans, nous en apprend beaucoup sur la composition multiraciale des juifs de l’époque, puisque la Mishna recense parmi les juifs des germains et des africains.
Reprenons les différents avis de la Mishna.
Rabi Ishmael dit : « les juifs, je suis leur pardon, ils sont comme des cyprès, leur complexion de peau est parfaite ils ne sont ni noir ni blanc, mais moyens ».
Selon, rabbi Abraham ben David, un auteur du 11ème siècle, il faut expliquer les parole de rabbi Ishmael de la manière suivante : « seul celui qui pense avoir une complexion de peau parfaite peut être atteint de la lèpre, celui dont on pense que la peau est trop noire ou trop blanche, il n’est pas sujet a la lèpre, il ne peut jamais être déclaré impure, il est foncièrement pur ». Pour rabbi Ishmael seul celui qui se sent parfait et supérieur aux autres peut être lépreux, celui qui fait parti d’une minorité raciale est toujours pur.
Rabi Akivah dit « les peintres ont des couleurs avec les quelles ils font des tableaux d’hommes blancs ou noirs ou mixés, on demande à l’artiste d’apporter la couleur qu’il utilise pour peindre les mixés et on compare la tache par rapport a cette couleur ».
Rabi Akivah veut montrer l’ambigüité et l’impossibilité qu’il y a définir « la couleur de la peau parfaite » telle qu’elle est décrite dans la torah. Si il y a une peau parfaite seul un artiste peut la définir, or les artistes eux même ne sont pas unanimes à ce sujet. Pour rabbi Akivah le Cohen est entièrement libre de déclarer qu’il veut pur ou impur, la déclaration du Cohen est totalement arbitraire.
Rabi Yehudah dit : « on regarde les taches de la manière la plus laxiste possible ».
Pour rabbi Yehudah, si la torah nous parle d’une peau parfaite, elle ne peut le faire que pour aider l’homme a se sentir bien dans sa peau. La peau parfaite existe pour que le Cohen puisse dire au lépreux « tu n’est pas lépreux ! Si ta peau avait été plus blanche on ne verrait même pas la tache ! »
(Je ne peux pas m’empêcher de remarquer que ce texte date de plus de deux mille ans, date a laquelle les druides gaulois, les ancêtres supposés de Lepen, (et improbablement ceux de Sarkozy,) étaient encore occupés à couper du gui dans les forets et avaient à peine découvert l’alphabet.)
Quoi qu’il en soit, il apparait clairement de la Mishna que le jugement du Cohen était très subjectif et que la torah acceptait cette subjectivité. Pourquoi la torah donnait elle un tel pouvoir au Cohen pour designer le lépreux ?
Le lépreux était puni de la lèpre par ce qu’il avait volé ou par ce qu’il avait dit des propos de médisance. Quelqu’un vole ou cherche à rabaisser l’autre par ce qu’il veut monter socialement. Le lépreux devient lépreux par ce qu’il a donné trop d’importance au statut social. Le lépreux a cru que l’opinion des autres était plus importante que ses propres valeurs morales. La torah veut montrer au lépreux que le statut social ne définit pas la personne, c’est pour cela qu’elle le remet totalement au pouvoir du Cohen. C’est le Cohen qui va décider si le lépreux peut rester chez lui, ou s’il doit rester en quarantaine, le lépreux va comprendre « par l’absurde » que l’homme a une valeur intrinsèque qui dépasse le jugement de l’opinion publique. Le lépreux va comprendre que l’opinion publique et le statut social ne sont pas des valeurs absolues.
Grace à cette idée on peut comprendre la mitsvah de sanctifier le nouveau mois par le témoignage des témoins.
Si l’homme doit avoir ses propres valeurs, s’il doit se juger lui-même indépendamment de la société, j’aurais pu croire, qu’il n’a aucun devoir envers le tribunal central de Jérusalem. J’aurais pu croire que le tribunal institutionnel n’a pas de lien avec le divin. C’est pour cela que la torah nous apprend que chaque juif a le devoir d’essayer de faire coïncider la vérité juridique du tribunal central de Jérusalem avec la vérité cosmique objective.
C’est vrai que le tribunal peut se tromper !, c’est vrai que l’opinion publique peut être fausse !, mais le juif a le devoir d’essayer de la faire coïncider le plus possible la vérité juridique institutionnelle avec la vérité objective de l’observation.
Il y a donc un lien profond entre le texte du lépreux et celui du nouveau mois. Dans le passage du lépreux la torah nous apprend à prendre nos distances face à l’opinion publique et le statut social. Dans le passage du nouveau mois, la torah nous apprend notre devoir face à l’opinion publique.
La torah place ce devoir comme le premier commandement donné à Moshe. Pour la torah, c’est ce devoir qui constitue l’identité nationale.
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