Identité et image de soi.
Introduction
Sartres disait « l’enfer c’est les autres ». Pour lui, c’est le regard de l’autre qui nous attribue un rôle et une fonction déterminée, et, c’est ce rôle qui nous sclérose et qui nous empêche d’accéder à notre véritable « être », notre véritable essence.
Cette idée était acceptable au 20eme siècle, mais au 21eme siècle, ce ne sont plus les autres qui nous attribuent une image ou un rôle, c’est l’individu lui-même qui s’attribue une image, c’est l’individu lui-même qui cherche constamment à s’aliéner à un rôle, à une image, pour se saisir lui-même, et pour fuir l’anonymat universel de la société contemporaine.
A l’époque du narcissisme virtuel, l’enfer ce n’est plus les autres, c’est l’homme lui-même.
L’identité n’est plus vraiment attribuée par le milieu ambiant, elle est choisie par le sujet lui-même. Chaque individu est libre de se considérer juif ou non, orthodoxe, ou non, libéral ou non, français ou non, on peut même ajouter maintenant, homme ou non, femme ou non.
Or, ce choix est par essence schizophrénique. Car choisir une identité, c’est par essence s’exclure de cette même identité.
Prenons l’exemple de l’identification du sujet à son corps. Le sujet, pour se construire en tant que tel, a besoin de s’identifier à son corps ou à l’image de son corps. Dans cette démarche, le sujet cherche à prendre conscience de lui-même, comme n’étant pas fondu ou dissou dans l’universel environnant. Il sait qu’il a un corps, donc il sait qu’il n’est pas l’univers. Le sujet comprend qu’il n’est pas sa mère ni son fils, en prenant conscience de l’image de son corps. Il apprend qu’il a une conscience propre en s’identifiant a son corps. En prenant conscience de son corps, il comprend qu’il n’est pas fondu dans l’univers.
Cependant, cette prise de conscience est bi directionnelle, car au moment même où il comprend en regardant son selfie qu’il ne fait pas un avec l’univers, le sujet comprend aussi, qu’il n’est pas son corps, qu’il n’est pas vraiment son image, puisqu’il est aussi celui qui regarde l’image. Le sujet pense au moment où il se reconnait dans un miroir ou dans un portrait « Je suis celui qui regarde le selfie et pas le selfie lui-même ».
En s’identifiant a quelque chose, on développe au même moment, un sentiment d’étrangeté face à cette chose.
Lorsque l’identité était attribuée par un milieux extérieur donné, le sujet pouvait trouver un équilibre en entretenant ce rapport hystérique à l’identité. Il savait par exemple qu’il était juif, ou qu’il était un humain de sexe male, tout en sachant qu’il n’était pas vraiment juif et qu’il n’était pas vraiment, non plus, un être humain de sexe male. L’identité était attribuée par l’extérieur et il revenait au sujet de définir à quel point il était en phase avec cette attribution.
Dans la société du 20eme siècle le rapport à l’identité était gérable, puisque l’identité n’était pas le fruit d’un choix. L’identité dessinait les limites de la liberté tout en permettant son exercice.
Aujourd’hui la recherche identitaire est beaucoup plus vitale qu’au siècle dernier, puisque sans identité l’individu se dissout automatiquement dans l’anonymat de l’universel et cette dissolution n’est pas viable.
Mais, malheureusement cette recherche semble déboucher vers une impasse, une torture spirituelle, qui semble entrainer un extrémisme tribal de plus en plus létal (ou une stupidité absolue, peut-être moins dangereuse, mais encore plus déprimante.)
Le choix identitaire place l’individu dans une situation ingérable, puisque l’individu ne peut pas être à la foi celui qui choisit la loi et celui qui choisit de l’enfreindre.
La construction identitaire semble être le problème fondamental de la société moderne.
Regardons dans la parasha comment la torah envisage le rapport à l’identité.
La parasha commence avec les versets suivants
« Voici l'histoire de la descendance de Jacob. Joseph, âgé de dix-sept ans, menait paître les brebis avec ses frères. Passant son enfance avec les fils de Bilha et ceux de Zilpa, épouses de son père, Joseph débitait sur leur compte des médisances à leur père. Or Israël préférait Joseph à ses autres enfants parce qu'il était le fils de sa vieillesse ; et il lui avait fait une tunique à rayures. »
Je voudrais m’arrêter sur certaines parties du commentaire de Rashi
« . Quant au midrash (Beréchith Raba 84, 6), il explique que la Tora a entendu lier l’histoire de Ya‘aqov à celle de Yossef, et ce pour diverses raisons. En premier lieu, le seul but qu’avait Ya‘aqov, lorsqu’il a travaillé pour Lavan, était d’épouser Rachel, [la mère de Yossef, la naissance de ses autres enfants ne constituant qu’une conséquence de cette intention première]. En deuxième lieu, Yossef avait les mêmes traits de visage que Ya‘aqov. Enfin, tout ce qui est arrivé à Ya‘aqov est arrivé à Yossef : Le premier a été haï, le second aussi. Le frère du premier a voulu le tuer, les frères du second aussi. Et l’on trouve bien d’autres similarités dans Beréchith Raba (chap. 84
Passant son enfance Il agissait de manière enfantine, s’arrangeant les cheveux, se parant les yeux afin d’embellir son aspect (Beréchith Raba 84, 7).
Leurs médisances Tout ce qu’il voyait de mal chez ses frères, les fils de Léa, il le rapportait à son père : qu’ils mangeaient de la viande arrachée à des animaux vivants, qu’ils humiliaient les fils des servantes en les traitant de serviteurs, qu’ils étaient soupçonnés d’actes de débauche. Et c’est en liaison avec ces trois accusations qu’il a été puni : « Ils égorgèrent un chevreau » (verset 31), et ils ne l’ont pas mangé vivant. Pour avoir dénoncé ses frères parce qu’ils se traitaient de serviteurs, il a été lui-même vendu comme serviteur. Et pour avoir rapporté leur prétendue débauche, il est arrivé que « la femme de son seigneur leva ses yeux vers Yossef » (infra 39, 7).
Leurs médisances Le mot hébreu diba correspond au français médiéval « parlediz ». Tout ce qu’il pouvait dire de mal à leur sujet, il le disait.
Leurs médisances Le mot diba est à rapprocher de « il fait parler (dovév) les lèvres de ceux qui dorment » (Chir hachirim 7, 10).
Le fils de sa vieillesse (zeqounim) Il lui était né à l’époque de sa vieillesse. Autre explication : Il avait les mêmes traits de visage (ziv iqounin) que lui-même (ibid.).
Je tiens à m’arrêter sur deux points du commentaire de Rashi. Le premier, c’est que josef fait attention à son image, il passe son temps entre le coiffeur et les galeries Lafayette. Il est intéressant de noter que josef ne va jamais changer son rapport au corps. Lorsque josef arrive en Egypte, la femme de Putiphar le désire par ce que justement, il fait très attention à son aspect. Lorsque Jacob bénit son fils au moment de sa mort, il parle principalement de sa beauté physique, et surtout de la beauté de ses bracelets et de ses colliers. En vieillissant, Josef ne dira plus du mal de ses frères, mais il continuera à être une fashion victim.
Ce rapport a l’image est l’expression d’une recherche identitaire. C’est cette recherche qui reste l’axe centrale de la vie de josef, est-il juif ? est-il égyptien ? est-il un esclave ? est-il un maitre ? est-il un juste ou un sadique ? au cours de sa vie, josef joue tous ces différents rôles, par ce qu’il se cherche lui-même.
Il enferme ses frères en prisons, ensuite il les nourrit, il demande à tous les égyptiens de se circoncire, pourtant il affirme sa particularité d’hébreux en ne mangeant pas avec eux. Il dit qu’il aime son père pourtant, il passe plus de dix ans avant de chercher à rentrer en contact avec lui.
Josef est insaisissable par ce qu’il se cherche lui-même, l’importance qu’il accorde à son aspect exprime la nécessite de s’identifier comme étant un sujet déterminé, une image. Mais comme nous l’avons dit le rapport a l’image est double, plus on s’identifie à son image, plus on se rend compte qu’elle nous est étrangère.
A mon avis, le josef parle à l’homme contemporain, par ce qu’en arrivant en Egypte, il est plongé dans l’anonymat de la société égyptienne. C’est josef qui choisit d’être vertueux ou sadique, juif ou égyptien, D n’intervient jamais pour lui dire quoi faire, il n’est pas non plus guidé par les conseils de ses parents. Ces frères ne le reconnaissent pas, josef est caméléon, il est parfaitement libre de choisir ce a quoi il s’identifie. L’histoire de josef, c’est l’histoire de la recherche identitaire.
Un autre point intéressant dans le commentaire de Rashi c’est le rapprochement que le midrash fait entre Jacob et josef. Jacob et josef auraient le même visage, ils auraient la même destinée, pourtant au sujet de l’enfance de josef et celle de Jacob, la torah nous décrit deux tableaux complètement différents pour ne pas dire opposés.
Josef passe son temps à dire des propos de médisance sur ces frères, il fait attention a son aspect, il est le préféré de son père, alors que Jacob est décrit comme un homme inoffensif, qui ne sort pas de la maison d’étude, son père lui préfère son frère.
Josef plait à tout le monde, particulièrement aux femmes, il ne travaille jamais, partout où il va il réussit tout ce qu’il fait sans effort, tout le monde lui fait confiance.
Alors que Jacob doit travailler comme un fou pour acquérir son patrimoine. Il tombe amoureux de Rachel et elle se dérobe a lui en faisant passer sa sœur pour elle, ensuite il doit travailler sept ans pour se marier avec rachel. Même après le mariage rachel ne l’aime pas trop, elle troque une nuit avec son mari contre un bouquet de fleur.
Alors, que Josef réussit tout facilement, Jacob a besoin de travailler très dur pour tout ce qu’il a. tout le monde aime josef et cherche à l’aider, il n’y a que ses frères qui le détestent par jalousie, alors que Jacob antagonise les gens autour de lui, tout le monde le déteste et cherche à le détruire. (Ses femmes, son beau-père, son père, la population locale, et même ses enfants). Josef a la baraka, alors que Jacob a la poisse. A la fin de sa vie Jacob dit a pharaon que sa vie a été courte et mauvaise.
Pourtant le midrash nous dit que Jacob et josef avaient le même visage et la même destinée, comment se fait-il donc que l’histoire de leur vie soit tellement différente ?
Lorsque on regarde le texte de plus prêt il apparait que le point de basculement qui oppose la destinée de Jacob a celle de josef, c’est le rapport aux rêves. Jacob ne croit pas à ses rêves alors que josef croit aux rêves.
Dans la vision de l’échelle D promet à Jacob qu’il va l’aider et qu’il va revenir en paix, pourtant au réveil Jacob met en doute la promesse de D et il dit « si D m’aide alors je lui donnerais un dixième de tout ce que je gagne » lorsque Jacob rentre en Israël, D lui apparait en rêve pour lui assurer qu’il va le garder et qu’il va rentrer en paix, pourtant, là encore, Jacob met en doute la promesse de D et il commence à prier une prière presque désespérée.
A chaque fois, c’est le même schéma, Jacob veut mériter ce qu’il gagne, il ne veut pas concevoir qu’il va réussir uniquement par ce que D lui a promis de réussir. Il veut se battre et il veut travailler pour réussir.
Alors que josef, lui, croit en ses rêves, il ne fait rien pour les voir s’accomplir, il attend passivement que la destinée se réalise d’elle-même. A aucun instant il ne doute de la réalisation de ses rêves, il ne pense pas que la réalisation de ses rêves dépende de ces actions ou de ses mérites, la destinée doit s’accomplir quoi qu’il arrive. A un seul moment il agit pour hâter la réalisation de son rêve en demandant à un prisonnier de se souvenir de lui, et il est punit, puisque D lui ajoute deux ans de prison.
Cette différence entre Jacob et josef dans le rapport au rêve et a l’accomplissement de la destinée, est à mon avis liée a la différence qui existe entre Jacob et josef au niveau de la construction identitaire.
Josef, croit en un rêve, il s’identifie donc à un rôle qu’il doit jouer. Josef s’identifie à un rôle a une image, mais cette identification crée en même temps une étrangeté par rapport à elle. Josef est insaisissable pour ses frères, mais il reste insaisissable a lui-même. Il ne dit jamais ce qu’il pense vraiment. Lorsqu’il rencontre ses frères, il ne crève jamais l’abcès du traumatisme de la vente. Il dit simplement qu’il leur pardonne et qu’ils ont voulu faire le mal, mais D a transformé ce mal en bien. C’est tellement faux et impersonnel comme discours, qu’on croirait à un discours de hollande ou de Sarkozy.
On a du mal à aimer josef par ce que sa personnalité n’apparait jamais. Il se marie avec la femme que pharaon a choisie pour lui. Ce n’est même pas lui qui va bénir ses enfants, c’est son père. Il se décharge de son rôle paternel en attribuant ses enfants à son père. Josef c’est l’homme en fuite. Et paradoxalement, que c’est justement cette fuite de lui-même, qui lui assure son charme et son succès, n’étant rien, il est toujours parfaitement adapté au rôle qu’on lui attribue et aux personnes qu’il rencontre.
A l’oppose de josef, Jacob c’est l’homme qui cherche à se réapproprier son image. A travers l’effort et le travail, Jacob cherche à être lui-même, à ne pas être uniquement le dépositaire d’une destinée ou d’une bénédiction, Jacob veut faire « un » avec son identité.
C’est pour cette raison que contrairement à josef, Jacob est toujours très clair et très passionné et charnel lorsqu’il parle. Le discours de reproche que Jacob fait à la Lavan est totalement opposé a celui que josef fait à ses frères. Josef n’exprime pas la haine ou la rancune qu’il éprouve envers ses frères, il la garde au fond de lui. Par contre, Jacob dit à la Lavan tout ce qu’il a sur le cœur.
C’est pour cette raison que Jacob parait plus sympathique que josef au lecteur de la bible, mais c’est aussi pour cette raison que Jacob, se fait toujours manipulé et haïr par les autres.
La relation bidirectionnelle de la construction identitaire s’articule chez Jacob et josef autours de deux pôles différents.
Josef se reconnait dans une image, il se sent aussi étranger par rapport à elle. L’identité de josef s’articule autour de la dialectique, réalité - imagination. Josef ne sait jamais s’il est dans le monde de l’imaginaire, le monde du rêve, ou le monde du réel concret. Il fait des mises en scènes théâtrales lorsqu’il interagit avec ses frères, il est toujours à la frontière du rêve ou de la réalité.
Son image est rêvée, il se reconnait en son image par le rêve, et il s’en sépare lorsqu’il veut prendre conscience du réel. La construction identitaire de josef s’articule constamment à travers la question de savoir s’il est en train de rêver ou s’il est dans le monde réel. Or dans cette optique, ce qui fait la jonction entre le réel et l’imaginaire, c’est l’image du corps.
Jacob construit son identité autours d’un autre axe. Jacob rejette l’imaginaire. Après la vision de l’échelle il regrette d’avoir dormis et d’avoir rêvé, il se dit si j’avais su que cette endroit est saint, jamais je n’aurais dormi et jamais je n’aurais rêvé. L’effort et le travail sont les outils de la construction identitaire de Jacob.
Au départ, Jacob n’est motivé par rien, il faut que sa mère le pousse pour qu’il prenne les bénédictions d’Isaac. Ensuite il ne veut pas vraiment se marier, c’est son père et sa mère qui le force à se marier. Au fond Jacob n’a pas de rêve et il n’a pas d’ambition, il n’est inspiré par aucun rôle.
Pour se motiver, Jacob doit fournir des efforts. Si Jacob a aimé ses femmes, c’est par ce qu’il a dû travailler 14 ans pour les avoir. S’il va aimer son argent c’est par ce qu’il a dut travailler pendant sept ans nuit et jours pour le gagner. C’est la même chose avec ses enfants, il les aime par ce qu’il a souffert pour les avoir et les faire grandir. A travers les efforts, Jacob cherche la raison. L’effort lui donne une raison d’aimer ou d’espérer.
Le travail permet de construire une identité, par ce qu’après coup, on se dit que, vu les efforts que l’on a fournis, maintenant on ne peut plus laisser tomber la chose pour laquelle on s’est battu. Par les efforts on s‘identifie à la chose pour laquelle on s’est battu. L’effort est constitutif d’une création de soi qui rejette l’imaginaire et qui se base principalement sur la rationalité. La foi en l’effort rend notre vie logique et rationnelle.
L’amour de l’effort, c’est aussi quelque part une haine de soi. Jacob dit que sa vie a été courte et mauvaise. Si on cherche à justifier tout ce que l’on fait par l’effort ou la raison, on crée du même coup un étrangeté face à cette raison et cet effort, vu que toute identification fonctionne aussi par un mouvement de rejet de la chose à laquelle on s’identifie. Aimer l’effort et la raison revient à haïr une partie de soi dans laquelle on se reconnait comme paresseux et irrationnel.
A mon avis, si la torah nous montre ces deux modalité d’identification à travers les personnages de Jacob et josef, c’est par ce qu’elle pense que l’homme doit pouvoir croiser ces deux modalités de l’existence dans un mouvement alternatif. C’est comme si l’identification de Jacob engendrait celle de josef et celle de josef engendrait celle de Jacob.
Jacob cherchait à s’identifier à travers l’effort et la raison, en réaction, son fils, josef s’identifie à une image rêvée. Mais cette manière de s’identifier risque d’entrainer un désir de se retrouver soi-même à travers l’effort et ainsi de suite.
Il semble que les dialectiques imaginaire-réel et la dialectique raison- absurde s’articulent dans un balancement lui-même dialectique. C’est la raison qui crée le rêve et c’est le rêve qui crée la raison, tout ceci à travers la recherche identitaire.
La recherche identitaire peut être une source de progrès spirituelle, même à l’époque post modern, si elle s’articule dans cette dynamique.
Les documents
Voici l'histoire de la descendance de Jacob. Joseph, âgé de dix sept ans, menait paître les brebis avec ses frères. Passant son enfance avec les fils de Bilha et ceux de Zilpa, épouses de son père, Joseph débitait sur leur compte des médisances à leur père. Or Israël préférait Joseph à ses autres enfants parce qu'il était le fils de sa vieillesse; et il lui avait fait une tunique à rayures.
Rashi
Celles-ci sont les générations de Ya‘aqov Voici ce qu’il en est des descendants de Ya‘aqov, de leurs séjours, de leurs migrations, jusqu’à ce qu’ils arrivent à une installation définitive. Premier élément de leur histoire : Joseph avait dix-sept ans... A cause de cela, les circonstances les ont amenés à descendre en Egypte. Tel est le sens simple du texte, chaque mot étant enregistré à la place qui lui revient. Quant au midrach (Beréchith raba 84, 6), il explique que la Tora a entendu lier l’histoire de Ya‘aqov à celle de Yossef, et ce pour diverses raisons. En premier lieu, le seul but qu’avait Ya‘aqov, lorsqu’il a travaillé pour Lavan, était d’épouser Ra‘hel, [la mère de Yossef, la naissance de ses autres enfants ne constituant qu’une conséquence de cette intention première]. En deuxième lieu, Yossef avait les mêmes traits de visage que Ya‘aqov. Enfin, tout ce qui est arrivé à Ya‘aqov est arrivé à Yossef : Le premier a été haï, le second aussi. Le frère du premier a voulu le tuer, les frères du second aussi. Et l’on trouve bien d’autres similarités dans Beréchith raba (chap. 84). Autre explication du midrach sur « Ya‘aqov demeura » : Ya‘aqov aspirait à demeurer en paix, mais des tourments l’assailliront venant de Yossef. Les justes rêvent de vivre dans la tranquillité, mais le Saint béni soit-Il leur rétorque : « Pourquoi les justes ne se contentent-ils pas de ce qui leur est réservé dans le monde à venir, et veulent-ils aussi jouir de la paix dans ce monde-ci ? » (Beréchith raba 84, 3).
Passant son enfance Il agissait de manière enfantine, s’arrangeant les cheveux, se parant les yeux afin d’embellir son aspect (Beréchith raba 84, 7).
Leurs médisances Tout ce qu’il voyait de mal chez ses frères, les fils de Léa, il le rapportait à son père : qu’ils mangeaient de la viande arrachée à des animaux vivants, qu’ils humiliaient les fils des servantes en les traitant de serviteurs, qu’ils étaient soupçonnés d’actes de débauche. Et c’est en liaison avec ces trois accusations qu’il a été puni : « Ils égorgèrent un chevreau » (verset 31), et ils ne l’ont pas mangé vivant. Pour avoir dénoncé ses frères parce qu’ils se traitaient de serviteurs, il a été lui-même vendu comme serviteur. Et pour avoir rapporté leur prétendue débauche, il est arrivé que « la femme de son seigneur leva ses yeux vers Yossef » (infra 39, 7).
Leurs médisances Le mot hébreu diba correspond au français médiéval « parlediz ». Tout ce qu’il pouvait dire de mal à leur sujet, il le disait.
Leurs médisances Le mot diba est à rapprocher de « il fait parler (dovév) les lèvres de ceux qui dorment » (Chir hachirim 7, 10).
Le fils de sa vieillesse (zeqounim) Il lui était né à l’époque de sa vieillesse. Le Targoum Onqelos traduit par : « un fils intelligent ». Tout ce qu’il avait appris auprès de Chem et ‘Evèr, il le lui avait transmis (Beréchith raba 84, 8). Autre explication : Il avait les mêmes traits de visage (ziv iqounin) que lui-même (ibid.).
Les enfants ayant grandi, Ésaü devint un habile chasseur, un homme des champs, tandis que Jacob, homme inoffensif, vécut sous la tente
Rashi
Connaissant la chasse Sachant attraper et tromper son père par des paroles. Il demandait : « Père ! Comment prélève-t-on la dîme sur le sel et sur la paille ? », lui faisant ainsi croire qu’il observait minutieusement les mitswoth.
Un homme des champs A prendre au pied de la lettre : un oisif chassant à l’arc bêtes et oiseaux. Intègre Il ne connaissait rien de tout cela. Tel était son coeur, telle était sa parole [c’est-à-dire : il était totalement sincère]. Celui qui n’est pas habile à tromper autrui est appelé tam (« intègre »). Habitait les tentes La tente de Chem et celle de ‘Evèr.
Jacob s'emporta en plaintes contre Laban; il se récria, disant à Laban: "Quel est mon crime, quelle est ma faute, pour que tu t'acharnes après moi? 37 Après avoir fureté tout mon ménage, qu'as tu découvert qui appartienne à ta maison? Éxpose le ici, en présence de mes frères et des tiens et qu’ils se prononcent entre nous deux! 38 Ces vingt ans que j’ai été chez toi, tes brebis, ni tes chèvres n’ont avorté et les béliers de ton troupeau, je n’en ai point mangé. 39 La bête mise en pièces, je ne te l’ai point rapportée; c’est moi qui en souffrais le dommage, tu me la faisais payer, qu'elle eût été prise le jour, qu'elle eût été ravie la nuit. 40 J'étais, le jour, en proie au hâle et aux frimas la nuit; et le sommeil fuyait de mes yeux. 41 J'ai passé ainsi vingt années dans ta maison! Je t'ai servi quatorze ans pour tes deux filles et six ans pour ton menu bétail et tu as changé dix fois mon salaire. 42 Si le Dieu de mon père le Dieu d'Abraham et celui que révère Isaac ne m'était venu en aide, certes, actuellement tu m'aurais laissé partir les mains vides. Dieu a vu mon humiliation et le labeur de mes mains et il a prononcé hier."
Le Seigneur fut avec Joseph, qui devint un homme heureux et fut admis dans la maison de son maître l'égyptien. 3 Son maître vit que Dieu était avec lui; qu'il faisait prospérer toutes les oeuvres de ses mains, 4 et Joseph trouva faveur à ses yeux et il devint son serviteur; Putiphar le mit à la tête de sa maison et lui confia tout son avoir. 5 Du moment où il l'eut mis à la tête de sa maison et de toutes ses affaires, le Seigneur bénit la maison de l'Égyptien à cause de Joseph; et la bénédiction divine s'étendit sur tous ses biens, à la ville et aux champs. 6 Alors il abandonna tous ses intérêts aux mains de Joseph et il ne s'occupa plus avec lui de rien, sinon du pain qu'il mangeait. Or, Joseph était beau de taille et beau de visage. 7 Il arriva, après ces faits, que la femme de son maître jeta les yeux sur Joseph. Elle lui dit: "Viens reposer près de moi."
Le maître de Joseph le fit saisir; on l’enferma dans la Rotonde, endroit ou étaient détenus les prisonniers du roi; et il resta là dans la Rotonde. 21 Le Seigneur fut avec Joseph, lui attira de la bienveillance et le rendit agréable aux yeux du gouverneur de la Rotonde. 22 Ce gouverneur mit sous la main de Joseph tous les prisonniers de la Rotonde; et tout ce qu'on y faisait, c'était lui qui le dirigeait. 23 Le gouverneur de la Rotonde ne vérifiait rien de ce qui passait par sa main, parce que le Seigneur était avec lui; et ce qu'il entreprenait, le Seigneur le faisait réussir.
Il eut un songe que voici: Une échelle était dressée sur la terre, son sommet atteignait le ciel et des messagers divins montaient et descendaient le long de cette échelle. 13 Puis, l'Éternel apparaissait au sommet et disait: "Je suis l'Éternel, le Dieu d'Abraham ton père et d'Isaac; cette terre sur laquelle tu reposes, je te la donne à toi et à ta postérité. 14 Elle sera, ta postérité, comme la poussière de la terre; et tu déborderas au couchant et au levant, au nord et au midi; et toutes les familles de la terre seront heureuses par toi et par ta postérité. 15 Oui, je suis avec toi; je veillerai sur chacun de tes pas et je te ramènerai dans cette contrée, car je ne veux point t'abandonner avant d'avoir accompli ce que je t'ai promis." 16 Jacob, s'étant réveillé, s'écria: "Assurément, l'Éternel est présent en ce lieu et moi je l'ignorais." 17 Et, saisi de crainte, il ajouta: "Que ce lieu est redoutable! ceci n'est autre que la maison du Seigneur et c'est ici la porte du ciel." 18 Jacob se leva de grand matin; il prit la pierre qu'il avait mise sous sa tête, l'érigea en monument et répandit de l'huile à son faite. 19 Il appela cet endroit Béthel; mais Louz était d'abord le nom de la ville. 20 Jacob prononça un voeu en ces termes: "Si le Seigneur est avec moi, s'il me protège dans la voie où je marche, s'il me donne du pain à manger et des vêtements pour me couvrir; 21 si je retourne en paix à la maison paternelle, alors le Seigneur aura été un Dieu pour moi 22 et cette pierre que je viens d'ériger en monument deviendra la maison du Seigneur et tous les biens que tu m'accorderas, je veux t'en offrir la dîme."
Et l'Éternel dit à Jacob: "Retourne au pays de tes pères, dans ton lieu natal; je serai avec toi »
Jacob fut fort effrayé et plein d'anxiété. II distribua son monde, le menu, le gros bétail et les chameaux en deux bandes, 9 se disant: "Si Ésaü attaque l'une des bandes et la met en pièces, la bande restante deviendra une ressource." 10 Puis Jacob dit "O Divinité de mon père Abraham, Divinité d'Isaac mon père! Éternel, toi qui m'as dit: ‘Retourne à ton pays et à ton lieu natal, je te comblerai;’ 11 je suis peu digne de toutes les faveurs et de toute la fidélité que tu as témoignées à ton serviteur, moi qui, avec mon bâton, avais passé ce Jourdain et qui à présent possède deux légions. 12 Sauve moi, de grâce, de la main de mon frère, de la main d'Ésaü; car je crains qu'il ne m'attaque et ne me frappe, joignant la mère aux enfants! 13 Pourtant, tu as dit: ‘Je te comblerai de faveurs et j'égalerai ta descendance au sable de la mer, dont la quantité est incalculable.’
Cet homme s'enrichit prodigieusement; il acquit du menu bétail en quantité, des esclaves mâles et femelles, des chameaux et des ânes.
Un bétail nombreux Plus prolifique que le reste du bétail.
Et des servantes, et des serviteurs Acquis en vendant son bétail à bon prix.
Jacob envoya des messagers en avant, vers Ésaü son frère, au pays de Séir, dans la campagne d'Édom. 5 Il leur avait donné cet ordre: "Vous parlerez ainsi à mon seigneur, à Ésaü: ‘Ainsi parle ton serviteur Jacob: 6 J'ai séjourné chez Laban et prolongé mon séjour jusqu'à présent. J'ai acquis boeufs et ânes, menu bétail, esclaves mâles et femelles; je l'envoie annoncer à mon seigneur, pour obtenir faveur à ses yeux.’ "
Rashi
J’ai séjourné Je n’y suis devenu ni un prince ni un notable, mais j’y suis resté un étranger, [le mot garti, (« j’ai séjourné ») étant de la même racine que guér (« étranger »)]. Tu n’as plus aucune raison, par conséquent, de me haïr à cause de la bénédiction que m’a donnée ton père : « sois un chef pour tes frères » (supra 27, 29), car elle ne s’est pas réalisée (Midrach tan‘houma Wayichla‘h 5)
Joseph reconnut bien ses frères, mais eux ne le reconnurent point.
Rashi
Yossef reconnut Lorsqu’il les avait quittés, ils portaient la barbe (Ketouvoth 27b, Beréchith raba 91, 7).
Et eux ne le reconnurent pas Ils les avait quittés imberbe, et à présent il portait la barbe. Explication du midrach (Beréchith raba 91, 7)
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