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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vayeshev 5773

Joseph et Juda, l’image et le sensible

On peut envisager que tous les personnages bibliques représentent différents aspects de la personnalité de tout un chacun. Sous cet angle le rapport entre Joseph et Juda s’articule, entre deux aspects du rapport à l’identité. Juda étant l’homme du toucher et du ressenti, alors que Joseph et l’homme de l’image et de l’aspect. L’homme se perçoit lui-même comme une image et comme un « affect ». L’homme a conscience de lui-même comme étant un «aspect » et aussi comme étant un sujet ressentant des émotions ou des sensations « de l’intérieur ».

Ces deux aspects de la perception de soi ne coïncident pas, ce que l’on ressent n’est pas toujours visible et ce que l’on voit n’est pas toujours palpable. Lorsque l’homme se regarde dans un miroir, il voit l’image de son corps, mais, sauf si il a mal quelque part, il ne ressent pas son corps. 

Il y a donc un point aveugle entre la perception visuel et la perception sensible de soi même, et c’est à partir de ce point aveugle que l’homme éprouve la nécessité d’évoluer pour se prouver qu’il existe et qu’il est la synthèse de ces deux aspects.

1- L’esthétisme chez Joseph

Le midrash et la torah décrivent Joseph comme un homme narcissique qui aime regarder son image. 

Les versets disent « Voici l'histoire de la descendance de Jacob. Joseph, âgé de dix sept ans, menait paître les brebis avec ses frères. Passant son enfance avec les fils de Bila et ceux de Zilpa, épouses de son père, Joseph débitait sur le compte de ses autres frères des propos de médisances à leur père. » Rashi explique « Passant son enfance : Il agissait de manière enfantine, s’arrangeant les cheveux, se parant les yeux afin d’embellir son aspect (Beréchith Raba 84, 7). Plus tard on retrouve cette idée lorsque Joseph est esclave chez Putiphar « Du moment où il l'eut mis à la tête de sa maison et de toutes ses affaires, le Seigneur bénit la maison de l'Égyptien à cause de Joseph; et la bénédiction divine s'étendit sur tous ses biens, à la ville et aux champs. 6 Alors il abandonna tous ses intérêts aux mains de Joseph et il ne s'occupa plus avec lui de rien, sinon du pain qu'il mangeait. Or, Joseph était beau de taille et beau de visage. 7 Il arriva, après ces faits, que la femme de son maître jeta les yeux sur Joseph. » Et Rashi commente « Et Joseph était beau de taille : Lorsqu’il s’est vu le maître, il s’est mis à manger, à boire et à se soigner les cheveux. Le Saint béni soit-Il a alors dit : « Ton père est en deuil, et toi tu te soignes les cheveux ! Je vais lancer un « ours » à tes trousses ! » (Midrash Tanhouma 8). Et aussitôt : Il arriva, après ces faits, que la femme de son maître jeta les yeux sur Joseph. Elle lui dit: "Viens reposer près de moi." »

Dans ces passages il semble que Joseph est obsédé par sa propre image. On s’attendrait donc, qu’il soit un égoïste qui ne pense qu’à son intérêt propre, pourtant à chaque fois que l’on décrit le rapport narcissique de Joseph, le midrash montre aussi qu’il était totalement désintéressé et qu’il cherche avant tout l’intérêt des autres. Dans le verset où l’on nous parle de la jeunesse de Joseph on nous apprend qu’il la passait avec les enfants des esclaves. Rashi dit « Avec les fils de Bila (l’esclave) : Cela signifie qu’il fréquentait habituellement les fils de Bila, que ses frères tenaient en mépris ». Joseph n’avait rien à gagner à aider les esclaves, il aurait été plus facile pour lui d’assumer la hiérarchie établie par son père qui le plaçait au sommet de la pyramide du pouvoir. Si Joseph avait été égoïste, il ne se serait pas appliqué à aider les esclaves. Avec Putiphar on retrouve le même désintéressement chez Joseph, il refuse d’avoir des rapports avec sa femme, alors qu’il aurait eu tout à gagner en le faisant, il fait passer l’intérêt de son maitre avant le sien.

Il est heureux d’être un esclave chez Putiphar, il ne cherche pas à se libérer ou à devenir indépendant. (Lorsque Jacob, le père de Joseph, travaille chez Laban, il ne supporte pas sa condition d’employé, il veut se mettre à son compte, il le dit à Laban, Joseph par contre ne voit aucun problème à être un esclave.) Joseph se suffit de voir le succès qu’il apporte à son maitre pour sentir une satisfaction personnelle, il ne cherche pas son intérêt propre. Ce désintéressement semble contredire le narcissisme de Joseph et l’amour qu’il a de son propre reflet. 

Un troisième point remarquable, c’est que Joseph n’est pas conscient de l’impacte de son comportement sur les autres. Lorsqu’il est jeune il va raconter son rêve à ses frères, ce qui excite leur jalousie, on a l’impression que Joseph n’avait pas prévu cette réaction pourtant évidente. Lorsqu’il est chez Putiphar, Joseph ne cherche pas à contacter son père pour le rassurer sur son sort, comme le disait le Rashi précédemment cité, D lui fait la remarque « Lorsqu’il s’est vu le maître, il s’est mis à manger, à boire et à se soigner les cheveux. Le Saint béni soit-Il a alors dit : « Ton père est en deuil, et toi tu te soignes les cheveux », Joseph est insensible à la douleur de son père ou au sentiment de ses frères. 

Lorsqu’il est chez Putiphar, il excite sexuellement sa femme, car il fait excessivement attention à son aspect, mais lorsqu’elle est excédée et qu’elle lui demande d’avoir des rapports avec lui, il est surpris. Joseph ne se rendait pas compte de l’impacte de son comportement sur les autres, il vit dans une bulle.

Ces trois éléments de la personnalité de Joseph semblent être contradictoires. On s’attendrait à ce qu’un homme altruiste et désintéressé soit très conscient des sentiments des autres, alors que Joseph est désintéressé tout en étant complètement fermé à la sensibilité des autres. Il aurait été logique de penser qu’un homme inconscient de son entourage ne soit pas obsédé par son aspect, alors que Joseph reste obsédé par son aspect tout en étant aveugle à ce qui se passe autour de lui. Joseph était-il fou ? 

Non, Joseph est un esthète. Joseph est conscient de son entourage mais il n’est pas conscient de leur sensibilité, il vit dans le monde de l’image pas dans le monde du sensible ou du profit économique. Joseph a une image globale du monde tel qu’il est et tel qu’il devrait être. Il comprend ses propres imperfections et celles des autres, il ne les accepte pas, il essai de les corriger. Il explique à son père les défauts de ses frères, mais il n’a pas la démagogie nécessaire pour faire passer ses idées. Il comprend qu’il faut passer d’un état « A » à un état « B », il voit le future, mais il ne sait pas comment communiquer aux frères son enthousiasme pour ses idéaux. Il est contre l’esclavage, mais il fait passer son message d’une manière tellement maladroite, en racontant son rêve, qu’à la fin, il arrive à se faire haïr des esclaves qu’il voulait affranchir.

La perception visuelle est une superposition d’images arrêtées qui ne s’inscrivent pas dans la continuité d’un récit. Dans les rêves expliqués par Joseph les images se superposent sans former une histoire continue. Joseph n’est pas complètement étranger au monde, il le comprend avec le recul d’un observateur ou d’un photographe.

La torah nous raconte que Joseph arrive à convertir tous les égyptiens au judaïsme. En effet les versets disent « Tout le territoire égyptien étant affligé par la disette, le peuple demanda à grands cris, à Pharaon, du pain. Mais Pharaon répondit à tous les Égyptiens: "Allez à Joseph; ce qu'il vous dira, vous le ferez." 56 Comme la famine régnait sur toute la contrée, Joseph ouvrit tous les greniers et vendit du blé aux Égyptiens. ». Rashi commente « Tout le pays d’Égypte était affamé : Parce que les réserves qu’ils avaient accumulées, hormis celles réunies sous l’autorité de Joseph, s’étaient gâtées (Beréchith Raba 90). Ce qu’il vous dira vous le ferez : Joseph leur disait de se faire circoncire. Ils se présentaient alors devant Pharaon et lui disaient : « Voilà ce que nous a dit Joseph ! » Pharaon leur répondait : « Mais pourquoi n’avez-vous pas amassé des réserves de grain ? Il avait pourtant fait proclamer que des années de famine allaient venir ! » Ils lui disaient alors : « Nous avons effectivement accumulé des réserves, mais elles se sont gâtées ». D’où l’ordre de Pharaon : « S’il en est ainsi, “ce qu’il vous dira, vous le ferez” C’est lui qui a donné des ordres quant à la conservation du grain, et il s’est gâté ! Et s’il décrétait que nous devions mourir ? » (Beréchith Raba 91, 5). »

Le midrash raconte que tous les égyptiens se sont convertis au judaïsme par ce qu’il voulait survivre et par ce qu’il pensait que Joseph avait des pouvoirs surnaturels. Pourtant le fait que le grain des paysans égyptiens ait pourri n’avait rien de miraculeux, pour emmagasiner les grains il fallait des infrastructures colossales. La torah raconte que le but des pyramides était de justement de garder le grain, il fallait des murs excessivement épais pour protéger le blé de l’humidité et d’autres intempéries. Les paysans n’avaient pas les moyens de stocker le blé. Il était normal que leur grain pourrisse et qu’ils deviennent ensuite dépendant de pharaon. C’est pour cette raison que Joseph avait demandé à pharaon de stocker le blé dans des villes de stockage. (Les banques peuvent stocker l’argent c’est pour cela qu’elles ont le pouvoir aujourd’hui, le pouvoir économique appartient à celui qui peut stocker.)

Joseph exploite la faim et la crédulité des égyptiens pour les convertir au judaïsme. Pourtant le midrash ratifie cette conversion en disant « Joseph a donné la vie au égyptiens dans ce monde et dans le monde futur ». Comment comprendre que cette conversion soit considérée valable aux yeux du talmud ? Surtout si l’on sait que le talmud (Sotah) condamne la conversion des gens de Chehem par ce qu’ils s’étaient convertis uniquement dans le but de pouvoir se marier avec des juives, ou pour marier leurs filles avec des juifs. Pourquoi la conversion des égyptiens est-elle plus valable que celle des gens de Chehem ? Et comment Joseph se laisse-t-il attribuer des pouvoirs surnaturels, n’est-il pas en train de faire une idolâtrie de sa propre personne ?

Pour répondre à ces questions il faut définir avec plus de précision le rapport visuel de Joseph avec le monde. Joseph voit l’intervention divine à travers les actions de l’homme ou de la nature. Il dit a ses frères ce n’est pas vous qui m’avez vendu c’est D. Il dit à pharaon ce n’est pas moi qui interprète les rêve, c’est D. Il dit aussi à pharaon ce n’est pas toi qui rêve, c’est D. Les versets disent au sujet de Joseph «Le Seigneur fut avec Joseph, qui devint un homme qui réussit et fut admis dans la maison de son maître l'égyptien. Son maître vit que Dieu était avec lui; qu'il faisait prospérer toutes les œuvres de ses mains » dans le premier verset la réussite est attribuée Joseph alors que dans le deuxième verset elle est attribuée à D. La torah veut nous montrer que pour Joseph il n’y a pas de distinction claire entre ce qui est une intervention divine et ce qui est l’action de l’homme. Pour Joseph, D intervient à travers l’action humaine.

Cette « incarnation » de D dans l’homme et du surnaturel dans le naturel représentée par les rêves, est liée au rapport visuel que Joseph a avec le monde.

Pour peindre un tableau l’artiste doit situer un point de fuite qui se situe à l’extérieur du tableau. Toute harmonie picturale est fondée sur un point de fuite invisible qui organise le visible et qui lui donne sa cohérence. Le rapport visuel au monde introduit de facto le surnaturel et l’invisible dans le monde. C’est pour cela que, pour un juste du calibre de Joseph faire croire aux égyptiens qu’il possède des forces surnaturelles ce n’est pas une négation de D, c’est au contraire l’agrégation de D dans le monde réel. (Beaucoup de guide spirituel on suivit ce chemin qui parait tendancieux de prime abord.) 

L’artiste c’est celui qui lui imagine un point de fuite extérieur invisible et global pour organiser sa création picturale. Joseph est un artiste dans le sens ou il ressent l’invisible qu’il y a dans le visible, et c’est un saint par ce qu’il comprend que cet invisible c’est D.

2- Le sensible chez Juda

L’histoire de Joseph est entrecoupée de deux épisodes parlant de Juda. Le premier épisode étant celui de la vente de Joseph. Les frères veulent tuer Joseph, Juda lui veut le vendre, il veut en tirer un profit économique. Il apparait clairement que cet conscience du profit chez Juda est tout à fait antinomique au désintéressement de Joseph. 

Joseph se réjouit d’être un esclave, il est heureux de travailler pour un autre sans rien gagner, alors que Juda lui reste tout à fait conscient de son profit et de ce qu’il peut retirer de n’importe quelle situation. Il peut vendre son frère, verset dit « Juda dit à ses frères: "Quel profit, si nous tuons notre frère et si nous scellons sa mort? Venez, vendons-le ! ».

 D’autre part, cet épisode montre que Juda, contrairement a Joseph, arrive a fédérer ses frères autours de lui. Même les esclaves s’allient avec Juda pour vendre Joseph. En parlant d’argent, Juda prend ses frères par les sentiments et ils ne peuvent pas lui résister. Juda est démagogue il comprend comment il peut manipuler ses frères. Ici cette force est utilisée pour le mal, mais plus tard le roi David utilisera cette force pour rapprocher les enfants d’Israël vers le service de D. 

Joseph n’a pas l’intelligence des émotions, Juda est le maitre de cette science, il comprend ce que les hommes veulent du fond de leurs tripes. 

Un autre épisode de l’histoire de Juda est la mort de ses enfants Er et Onan. Ces enfants meurent par ce qu’ils pratiquent l’onanisme. La sensibilité tactile s’oppose à la perception visuelle par ce qu’elle est fondamentalement une rupture avec l’environnement. L’homme est le seul à sentir ce qu’il perçoit par le toucher, alors que par la vue l’homme s’intègre dans un environnement.

La vision est toujours inclusive, elle crée une interpénétration entre les objets et les choses vues. Une bouteille de vodka apparait différemment si ont la voit dans un la vitrine d’un bar ou bien sur le bureau de son boss. Lorsque l’on voit des amis dans une fêtes ont les perçoit différemment que lorsqu’on les rencontre dans un enterrement.

La perception tactile, par contre, reste fermée sur elle-même. Le seul moment ou la perception tactile constitue une ouverture sur l’extérieur c’est lors des rapports sexuels. C’est ce qui explique la tendance naturelle de l’homme à donner un aspect transcendantal à la sexualité. La sexualité transcende effectivement de la sensation tactile. L’onanisme c’est le refus de l’ouverture du rapport tactile vers l’autre. Le fait que Juda ait des rapports sexuels avec une prostituée dont la face est voilée, ramène à la même idée d’un rapport tactile qui s’oppose à une relation visuelle.

3- Le sensible et le visuel dans le judaïsme

Spontanément l’homme a tendance à envisager l’image comme une abstraction ou une ouverture vers le spirituel. Chez les grecs la forme est associée à l’esprit et à l’intellect, elle s’oppose à la matière. Le judaïsme semble vouloir s’opposer catégoriquement à ce rapport spontané à l’image. La torah recommande à plusieurs reprises de ne pas représenter D par des images. 

Les midrashim font un lien entre le veau d’or et Joseph, puisque dans les deux cas il est question d’envisager D sous l’angle du visuel. Or, il est évident que l’épisode du veau d’or est vécu comme une catastrophe.

Par contre, l’homme a une tendance naturelle à envisager le sensible comme une animalité dénuée de toute spiritualité. Pourtant, la torah nous demande d’élever le sensible vers l’abstraction et le spirituel. A chaque fois que l’on fait « une beraha », une bénédiction, avant de consommer un aliment, on associe une perception sensible au dévoilement d’une spiritualité divine. 

L’homme aurait tendance à se désapproprier de son image, en la considérant comme une abstraction, ou une fiction, il aurait également tendance à avoir un rapport possessif avec sa sensibilité tactile en la matérialisant.

La torah demande d’inverser ces tendances, elle demande à l’homme d’incarner son image, de la lier au réel, et de spiritualiser sa perception sensible.

4- Le pervers narcissique

Les frères de Joseph le haïssent par ce qu’ils ne peuvent pas vivre en dehors de la hiérarchie d’un système. Pour eux, les esclaves doivent rester des esclaves, la société doit continuer à fonctionner suivant ses règles, l’individu doit impérativement remplir sa fonction sociale. Les frères de Joseph sont des hommes post modernes qui nient le droit à l’individu de posséder une identité propre.

Les hommes post modernes ne sont pas inoffensifs, ce sont des pervers narcissiques.

Le pervers narcissique c’est celui qui n’arrive pas à se considérer comme un être humain, c’est celui qui se regarde dans une glace et qui ne voit rien. Il pense être uniquement une fonction sociale.

Or, le pervers narcissique a besoin de s’incarner en possédant les autres et en les manipulant et les écrasant. La société moderne est devenue une usine fabriquant des pervers narcissique à la chaine. L’homme post moderne qui voudrait ne pas exister et n’être qu’une molécule, n’est pas inoffensif. Il est une bactérie qui ne peut vivre qu’au dépend d’un homme ayant conscience de son identité. Les frères de Joseph ne peuvent pas le supporter, uniquement par ce que Joseph assume le fait d’avoir une identité. 

Si l’antisémitisme grandit dans le monde c’est uniquement par ce que les juifs assument le fait d’avoir une identité et qu’ils s’affirment en tant qu’être humains, les post moderne ne peuvent pas supporter une telle prise de conscience.

La torah nous explique que l’homme peut apprendre à prendre conscience de son identité en prenant conscience des contradictions qui animent ses perceptions sensorielles. C’est justement par ce que les perceptions d’un homme sont multiples et contradictoires, par ce qu’elles créent un vide et un manque d’unité, que l’homme peut réapprendre à exister en cherchant à rétablir une harmonie entre ces différentes perceptions. C’est en idéalisant la perception sensible du toucher et en incarnant la perception visuelle dans le réel que l’homme peut apprendre progressivement à comprendre ce qu’il est.

Question d’une élève :

En fait pour le chiour de Vayigach sur Joseph, j'avais deux questions que j'aurais aimé clarifier avec toi si j'avais été physiquement présente au chiour:

- d'abord celle du rapport de Joseph à son père et la question en général de savoir comment créer un chemin dans la fidélité au père et la fidélité à soi, comment Joseph gère cette tension, je sais que c'est tout l'objet du cours et peut-être n'ai-je pas été assez attentive, mais c'est une question que j'avais;

- la seconde question c'est celle de l'authenticité, tu avais l'air de présupposer que quelque chose comme l'authenticité existe en ce monde ou en tout cas peut être atteint, par certains et après un travail sur soi, mais est-ce vrai? Qu'est-ce que cela signifie, tahlès, d'être authentique? N'est-ce pas un nouveau leurre, une image idéalisée de soi que l'on se crée? Comment sortir de la prison des images et des projections (sur soi-même et sur les autres)?

Réponse du rav Aviges :

En ce qui concerne la fidélité au père et la fidélité a soi. 

L'histoire de Jacob et Isaac nous apprend que ce n'est pas en voulant imiter son père, ou en suivant les désirs de son père qu'on lui est le plus fidele. En fait, c'est lorsque Jacob et Joseph cherchent à se démarquer de leurs pères qu'ils découvrent qu'ils imitent inconsciemment le comportement de leurs pères, qu'ils découvrent le pere qui est en eux. Tout ce qui est arrivé à Jacob est arrivé à Joseph, mais c'est arrivé par ce que Joseph avait rêvé que son père se prosternait à lui, ce qui ne lui avait pas forcement fait très plaisir. 

Esaü devine les désirs de son père Isaac et les réalise et pourtant il est considéré comme exclu de l'héritage de son père. En fait, on peut dire que, de manière naturelle en se recherchant soi même on retrouve ses parents en soi. Il y a une sorte du mémoire du corps qui se transmet inconsciemment des parents aux enfants. Se chercher soi-même c'est chercher, sans le savoir, ce que l'on a hérité de ses parents.

En ce qui concerne l'identité c'est un thème central chez moi. Dans les deniers mail j'en ai beaucoup parlé. J’ai parlé du piège de l'image idéalisé de soi dans le mail sur la parasha de Toldot (12-13-12) sur le rire de Sarah, le mail sur Joseph que j'ai envoyé vendredi est la suite de ce mail sur Toldot. Il est aussi lié à ce que j'ai dit dans le cours sur l'homosexualité (Hayeh Sarah) où je parle de l'unification à construire à travers histoire entre la nature et la culture.

Si on met toutes les pièces du puzzle ensemble cela donne cela:

La construction d'une identité est bâtie sur la volonté de donner un prolongement et un sens et une unité à une histoire personnelle, familiale nationale et universelle, en se construisant l'homme cherche à donner un sens à son passé et à son futur.

La projection dans "une image de soi idéalisée à réaliser" est un piège qui nous enferme hors de nous, elle est pourtant spontanée dans la formation de l'identité s'identifier à une image C'est aliéner son identité au jugement du regard de l'autre. Son antidote se trouve dans le retour vers la perception spontanée du corps, qui nous replace constamment à un point zéro de notre développement à chaque fois que l'on reprend conscience de nos perceptions, on revit notre naissance. L’identité se forme à travers un balancement entre, une lecture de l'histoire, la volonté d'être un prolongement de cette l'histoire d'une part et d'autre part un retour constant vers l'état présent de son corps et de ses perceptions.

Nier sa construction identitaire revient à devenir un pervers narcissique, un parasite qui doit s'incarner à travers les autres en les manipulant ou en les détruisant.

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