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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vayikra 5769


1- Le double don de la torah celui du Sinaï et celui du temple

Au début de la parasha la torah nous dit que D appelle Moshé pour lui parler. Cet appel émanait d’une voix qui sortait d’entre les chérubins. Selon le midrash cet appel de D était un signe d’amour et d’affection de D pour Moshé. Lorsque D donne la torah à Moshé dans la tente d’assignation, Moshé est le seul à pouvoir percevoir l’appel. De plus D donnait à Moshé du temps entre chaque appel pour lui permettre de méditer un par un ses enseignements.

Cet enseignement donné à Moshé par D dans le Mishkan (le temple portatif) s’oppose dans sa forme radicalement au don de la torah fait à Moshé au mont Sinaï. Au mont Sinaï Moshé ne peut pas manger pendant 40 jours, car la voix parle sans interruption. La torah est donnée par D comme par une voix qui se parle à elle même (Maharal, Pirkei Avoth). Moshé est incapable d’intégrer la torah donné au Sinaï, il étudie et il oublie tout ce qu’il étudie. D n’utilise aucune pédagogie pour enseigner la torah au mont Sinaï. Ce n’est que le 40ème jour que Moshé devient capable d’intégrer l’enseignement de D, de manière miraculeuse. (Talmud Nedarim 38).

Le talmud dans Sotah 66 dit que toute la torah a été donne dans son intégralité au mont Sinaï, puis elle a été redonnée une deuxième fois dans son intégralité dans le Mishkan (le temple portatif). Les messages du Sinaï et du Mishkan étaient identiques dans leurs contenus alors, pourquoi fallait-il deux dons de la torah? Pourquoi fallait-il un don adressé à la personne, celui de Vayikra “de l’appel”, et un don qui ne soit adressé à personne?

2- La torah du Sinaï ne nous a pas été transmise

La Mishna dans Pirkei Avoth dit “Moshé a reçu la torah du Sinaï et il l’a donne à Josué”. On peut déduire de cette Mishna que le seul juif qui a été capable de recevoir la transmission de la torah par le Sinaï, c’est Josué, les autres juifs n’ont reçu que la torah de “l’appel”, la torah de Vaykra qui était adressée personnellement à Moshé, ils n’ont pas reçu la torah absolue et objective du Sinaï. (Maharal commentaire sur Avoth)

Josué est le seul juif qui n’a pas participé à la faute du veau d’or, il est resté au niveau du premier don de la torah. Les autres juifs ne reçoivent la torah que du face à face qu’il y a entre les chérubins, qui symbolisent le face à face de D avec Israël.

Avant la faute les juifs voulaient recevoir la torah uniquement par ce que la torah était un message de D. L’acceptation de la torah était totalement désintéressée. Ils ne cherchaient rien dans la torah, les juifs n’avaient pas de problème à résoudre par la torah. La torah n’était pas vue comme un moyen d’arriver à un épanouissement en tant qu’être humain ou en tant que nation. C’est pour cela que le dévoilement de la torah au Sinaï c’est fait de manière objective, et universelle.

3- Après la faute la torah devient un moyen et ce n’est plus un but

Apres la faute du veau d’or, les juifs cherchent à faire techouvah grâce à la torah. Les juifs ont acquis une subjectivité à travers laquelle ils vont lire la torah. Les juifs reçoivent la torah comme un message qui leur est adressé personnellement, ils cherchent quelque chose dans la torah. Apres la faute la torah n’est plus un but, elle devient un moyen, c’est un moyen de se rapprocher de D ou un moyen de devenir un juste, ou d’être heureux. C’est le sens de la voix qui parle “d’entre les chérubins”, c’est à partir de ce rapport à D, représenté par les chérubins, de cette recherche de soi même ou de D, que l’on entend le message de la torah comme un appel.

Bien que toute la torah a été donnée au mont Sinaï et qu’elle a été donnée à nouveau dans son intégralité par “l’appel”, certaines mitswoth sont mentionnées dans notre version du pentateuque comme provenant de “l’appel” et d’autre mitswoth sont mentionnées dans la torah comme venant du Sinaï. Le maharal interprète ce fait (au début de la parasha de Mishpatim) en disant que les mitswoth que le pentateuque mentionne comme venant de l’appel, sont les mitswoth dont l’essence est liée à l’appel lui même, parallèlement les mitswoth mentionnées comme provenant du Sinaï sont le signe de l’essence même du don du Sinaï.

Par exemple, les lois du droit juridique et pénal sont mentionnées comme provenant du Sinaï, puisqu’elles sont des impositions objectives. A l’inverse les lois de l’appel sont principalement les lois des sacrifices. Car lorsque l’homme se sent appelé par la torah c’est en général par ce qu’il doit faire le sacrifice d’une partie de lui même. De ce point de vu la torah comme appel serait un niveau nécessaire pour établir un contacte avec D. Mais c’est aussi un niveau qui nécessiterait d’être dépassé, puisque le sacrifice de soi est vu comme d’une manière négative par la torah.

4- L’appel de D c’est un sacrifice d’une partie de soi

Dans le ligotage d’Isaac, D demande à Avraham de sacrifier Isaac, c’est par la demande du sacrifice de son fils que D appelle Avraham et se révèle à lui. Mais par la suite le sacrifice n’a pas lieu, au contraire D donne des bénédictions à la descendance d’Avraham qui va devenir puissante et nombreuse. Dans l’épisode du ligotage d’Isaac, Abraham passe du lien de D par l’appel, où l’homme est prêt à sacrifier une partie de lui pour se rapprocher de D (ou pour un intérêt quelconque), à un rapport de face à face avec D, qui est symbolisé par les chérubins, où la nation d’Israël acquiert une autonomie face à D.

5- Les noms de D liés à l’existence

Dans le livre de l’Exode lors de la révélation de D à Moshé à travers le buisson ardent il y a un passage très énigmatique.

Moshé demande à D: “lorsque les juifs vont me demander le nom de D que vais-je dire?” Et D répond “tu leur diras “Ehyek asher Ehyek”, (je serai celui qui sera”), ensuite le verset continue en disant “D dit à Moshé ainsi tu parleras aux enfants d’Israël, celui qui sera s’est dévoilé a moi.” Ensuite Moshé parle aux juifs et il n’utilise pas les noms (Ehyek) que D lui a demandé d’utiliser, Moshé utilise le tétragramme en disant “le D d’Avraham d’Isaac et Jacob s’est révélé à moi etc.”

Il y a trois questions évidentes sur ce passage de la torah. Premièrement, pourquoi au début D dit qu’il s’appelle “je serai celui qui sera” et ensuite il dit simplement de l’appeler” celui qui sera”?

Deuxième question, pourquoi Moshé n’a pas utilisé les noms que D lui a donné, pourquoi utilise-t- il le tétragramme et l’héritage des patriarches?

Troisièmement, si Moshé était contient que les juifs avaient gardé la tradition d’un D unique, et qu’ils connaissaient le tétragramme, alors pourquoi demande-t- il à D quel nom utiliser pour le présenter?

Rashi répond a la première question (en citant le Midrash et) en disant que le mot “je serai” signifie que D veut dire aux juifs: “je serai avec vous dans ce malheur pour vous sauver, et je serai avec vous dans d’autres malheurs futur pour vous sauver”. Moshé a répondu à D: “pourquoi mentionner aux juifs les malheurs futur!, ils sont déjà assez tristes comme cela”, alors D a dit à Moshé: “tu as raison, dis leur simplement “je serai avec vous dans ce malheur”.

Dans son commentaire sur Rashi le Maharal explique ce Midrash de la manière suivante. La différence qu’il y a entre l’appellation de D “Ehyek” “je serai” et le tétragramme, c’est que le nom “Ehyek” est une forme conjuguée de l’existence, c’est l’existence de D qui s’adresse à quelqu’un. C’est le sens du midrash qui interprète le nom “Ehyek”, comme disant “je serai avec vous”. Le nom “Ehyek” voudrait dire je serai pour vous.

Le maharal explique que c’est ce nom de “Ehyek” qui exprime le fait que D se révèle par des miracles dévoilés pour sortir les juifs d’Egypte. En se révélant de manière manifeste aux juifs, D a adressé son existence aux juifs.

6- L’appel de D est une douleur pour l’homme

Cependant cette révélation par des miracles que D adresse à l’individu est aussi une souffrance pour l’homme. La révélation de D est une souffrance pour le juif par ce que cette révélation “le sacrifie” d’une certaine manière. C’est le sens du verset des psaumes “je suis avec lui dans la douleur”. Cette douleur qu’il y a dans la révélation miraculeuse de D à l’homme, s’illustre bien dans la faute du veau d’or qui suit le don de la torah. Les juifs se sont révoltés contre D par le veau d’or, par ce qu’ils étaient écrasés par la manifestation suffocante de la présence de D.

C’est pour cela que ce type de rapport à D, ce rapport de “l’appel” ne peut être qu’un rapport épisodique, l’homme ne peut pas supporter un dialogue avec D de manière constante, il est donc condamne à rechuter, c’est ce que D dit à Moshé “je serai celui qui sera”, les juifs sont au plus bas maintenant, je vais les sauver en me dévoilant a eux, et en les appelant à moi par une révélation miraculeuse, mais ils vont rechuter, car l’homme ne peut soutenir constamment un dialogue avec D, et je les sauverai à nouveau par des miracles, et il rechuterons et ainsi de suite.

Ce que D voulait dire à Moshé, c’est que la rédemption par les miracles de l’Egypte ce n’est pas la vrai rédemption. La véritable rédemption c’est la rédemption par le tétragramme. Le tétragramme symbolise l’existence non conjuguée de D, c’est l’existence de D qui se révèle à travers le respect des lois de la nature. C’est à travers le rapport au tétragramme que les juifs acquirent une autonomie face à D lui même.

Cependant pour avoir un rapport avec le tétragramme, les juifs doivent devenir une nation indépendante dans une terre qui leur appartient. C’est par l’indépendance nationale que les juifs peuvent avoir un rapport d’indépendance face à D dit le Maharal, c’est pour cela qu’il n’était pas suffisant de libérer les juifs de l’esclavage en les laissant en Egypte, il fallait apporter les juifs dans la terre d’Israël pour qu’ils deviennent une nation indépendante.

Le Maharal dit que la libération que nous célébrons à Pessah ce n’est pas la libération de l’oppression des égyptiens, l’oppression des égyptiens ce n’est qu’un point de détail de l’histoire!, puisque la Haggadah dit que dans chaque génération les non juifs veulent nous détruire et miraculeusement dans chaque génération, D nous sauve de l’extermination. Il n’y a rien à célébrer spécialement à pessah de ce point de vue la, ce n’est pas un grand miracle pour D de sauver les juifs de la main d’un homme!

7- L’homme doit se libérer de D pour devenir indépendant de lui

La véritable libération de Pessah, c’est le fait que les juifs se sont libérés de D lui-même. La libération de pessah c’est le fait que D a créé une nation, et qu’en tant que nation le peuple d’Israël est considéré comme l’égale de D lui-même, comme son alter ego. C’est ça le miracle de Pessah.

La libération de Pessah c’est passer du rapport à D qui passait par l’appel, le message adressé et le sacrifice de soi, à un rapport où on fait face à D. Dans ce rapport on envisage sa propre indépendance comme le miroir de l’indépendance de D face à nous.

8- La nation d’Israël est l’égale de D lui-même

Comment le peuple d’Israël en tant que nation indépendante peut devenir l’égale de D lui-même?

Ici je veux proposer une vision non sioniste de la nation d’Israël sur la terre d’Israël.

(Je veux dire qu’après la shoah et le national socialisme nazi, et après le totalitarisme communisme, on ne peut plus penser qu’une organisation étatique quelle qu’elle soit puisse être une révélation de D lui même. Je veux dire qu’après le nazisme on ne peut plus être sioniste religieux à la manière de Rav Kook Zal.)

Rav Moshé Feinstein dans ses responsa explique le mécanisme par lequel la nation d’Israël peut exister indépendamment de D lui même. Il explique tout d’abord que l’idée du monothéisme devrait apporter des scissions dans le peuple. En effet, l’individu ne peut avoir qu’un rapport relatif au divin. Chacun voit D différemment, pour le Rav Feinstein c’est ce rapport relatif à chacun qu’exprime le rapport au nom “Ehyek”, c’est le rapport de D adressé à chaque individu de manière différenciée.

Or, si chacun a une vision différente de l’absolue, chacun va avoir une vision différente de la torah, la nation ne peut donc pas rester unie si on garde la torah et que l’on donne à chacun la possibilité de l’interpréter à sa manière.

9- L’étude de la torah est l’élément fondamental de l’unité nationale, et de l’indépendance d’Israël.

C’est pour cela que D répond à Moshé “Ehyek asher Ehyek”, ce qui veut dire, il y a un point où toutes les visons se rejoignent, chacune des visions individuelles, si elle est honnête, est la parole du D vivant.

De plus, c’est en étudiant la torah de l’autre que l’on va pouvoir aimer l’autre. On n’a pas à être d’accord avec l’autre, mais en étudiant la torah de l’autre, et son rapport au divin, on apprend à apprécier l’individu qui est capable de ce rapport. On se rend compte aussi, du même coup, de ce qu’il y a de relatif dans notre propre vision du judaïsme, et dans notre rapport à D.

De ce fait, par l’étude de la torah de l’autre, on devient capable d’appréhender l’existence de D dans son existence absolue, dans son existence indépendante qui ne nous est pas adressée.

Pour le rav Feinstein, il faut étudier la torah de l’autre, la vision de la torah qui ne nous parlait pas, et y voir ce qu’il y a de divin en elle. C’est cette étude qui crée l’indépendance d’Israël et son unité. Lorsque l’on étudie un passage de Rashi, de Maimonide ou du Maharal, du Hazon Ish ou du Rav Kook, par exemple, on se rend compte de ce qu’il y avait de divin dans leurs âmes, et cette rencontre de l’autre crée l’unité du peuple et l’indépendance face aux nations. L’indépendance nationale est le fruit de l’unité, et l’unité ne peut venir qu’à travers l’étude de la torah, car c’est la seule véritable rencontre avec l’autre. Cette indépendance d’Israël en tant que nation n’est pas simplement une indépendance face aux autres nations, c’est aussi une indépendance face a D lui-même. Et c’est cette indépendance que l’on commémore à Pessah. (C’est l’idée du sacrifice pascal qui ne peut être mangé qu’en groupe, dans une maison, on ne peut pas appartenir à deux groupes etc.)

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