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Writer's pictureRav Uriel Aviges

Vayishlah 5774

Dans ce cours nous essayons d'envisager dans quelle mesure l'etude de la torah peut etre nocive pour quelqu'un. Dans quel cas la torah devient elle un poison plutôt qu'un elixir de vie...


La religion est elle bonne pour tout le monde ?

On peut remarquer une contradiction dans les midrashim. D’une part, les maitres reprochent aux patriarches d’avoir écarté certains étrangers voulant se convertir au judaïsme, pourtant, ailleurs, les midrashim reprochent aux patriarches d’avoir enseigné la torah a des individus qui n’étaient pas aptes a la recevoir, en les rendant de la sorte encore plus mauvais qu’ils n’étaient.

Le talmud, dans le traite de Hulin (page 99 b), dit en effet, « Timna, une princesse, était venue vers les patriarches pour se convertir au judaïsme, Abraham, Isaac et Jacob l’ont rejetée. S’étant vue rejetée, elle est devenue la concubine d’Elifaz, un des fis d’Esaü ; elle s’est dit : « je préfère être une esclave dans cette famille, plutôt que d’être une princesse dans un autre peuple », mais puisqu’elle avait été rejetée, elle a donné naissance a Amalek qui est devenu l’ennemi juré d’Israël »

Or, la dénommée Timna n’était pas une sainte, loin de la. Le verset dit (genèse 32 12) « Timna devint concubine d'Elifaz, fils d'Ésaü; elle lui enfanta Amalek. » et Rashi explique : « Et Timna’ était concubine : Ces mots, écrits à l’éloge de la grandeur d’Abraham, ont pour objet de montrer le nombre de ceux qui auraient voulu s’allier à sa famille. Timna’ était de souche royale, ainsi qu’il est écrit : « la sœur de Lotan Timna’ » (verset 22), et Lotan faisait partie des « chefs » demeurant à Séir. Il descendait des ‘Hori, qui y habitaient autrefois. Elle a dit [à Elifaz] : « Si je ne mérite pas de devenir ton épouse, laisse-moi au moins devenir ta concubine ! » Le livre des Chroniques (I Divrei Hayamim 1, 36) la compte au nombre des enfants de Elifaz. Cela nous apprend que Elifaz a eu des rapports avec la femme de Séir et qu’ils ont donné naissance à Timna’. Devenue grande, elle a été sa concubine. C’est pourquoi il est écrit : « la sœur de Lotan était Timna’ » : On ne la compte pas parmi les enfants de Séir, puisqu’elle était sa sœur par sa mère et non par son père (Midrach tan‘houma Wayéchèv 1). »

En fait, timnah, voulait à tout prix se marier avec son père Elifaz, ce qui est un interdit évident même pour les non juifs, et pourtant on reproche au patriarche de l’avoir rejetée. Il semble donc que les sages nous encouragent à rapprocher du judaïsme et de la religion même les gens les plus pervers. Car, si on rejette les pervers, alors, ils risquent de devenir encore pires qu’ils ne sont déjà. Timna n’était pas une sainte, mais son fils Amalek est encore pire qu’elle. Si les patriarches l’avaient acceptée, alors, au moins, peut être que sa descendance aurait pu être sauvée.

Dans la même veine, nos maitres reproche a Jacob d’avoir caché sa fille dina dans une boite pour ne pas qu’elle se marie avec Esaü. Comme le commente Rashi sur le verset (32 23) « Il se leva, quant à lui, pendant la nuit; il prit ses deux femmes, ses deux servantes et ses onze enfants et passa le gué de Jaboc. » « Et Dina, où était-elle ? Ya‘aqov l’avait enfermée dans une caisse verrouillée pour que ‘Essaw ne puisse porter ses regards sur elle. Et il a été puni pour l’avoir ainsi refusée à son frère. Peut-être l’aurait-elle ramené vers le bien ! On sait qu’elle est tombée par la suite entre les mains de Chehem (Beréchith raba 76, 9). »

Le passage du talmud dans Hulin et le midrash Rabah rapporté par rashi montrent clairement qu’il faut chercher à rapprocher les impies du judaïsme.

Cependant, on peut trouver d’autres midrashim qui expliquent le contraire.

Le midrash cité par Rashi dit au sujet de Leah dit « Léa avait les yeux faibles; » « Ternes Parce qu’elle se croyait destinée à ‘Essaw, et elle en pleurait. Tout le monde disait : « Riva à deux fils, et Lavan deux filles. L’aînée sera pour l’aîné, et la cadette pour le cadet » (Beréchith raba 70, 16). » Le midrash conclu que c’est par le mérite de ses larmes que Leah a put se marier avec Jacob. Il n’empêche que ce midrash concernant Leah contredit complètement celui qui accusait Jacob de ne pas marier sa fille dina avec Esaü. Puisque l’on aurait pu tenir Leah comme coupable de ne pas laisser une chance de rédemption a Esaü en se mariant avec lui.

Dans la même veine, en ce qui concerne Elifaz, le fils d’ Esaü, le midrash nous apprend qu’il était le petit fils préféré d’Isaac. Contrairement a ce que l’on pourrait croire, Isaac n’a pas enseigné la torah qu’il avait reçue de son père (Abraham) à Jacob.

Itzhak, a transmis la torah qu’il avait reçue d’Abraham à Elifaz le fils d’ Esaü et le père d’amalek. Rashi le dit dans son commentaire sur job (chapitre 4 verset 1) et dans son commentaire sur Bereshit (29 11). Elifaz est un prophète a part entière, et ses prophéties sont consignées dans le livre de job. Pourtant le rav haim Schmulevits explique que si amalek, le peuple maudit entre tous, descend d’Elifaz c’est justement par ce qu’Elifaz avait étudié la torah avec Isaac. Lorsque l’on enseigne la torah a quelqu’un qui n’est pas apte a la recevoir, il semble que cet enseignement est nocif et qu’il le rend « le mauvais » encore pire qu’il n’était avant.

De même, l’accusation faite a Isaac d’avoir enseigne la torah a Elifaz contredit clairement celle faite au patriarche d’avoir rejeté sa fille timnah !

D’autre part comme nous l’avons dit plus haut, Jacob n’a pas hérité de la torah d’Abraham et Isaac, il a reçu la torah de Chem et Evèr, et c’est cette torah qu’il a transmise à son fils préféré Josef. comme le dit rashi en commentant le verset « tandis que Jacob, homme inoffensif, vécut sous la tente. » « Habitait les tentes : La tente de Chem et celle de ‘Evèr. ».

Dans ce commentaire, il est évident que rashi vient faire abstraction du sens littéral indiquant que Jacob résidait dans la tente d’Isaac. Plus tard, rashi dit « Josef, Le fils de sa vieillesse (zeqounim) Le Targoum Onqelos traduit par : « un fils intelligent ». Tout ce qu’il avait appris auprès de Chem et ‘Evèr, il le lui avait transmis (Beréchith raba 84, 8). », Rashi la encore montre bien que Jacob n’a pas transmis la torah de son père Isaac ou celle d’Abraham. Jacob a transmis la torah de Chem et Evèr. Entre temps, Jacob quitte son père pour rester habiter pendant 12 ans chez Chem et Evèr.

Il y a lieu de s’interroger sur le comportement de Jacob ; pourquoi Jacob rejette t il l’héritage d’Abraham et Isaac, et pourquoi est il réceptif au message de Chem et Evèr. (Chem et Evèr étaient les arrières grands parents d’Abraham.)

On peut tenter de répondre ces questions à partir d’un dvar torah de lyor dahan.

Lorsque D a créé la femme a partir d’une cote d’adan, D a eu besoin d’endormir adan. Le talmud (sanhedrin 39a)se demande pourquoi le sommeil d’adan était il nécessaire à l’apparition d’Ève? Le talmud répond, que si adan avait assisté a la création d’Ève, il n’aurait jamais eu de désir pour elle. Le talmud explique que si l’on abat un animal devant une personne et que l’on prend une cote de cet animal, celui qui a vue l’abatage n’a pas envie de manger cette cote, même si ensuite on la cuisine devant lui. Pour désirer sa femme l’homme a besoin d’oublier son origine.

Pourtant, le verset de la torah dit que la raison pour laquelle un homme désire sa femme c’est justement par ce qu’il ressent qu’elle fait partie intégrante de ses tripes.

Les versets disent en effet « L’Éternel-Dieu fit peser une torpeur sur l’Homme, qui s’endormit; il prit une de ses côtes, et forma un tissu de chair à la place. 22 L’Éternel-Dieu organisa en une femme la côte qu’il avait prise à l’homme, et il la présenta à l’homme. 23 Et l’homme dit: "Celle-ci, pour le coup, est un membre extrait de mes membres et une chair de ma chair; celle-ci sera nommée Ich, parce qu'elle a été prise de Ich." 24 C'est pourquoi l'homme abandonne son père et sa mère; il s'unit à sa femme, et ils deviennent une seule chair. »

Le texte du talmud et celui de la torah pointent un paradoxe du désir. le talmud semble dire que le désir de l’homme est animé par l’oublie de l’origine de sa femme et le texte de la torah dit par contre que le désir de l’homme est animé par la volonté de retrouver la chair de sa chair et l’origine de sa femme.

Lyor Dahan interprète avec justesse ces paradoxes de la manière suivante : l’homme désir sa femme par ce qu’il aurait voulu lui donner naissance. L’opération décrite dans la genèse ressemble à un accouchement, l’homme voudrait être capable d’accoucher sa femme. L’homme désir sa femme par ce qu’en ayant des rapports avec elle, il a l’impression de lui donner naissance. L’homme desir sa femme car il a l’impression atravers elle de donner naiscance a sa mere.

Si un homme n’éprouve pas de désir sexuel pour sa fille c’est justement par ce qu’il l’a vue grandir. L’homme éprouve du désir pour une femme inconnue justement par ce qu’il ne l’a pas vue grandir, mais, son fantasme est justement de lui donner naissance.

Le désir de l’homme pour sa femme s’entretient, dans la mesure où a chaque foi, qu’il a des rapports avec elle, il recherche a en être le géniteur. Ce fantasme n’est pas réalisable, par ce que justement, si l’homme pouvait connaitre l’origine de sa femme il en serait dégouté. Le désir d’un homme pour sa femme reste intact par ce qu’il ne peut pas être assouvi dans la réalité.

Cette interprétation, peut être prouvée par un passage du talmud dans le traite de pesahim (51a), qui interdit un homme de se baigner nu avec son beau père, car, pour le talmud, le fait de voire son beau père nu, serait une excitation sexuelle trop intense.

A partir de cette interprétation on peu comprendre pourquoi, il était probable que dina puisse faire faire techouvah a Esaü alors que Leah en aurait été incapable.

Vu qu’ Esaü était jaloux de Jacob, il aurait tout fait pour prendre sa place dans le cœur de sa fille dina. En se mariant avec dina, Esaü aurait donc du s’identifier a Jacob de manière authentique. Car pour réaliser le fantasme irréalisable d’être le père de sa femme dina, il aurait du transformer la profondeur de son être, et arriver a un niveau d’authenticité dont il avait été jusqu'à maintenant incapable.

Le fantasme amoureux lorsqu’il se réalise a travers le mariage permet de transformer des sentiments superficiels en sentiments authentiques. Lorsque l’on tombe amoureux on est au départ amoureux d’une image, on n’a pas accès à l’être aimé, on aime une illusion ou les attributs extérieurs de quelqu’un. Par exemple, on peut tomber amoureux de quelqu’un par ce qu’il est riche ou par ce qu’il est beau ou bien éduqué, par ce qu’il représente un idéal flou et faux.

Mais a travers le mariage, c’est à dire a travers des étapes de déceptions, on arrive à créer un rapport plus véridique a l’autre. Ce qui permet cette magie c’est la volonté de retrouver ses propre tripes « un membre extrait de ses membres », une volonté de donner naissance à celui qui nous a donne naissance.

Dans ce sens, Esaü aurait fait techouvah pour réaliser son fantasme d’être le père de dina. Il est important de remarquer que de même que Esaü aurait cherché a donner naissance a dina, dina cherche elle aussi à donner naissance a son père en ce mariant.

Ici le talmud, interprété par lyor dahan, propose une nouvelle théorie du désir. Ce n’est pas la loi et l’interdit qui crée le désir, c’est une volonté de se donner naissance, c'est-à-dire d’être a l’origine de celui qui nous a donné naissance. La femme cherche à donner naissance à son mari et le mari cherche à donner naissance à sa femme. Donner naissance à son géniteur, c’est en fait rechercher l’intériorité de ses propres tripes.

Dans cette optique il y a toujours une identification du mari avec le beau père. Le gendre s’identifie d’une certaine manière à son beau père. (Même lorsqu’une femme cherche le contraire de son père en se mariant, il y a toujours quelque part une recherche du père). Ainsi, Leah dont le beau père était Lavan, un homme pervers, n’aurait pas pu faire faire techouvah à Esaü de manière authentique et profonde. Puisque c’est Lavan qui serait devenu le model d’ Esaü. Par contre dinah peut faire faire techouvah a Esaü, car c’est jacob qui deviendra le model d’ Esaü.

A la lumière de cette idée, on peut comprendre la raison pour laquelle Jacob rejette l’héritage d’Isaac et d’Abraham. Jacob est décrit comme le symbole de l’authenticité, le prophète Misha dit (chap7 v20) « tu donnes l’authenticité à Jacob ». Or, être authentique, c’est chercher à devenir l’origine de son géniteur. C’est pour cette raison que Jacob cherche à recevoir le message de Chem et Evèr, les arrières grands parents d’Abraham, car le discours de Chem est le discours matriciel qui a donné naissance a Abraham.

Dans le judaïsme discours du père ne se transmet pas d’une manière direct, il est transmis en étant mis en regard avec les textes fondamentaux de la torah. L’enfant reçoit d’abord le texte géniteur ; la bible ; le message des arrières grand parents, avant de recevoir celui de ses parents. Le discours des parents est jugé et critiqué par l’enfant à la lumière du message ancestral des textes de la torah. C’est de cette manière que l’enfant accède à l’authenticité de son être, la chair provenant de sa chair.

C’est par ce que Jacob à accès spirituellement a L’authenticité de l’origine, qu’il est capable de devenir le géniteur de ses femmes et de les soustraire à l’influence de leur père Lavan. Jacob peut transformer les enfants des pervers en juste, car il a accès a la véritable origine de l’homme, c'est-à-dire, le souffle de D. Esaü n’avait pas accès a cette lumière, il ne pouvait faire techouvah qu’en se mariant a la fille d’un juste.

Timnah en voulant se marier à son père cherchait elle aussi à devenir l’origine de sa propre naissance. Si elle avait été convertie par les patriarches elle aurait eu légalement eu le droit de se marier avec son père Elifaz. Car nous savons qu’un converti est considéré comme un enfant nouveau né, son mariage avec Elifaz n’aurait pas été considéré une relation incestueuse. En refusant la conversion de Timna les patriarches ont refusé à timna le droit de se recréer et de devenir l’origine d’elle même.

Elifaz, a voulu, comme Jacob, retrouver le discours des ces ancêtres, c’est pour cela qu’il a été réceptif au message de son grand père, Itzhak. Le discours du père d’Elifaz, Esaü, n’était pas en phase avec celui de son grand père. Devant cette contradiction, Elifaz aurait du chercher à devenir sa propre origine, il n’en n’était pas capable par lui-même. Il aurait pu devenir capable de cette recherche en se mariant légalement avec sa fille timnah, puisqu’elle était elle-même, dans cette même démarche de renouvellement. En empêchant la conversion de timnah, les patriarches empêchaient Elifaz de faire techouvah. La faute d’Itzhak n’a pas été d’enseigner le torah a Elifaz, la faute a été de ne pas convertir sa fille pour lui permettre de vivre légalement avec elle.

La religion est peut être bonne pour tout le monde, mais il ne faut rapprocher que les personnes que l’on peut transformer d’une manière durable et stable, en leur donnant les moyens de se transformer. la manière de donner ces moyens n’est pas toujours claire, parfois c’est en permettant a un père de se marier avec sa fille, qu’on ouvre les portes de la techouvah.

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